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EST-IL NÉCESSAIRE D'ÊTRE CULTIVÉ POUR APPRÉCIER UNE OEUVRE D'ART ?

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« INTRODUCTION Est-il possible de goûter un tableau de Van Gogh, de Picasso, une musique de Vivaldi, une statue de Michel-Ange sans avoir jamais appris la peinture, la musique, la sculpture ? Faut-il être instruit, formé, posséder certaines connaissances, pour apprécier une oeuvre d'art ? Bref, le plaisir esthétique dépend-il essentiellement du degré d'instruction ? Il semble que nous ayons ici affaire à un paradoxe : d'une part, le plaisir ressenti devant une oeuvre est de l'ordre de la sensibilité donc de la subjectivité, et d'autre part, le degré de jouissance esthétique serait proportionnel au niveau culturel de chacun, sous-entendant que selon notre culture nous apprécierons ou non à sa juste valeur l'oeuvre d'art. I.

Qu'est-ce que le beau ? • Une satisfaction désintéressée. « Le beau est l'objet d'un jugement de goût désintéressé.

» Kant, Critique de la faculté de juger.

Kant distingue l'émotion esthétique de la sensualité.

Les oeuvres d'art ne « servent » pas nos désirs charnels.

Par exemple, lorsque Ingres peint Le Bain turc (1863) ou Gauguin Les Seins aux fleurs rouges (1897), ce n'est pas pour exciter le désir sensuel.

La nudité est une expérience naturelle, naturaliste, mais le nu est un concept de l'art.

Le nu s'offre à la contemplation.

Michel Ribon écrit : « Si le nu est moins un "sujet" de l'art que l'un de ses territoires essentiels (1), c'est que l'érotisme trouve dans l'oeuvre d'art sa nécessaire et légitime présence (jusque dans l'art le plus modeste : ainsi, ces épouses nues, peintes au Moyen Age à l'intérieur des coffres de mariage).

Le nu suscite une émotion spécifique ; c'est avec notre propre corps de chair que nous le percevons et les sensations, qui ébranlent notre être, redoublent en le sublimant l'émoi érotique que nous donne le nu.

Par sa mise en forme, la glorification de cette matière '.

vivante dont le spectateur est lui aussi pétri, le réconcilie avec son propre corps ; contempler un nu apaise le désir et confère au regard une sérénité qu'interdit la présence immédiate d'une nudité ; à travers le mirage de l'immortalité d'un corps pénétré de spiritualité, le nu semble révéler l'ordre et l'harmonie du monde.

A son admirable nu de 1945, Dali donne ce titre qui est aussi un acte de foi : Portrait de ma femme regardant son corps devenir un temple.

(L'Art et la nature, Hatier). Le plaisir esthétique est donc contemplation, non consommation. • « Est beau ce qui plaît universellement sans concept.

», Kant. La représentation d'un bel objet stimule notre esprit et apporte une satisfaction qui n'est le produit d'aucune règle déterminée.

Nous sommes ici en présence de l'ambiguïté fondamentale de la valeur esthétique.

La belle oeuvre d'art a une valeur universelle : elle est reconnue telle auprès de tous les hommes compétents, éduqués.

Elle a une valeur « nécessaire » : on ne peut pas ne pas reconnaître la supériorité de Vermeer, de Rembrandt.

Pourtant cette universalité et cette nécessité (caractère même de la raison) sont reconnues sans concept ! Elles ne sont accessibles qu'au sentiment.

La valeur d'une oeuvre d'art n'est pas quelque chose qui se prouve mais s'éprouve. Pour apprécier Racine, nul besoin d'avoir lu L'Art poétique de Boileau. Il serait alors à la fois nécessaire d'être éduqué, mais en même temps on peut apprécier sans trop de culture.

Cela est bien obscur ! Essayons de soulever l'équivoque. II.

Le jugement esthétique Le goût est la faculté de juger d'un objet ou d'un mode de représentation, sans aucun intérêt, par une satisfaction ou une insatisfaction.

», Kant. • Le critère d'universalité : la satisfaction née du beau étant libre de tout intérêt, de nature non sensuelle, le jugement de goût peut être supposé valable pour chacun et le plaisir communicable à tous. • Mais l'universalité du jugement de goût ne repose pas sur un concept de l'objet.

« On ne peut indiquer une règle d'après laquelle quelqu'un pourrait être obligé de reconnaître la beauté d'une chose.

», Kant. On peut alors se demander si l'expérience esthétique ne requiert pas certaines conditions socio-culturelles, et si le plaisir n'est pas le fait d'un apprentissage, d'une accoutumance, que seul un certain type d'éducation favorise. (1) Né dans les civilisations de la Méditerranée, privilège de l'Occident, le nu a toujours été le sujet obligé des exercices d'école ; il n'a pas seulement survécu à toutes les révolutions artistiques : il les a toujours nourries.

Ainsi, peints en 1907, Le Nu bleu de Matisse et Les Demoiselles d'Avignon de Picasso, rompant avec l'académisme, ont offert un point de départ à l'art du XXe siècle. III.

Jugement de goût et culture • Marx affirme que l'art – ainsi que la philosophie, la religion, etc.

– dépend de la classe sociale dominante à un moment historique donné, et des rapports de classes dans cette société.

Tout artiste, (Marx prend l'exemple du peintre Raphaël), a été « conditionné par les progrès techniques que l'art avait réalisés avant lui, par l'organisation de la société et la division du travail qui existaient là où il habitait, et enfin par la division du travail dans tous les pays avec lesquels la ville qu'il habitait entretenait des relations ». L'artiste dépend de la société dans laquelle il évolue (l'art grec présuppose la mythologie grecque) et toute oeuvre d'art est un reflet de son époque.

On ne peut donc véritablement apprécier une oeuvre d'art qu'en la replaçant dans son contexte, qu'en connaissant les conditions socio-culturelles, politiques, économiques etc.

de son apparition. Mais cela n'explique pas pourquoi une oeuvre d'art véritable échappe à la temporalité.

Pourquoi sommes-nous encore émus aujourd'hui devant les pyramides égyptiennes ? devant un tableau de Vélasquez ? à l'écoute d'une symphonie de Mozart ?. »

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