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est-ce bien de perdre ses illusions ?

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« Approche problématique: Ce sujet renvoie à une expression commune (perdre ses illusions) dont le sens semble facile à saisir : nos illusions nous trompent, elles nous font prendre le réel pour ce qu'il n'est pas, elles nous abusent, il faut donc tâcher de s'en délivrer...

Ce qu'il faut ici rendre clair ce sont les raisons qui justifient cette tâche (pourquoi faudrait-il s'en débarrasser ?).

Cependant le mécanisme de l'illusion est complexe : le propre de l'illusion c'est de se faire passer pour le réel, le plus souvent en l'enjolivant, en le faisant meilleur qu'il n'est , de plus, contrairement à la simple erreur, le propre de l'illusion est qu'elle subsiste, même lorsqu'on sait que c'est une illusion (pensez aux illusions d'optique).

Ainsi pour abandonner ses illusions, il faut d'abord les reconnaître comme illusions et consentir à les perdre alors même qu'elles semblent souvent plus séduisantes que la réalité.

Cette opération de reconnaissance est lente et difficile : c'est ce qu'on appelle couramment la désillusion.

Elle peut s'avérer triste et douloureuse, en cela qu'elle nous renvoie brutalement à la difficulté de la vie, à une réalité plate et désenchantée.

En quel sens l'illusion peut sembler souhaitable ? La désillusion n'est-elle pas le premier pas vers le lucidité heureuse ? Pistes de réflexion Il faut perdre ses illusions. • En commençant par là, on peut déjà être sûr de ne pas se trouver à court d'arguments en puisant chez de nombreux philosophes, tant la plupart d'entre eux sont partis en guerre contre les illusions en tout genre. Ainsi l'infatigable travail de Socrate n'est-il pas de lutter contre notre illusion de «savoir»? Socrate disant qu'il savait qu'il ne savait rien. Si j'arrive à découvrir que tout ce que je sais, c'est...

que je ne sais rien, alors s'ouvre en moi et devant moi la vraie et passionnante recherche, la curiosité féconde dans la conscience même des écueils de sa soif. Cette phrase est attribuée à Socrate par son disciple Platon.

On en trouve la source dans l' « Apologie de Socrate » qui narre le procès intenté à Socrate par la ville d'Athènes alors que notre homme était âgé de 70 ans.

Dans ce beau texte, Platon fait le récit de la vocation philosophique de son maître et des raisons véritables de son procès.

On y voit Socrate enquêtant auprès de ses concitoyens pour savoir pourquoi l'oracle de Delphes l'avait déclaré le plus sage des hommes.

Il s'attire ainsi des inimitiés qui amènent sa condamnation à mort. Socrate est en quelque sorte le patron des philosophes, au point que l'on appelle « présocratiques » les penseurs antérieurs, comme si Socrate était l'origine de notre calendrier philosophique, à la façon dont Jésus-Christ l'est de notre ère. Or, Socrate, que l'on considère encore aujourd'hui comme « le plus pur penseur de l'Occident » (Heidegger), est un personnage qui n'a rien écrit, dot toute l'activité s'est concentrée sur le dialogue avec ses concitoyens.

Les renseignements que nous avons concernant sa vie et sa pensée proviennent donc essentiellement de ses deux principaux disciples, Xénophon et surtout Platon. La déclaration de Socrate : « Je sais que je ne sais rien » est une pièce centrale de son procès. Ce procès, qui allait voir la condamnation à mort de l'homme « le plus sage et le plus juste », n'est pas seulement resté comme un exemple du courage de l'homme face à la mort, comme un exemple du juste injustement persécuté.

Il n'a pas seulement alimenté les parallèles avec la fin de Jésus ; il a signé le divorce entre la philosophie et la politique.

Qu'une cité comme Athènes, démocratique et respectueuse des lois, ait pu commettre un pareil crime, une telle injustice, cela allait détourner Platon de la politique, et plus fondamentalement entraîner la conviction que : - les affaires humaines et notamment la politique sont indignes et de peu de prix. Puisqu'antagonisme il y a entre le philosophe et la cité, et que la dernière persécute le premier, il n'y aurait de cité bien organisée et de philosophie possible dans la paix « que quand les philosophes seront rois et les rois philosophes ». On trouve la phrase étudiée dans le contexte suivant : Socrate explique que l'un de ses amis était allé à Delphes demander à l'oracle s'il y avait un homme plus sage que Socrate, et la réponse fut non. Socrate se trouve alors confronté au sens des paroles du dieu, car, s'il ne se croit pas lui-même sage, il ne peut remettre en cause les paroles d'Apollon.

Il décide alors de se livrer à une enquête auprès de tous les hommes sages ou prétendument tels de sa ville : les hommes d'Etat, puis les poètes, puis les artisans.

Dans tous les cas, la conclusion de Socrate peut se résumer ainsi : « Je suis plus sage que cet homme-là.

Il se peut qu'aucun de nous deux ne sache rien de beau ni de bon ; mais lui croit savoir quelque chose, alors qu'il ne sait rien, tandis que moi, si je ne sais pas, je ne crois pas non plus savoir.

Il me semble donc que je suis un peu plus sage que lui par le fait même que, ce que je ne sais pas, je ne pense pas non plus le savoir.

» Il faut prendre au sérieux cette définition d'une sagesse « toute humaine », et la relier à son art du dialogue et à sa conception de la philosophie.

Socrate, interrogateur infatigable et grand « bousilleur » d'idées reçues, tente toujours de dénoncer les idées toutes faites, les clichés, bref l'illusion de savoir. Socrate, dialoguant avec ses concitoyens, ne cherche pas à leur délivrer une vérité préfabriquée qu'il ne possède d'ailleurs pas.

Il cherche à mettre en évidence l'insuffisance de réponses traditionnelles, et à retrouver avec son interlocuteur, par un effort de pensée véritable, la signification réelle des notions communes.

Ainsi tous les citoyens d'Athènes croient-ils savoir ce qu'est le courage, ou la liberté, ou la vertu.

Ainsi, en réponse, Socrate passe-t-il son temps à leur montrer que leurs définitions n'en sont pas, qu'ils se contredisent.

On comprend que ses concitoyens se soient crus agressés, d'où l'origine véritable du procès.. »

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