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Éthique de responsabilité ?

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« Le cas de conscience • Pour montrer les limites d'une approche où le devoir est pensé indépendamment de toute expérience et des aspirations individuelles, on peut remarquer que la question de savoir ce que l'on doit faire se pose quand il y a cas de conscience, déchirement entre deux devoirs contradictoires. • Dans L'existentialisme est un humanisme, Sartre rapporte l'exemple d'un jeune homme qui expose le cas de conscience suivant : doit-il accomplir son devoir filial en restant auprès de sa mère, ou bien doit-il accomplir son devoir patriotique en rejoignant les Forces françaises libres (FFI) ? Si on peut distinguer entre aspiration individuelle et devoir, il n'est pas simple de choisir entre deux devoirs qui s'affrontent. Qu'il soit facile de savoir où est son devoir n'exclut pas toujours la nécessité de la délibération.

Des situations peuvent, en effet, se présenter où le sujet voit s'opposer deux règles.

Sartre, dans « L'existentialisme est un humanisme » cite le cas d'un jeune homme qui doit choisir entre le devoir patriotique qui lui commande de partir en Angleterre et s'engager dans les Forces Françaises Libres, et le devoir filial qui lui commande de rester auprès de sa mère souffrante et l'aider à vivre.

Ce jeune homme peut se dire que sa mère ne vit que par lui et que son départ, et peut-être sa mort, la plongerait dans le désespoir ; Il peut aussi se rendre compte que partir et combattre est un acte ambigu qui pourrait ne servir à rien si, par exemple, passant par l'Espagne, il restait bloqué dans un camp espagnol.

Suite à une telle délibération, il choisirait de rester auprès de sa mère.

Mais les devoirs fondamentaux exigés par la situation sont probablement qu'il devrait accomplir et son devoir filial et son devoir patriotique.

Entre ces deux impératifs, il n'y a pas d'incohérence de nature.

Le conflit vient de ce que, les choses étant ce qu'elles sont, il n'y a pas moyen de faire les deux actions en même temps.

Autrement dit, s'il reste auprès de sa mère, le jeune homme ne peut pas dire qu'il se trompait en pensant que s'engager dans les Forces Françaises Libres était une chose qu'il devait faire.

Il peut même continuer à penser cela rétrospectivement et, partant, avoir des regrets. Suivre un des devoirs, dans un conflit moral, n'entraîne pas que l'autre devoir n'a aucune pertinence Le discernement • La complexité du problème initial apparaît : comment concilier devoir et bonheur alors que ces deux notions sont aussi indéterminées l'une que l'autre ? Et la difficulté s'accroît encore du fait que si peu d'entre nous veulent d'un devoir excluant le bonheur, peu d'entre nous voudraient d'un bonheur exclusivement préoccupé de lui-même, dénué de préoccupation morale pour autrui.

Comment concilier devoir et bonheur alors qu'ils paraissent inextricablement mêlés ? • Le problème pourrait s'énoncer comme le fait Ricoeur dans Soi-même comme un autre : « Que faut-il faire pour atteindre la vie bonne avec autrui et pour soi-même ? » Il faut examiner la situation qui pose problème — en appeler à une éthique de responsabilité —, passer notre décision au crible de la loi morale afin d'éviter une aspiration trop individuelle et en revenir à « l'intuition fondamentale de l'éthique », c'est-à-dire à l'esprit du devoir que seul notre discernement peut apprécier. « L'homme est libre; sans quoi conseils, exhortations, préceptes, interdictions, récompenses et châtiments seraient vains.

» Saint Thomas d'Aquin, Somme théologique, 1266-1274. Si l'homme n'est pas doué du libre arbitre, il ne peut être tenu responsable de ses actes.

Quel sens y aurait-il à punir ou à récompenser quelqu'un qui ne pouvait agir autrement qu'il ne l'a fait? « Qui lance une pierre ne peut plus la rattraper.

Toutefois, il était en son pouvoir de la jeter ou de la laisser tomber, car cela dépendait de lui.

Il en va de même pour les hommes qui pouvaient, dès le début, éviter de devenir injustes et débauchés; aussi le sont-ils volontairement; mais une fois qu'ils le sont devenus, ils ne peuvent plus ne pas l'être.

» Aristote, Éthique à Nicomaque, Ive s.

av.

J.-C. « L'homme est condamné à être libre.

Condamné, parce qu'il ne s'est pas créé lui-même, et par ailleurs cependant libre, parce qu'une fois jeté dans le monde, il est responsable de tout ce qu'il fait.

» Sartre, L'existentialisme est un humanisme, 1946. L'homme est « condamné à être libre », parce qu'il ne peut échapper au devoir de se réaliser lui-même, de se faire être ce qu'il est. « Jamais nous n'avons été plus libres que sous l'occupation allemande.

» Sartre, «La République du silence», 1944. Cette affirmation paradoxale, comme on s'en doute, a fait couler beau coup d'encre.

Comment peut-on se déclarer « libre » quand on est asservi, torturé, déporté, humilié ? Provocation gratuite ? Non, Sartre veut dire que la liberté est toujours une conquête, et d'abord une conquête sur soi-même.

Il est facile de se dire « responsable » quand on est loin des combats ; c'est au contraire dans les « situations limites » (l'occupation allemande, par exemple), quand toutes les libertés nous ont été ôtées, que notre liberté de choisir (ici, entre collaboration et résistance) prend tout son sens et toute sa dimension. « Si l'on a conçu les hommes "libres", c'est à seule fin qu'ils puissent être jugés et condamnés, afin qu'ils puissent devenir coupables. » Nietzsche, Crépuscule des idoles, 1889.. »

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