Est-il juste de dire: "Je pense donc je suis" ?
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«
EXPLICATION DE LA CITATION DE DESCARTES
Cette phrase (« Je pense donc je suis ») apparaît au début de la quatrième partie du « Discours de la
méthode », qui présente rapidement la métaphysique de Descartes.
On a donc tort de dire « Cogito ergo sum », puisque ce texte est le
premier ouvrage philosophique important écrit en français.
Pour bien comprendre cette citation, il est nécessaire de restituer le
contexte dans lequel elle s'insère.
Le « Discours de la méthode »
présente l'autobiographie intellectuelle de Descartes, qui se fait le
porte-parole de sa génération.
Descartes y décrit une véritable crise de
l'éducation, laquelle ne tient pas ses promesses ; faire « acquérir une
connaissance claire & assurée de tout ce qui est utile à la vie ».
En fait, Descartes est le contemporain & le promoteur d'une véritable
révolution scientifique, inaugurée par Galilée, qui remet en cause tous
les fondements du savoir et fait de la Terre, jusqu'ici considérée comme
le centre d'un univers fini, une planète comme les autres.
L'homme est
désormais jeté dans un univers infini, sans repère fixe dans la nature, en
proie au doute sur sa place et sa fonction dans un univers livré aux lois
de la mécanique.
Or, Descartes va entreprendre à la fois de justifier la
science nouvelle et révolutionnaire qu'il pratique, et de redéfinir la place
de l'homme dans le monde.
Pour accomplir cette tâche, il faut d'abord prendre la mesure des erreurs
du passé, des erreurs enracinées en soi-même.
En clair, il faut remettre en cause le pseudo savoir dont on a
hérité et commencer par le doute :
« Je déracinais cependant de mon esprit toutes les erreurs qui avaient pu s'y glisser auparavant.
Non que
j'imitasse en cela les sceptiques, qui ne doutent que pour douter ; car, au contraire, tout mon dessein ne
tendait qu'à m'assurer, et à rejeter la terre mouvante & le sable, pour trouver le roc & l'argile.
» (« Discours
de la méthode », 3ième partie).
Ce qu'on appelle métaphysique est justement la discipline qui recherche les fondements du savoir & des
choses, qui tente de trouver « les premiers principes & les premières causes ».
Descartes, dans ce temps
d'incertitude et de soupçon généralisé, cherche la vérité, quelque chose dont on ne puisse en aucun cas
douter, qui résiste à l'examen le plus impitoyable.
Cherchant quelque chose d''absolument certain, il va
commencer par rejeter comme faux tout ce qui peut paraître douteux.
« Parce qu'alors je désirais vaquer seulement à la recherche de la vérité, je pensais qu'il fallait [...] que je
rejetasse comme absolument faux tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute, afin de voir s'il ne
resterait point après cela quelque chose [...] qui fut entièrement indubitable.
»
Le doute de Descartes est provisoire et a pour but de trouver une certitude entière & irrécusable.
Or il est sûr que les sens nous trompent parfois.
Les illusions d'optique en témoignent assez.
Je dois donc
rejeter comme faux & illusoire tout ce que les sens me fournissent.
Le principe est aussi facile à comprendre
que difficile à admettre, car comment saurais-je alors que le monde existe, que les autres m'entourent, que j'ai
un corps ? En toute rigueur, je dois temporairement considérer tout cela comme faux.
A ceux qui prétendent que cette attitude est pure folie, Descartes réplique par l'argument du rêve.
Pendant
que je rêve, je suis persuadé que ce que je vois et sens est vrai & réel, et pourtant ce n'est qu'illusion.
Le
sentiment que j'ai pendant la veille que tout ce qui m'entoure est vrai & réel n'est donc pas une preuve
suffisante de la réalité du monde, puisque ce sentiment est tout aussi fort durant mes rêves.
Par suite je dois,
si je cherche la vérité : « feindre que toutes les choses qui m'étaient jamais entrées en l'esprit n'étaient non
plus vraies que l'illusion des songes ».
Mais le doute de Descartes va bien plus loin dans la mesure où il rejette aussi les évidences intellectuelles, les
vérités mathématiques.
« Je rejetai comme fausses toutes les raisons que j'avais prises auparavant pour
démonstrations.
»
Nous voilà perdu dans ce que Descartes appelle « l'océan du doute ».
Je dois feindre que tout ce qui
m'entoure n'est qu'illusion, que mon corps n'existe pas, et que tout ce que je pense, imagine, sens, me
remémore est faux.
Ce doute est radical, total, exorbitant.
Quelque chose peut-il résister ? Vais-je me noyer
dans cet océan ? Où trouver « le roc ou l'argile » sur quoi tout reconstruire ? On mesure ici les exigences de
rigueur et de radicalité de notre auteur, et à quel point il a pris acte de la suspicion que la révolution galiléenne
avait jetée sur les sens (qui nous ont assuré que le soleil tournait autour de la Terre) et sur ce que la science
avait cru pouvoir démontrer..
»
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