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Epictète: Ce voleur, cet adultère

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Quoi ! Ce voleur, cet adultère ne devraient pas être mis à mort ! — Ne parle pas ainsi, dis plutôt : "Cet homme qui est dans l'erreur et qui se trompe sur les sujets les plus importants, qui a perdu la vue, non point la vue capable de distinguer le blanc et le noir, mais la pensée qui distingue le bien du mal, ne devrait-il pas périr ?" Et si tu parles ainsi, tu verras combien tes paroles sont inhumaines ; c'est comme si tu disais : "Cet aveugle, ce sourd ne doit-il pas périr ?" S'il n'y a pas de plus grand dommage que la perte des plus grands biens, et si le plus grand des biens est pour chacun une volonté dirigée comme elle doit l'être, et si un homme est privé de ce bien, pourquoi t'irriter contre lui ? Epictète

« Quoi ! Ce voleur, cet adultère ne devraient pas être mis à mort ! — Ne parle pas ainsi, dis plutôt : "Cet homme qui est dans l'erreur et qui se trompe sur les sujets les plus importants, qui a perdu la vue, non point la vue capable de distinguer le blanc et le noir, mais la pensée qui distingue le bien du mal, ne devrait-il pas périr ?" Et si tu parles ainsi, tu verras combien tes paroles sont inhumaines ; c'est comme si tu disais : "Cet aveugle, ce sourd ne doit-il pas périr ?" S'il n'y a pas de plus grand dommage que la perte des plus grands biens, et si le plus grand des biens est pour chacun une volonté dirigée comme elle doit l'être, et si un homme est privé de ce bien, pourquoi t'irriter contre lui ? Questions 1.

Dégagez l'idée générale du texte ainsi que les étapes de l'argumentation. 2.

Expliquez : a.

« Et si tu parles ainsi, tu verras combien tes paroles sont inhumaines » ; b.

« le plus grand des biens est pour chacun une volonté dirigée comme elle doit l'être ». Question 1 Dans ce texte, Épictète s'en prend à la manière commune d'envisager le bien et le mal.

Il dénonce la disposition à moraliser, ou plus exactement à s'indigner du fait que des hommes commettent le mal.

Cette critique se fonde sur une comparaison entre le jugement moral et la perception visuelle : l'homme méchant n'est pas plus capable de savoir ce qu'est le bien que l'aveugle de voir les couleurs.

On ne peut pas plus reprocher à un aveugle de ne pas voir qu'à un méchant de faire le mal.

Le présupposé de ce raisonnement analogique est donc que la faute n'est qu'une incapacité à penser le bien, une simple erreur dans la conception du bien.

C'est là la thèse du texte. La progression du texte s'accomplit en trois étapes.

La première phrase met en scène l'attitude accusatrice que l'auteur s'attache à critiquer.

Puis, dans un deuxième temps (jusqu'à « ne doit-il pas périr ? »), la condamnation de la faute est réfutée par une comparaison entre le jugement moral et la perception visuelle.

Enfin, Épictète renverse l'opinion commune en montrant implicitement qu'il conviendrait plutôt de plaindre le méchant. Question 2 a.

Dès lors qu'on admet que celui qui fait le mal était déterminé à le faire, autrement dit qu'il n'avait pas le choix, on comprend la vanité de toute condamnation de la faute : « Et si tu parles ainsi, tu verras combien tes paroles sont inhumaines ».

Cette attitude accusatrice est aussi irrationnelle et choquante que le serait celle qui consisterait à reprocher à l'aveugle de ne pas voir où il marche ou au paralytique de ne pas pouvoir aller où il veut.

Le paradoxe est ici qu'Épictète qualifie d'inhumain un comportement qui est tellement répandu chez les hommes qu'on pourrait presque le croire universel.

La notion d'« inhumanité » n'est pas à prendre au sens de ce qui appartient à l'espèce humaine mais comme le contraire du civilisé.

Il y aurait donc quelque chose de barbare chez tous les hommes dans la mesure où ils s'en prennent ou ont au moins envie de s'en prendre à ceux qui font le mal.

Cette « irritation », ce désir de vengeance n'est pas rationnellement justifiable.

La sagesse philosophique réclame de voir dans la faute l'expression d'une imperfection et non pas d'un choix du mal, d'une volonté perverse de faire le mal pour le mal. b.

Quel est le plus grand des biens ? De l'aveu de tous, il semble que ce soit le bonheur.

Mais en quoi consiste-t-il ? Dans notre texte, Épictète affirme que le souverain bien réside précisément dans la capacité à connaître le véritable bien, à ne pas se tromper dans notre visée du bien : « le plus grand des biens est pour chacun une volonté dirigée comme elle doit l'être ».

Le bien ne consiste pas en une chose qui ne dépend pas exclusivement de notre volonté comme la richesse, la gloire, le plaisir...

C'est l'exercice de la raison, la capacité à apprécier correctement ce qui nous convient dans telle ou telle situation qui représente le bien suprême.

Cet exercice dépend entièrement de nous : il est donc toujours à notre portée.

C'est la rectitude du jugement qui fera que notre volonté sera toujours « dirigée comme elle doit l'être ».

Et l'exercice de la raison n'est pas seulement utile, c'est-à-dire bon, en tant que moyen ; il représente aussi une fin en lui-même car vivre en accord avec son jugement, c'est accomplir ce que l'homme possède en propre.

Agir en fonction de ce que notre raison nous a prescrit est une satisfaction en soi : on a fait de son mieux, on a pris ses responsabilités et on a agi en son nom propre.

Que l'entreprise réussisse ou échoue, cela ne dépend plus seulement de nous.

Il faut donc rester indifférents, stoïques, à ce qui nous arrive dès lors que l'on a agi comme on pensait devoir le faire.

C'est dans cet accord avec soi-même que réside le bonheur, « le plus grand des biens ». ÉPICTÈTE.

Né à Hiéropolis (Phrygie) au 1er siècle de notre ère, mort à Nicopolis (Epire). Il fut l'esclave d'Epaphrodite, lui-même affranchi de Néron et suivit, à Rome, les leçons de Musonius Rufus.

Affranchi à la mort de son maître, il put se consacrer à la philosophie.

Lorsque Domitien bannit de Rome tous les philosophes, Épictète se retira à Nicopolis, où il eut pour disciple Flavius Arrien, grâce à qui son enseignement nous a été conservé.

Il vécut toujours très pauvrement., On raconte qu'un jour, sou maître lui tordant la jambe, Épictète lui dit : « Tu vas la casser», et que, lorsque la jambe fut en effet cassée, il ajouta : « Je te l'avais bien dit.» La philosophie d'Épictète est le stoïcisme, qui est devenu chez lui une morale sèche, insensible et orgueilleuse.

Indifférent à tout bien qui ne dépendît pas de lui, Épictète accepte la nécessité avec fierté.

« Supporte et abstiens- toi», telle est sa règle de conduite pratique.

Notre intelligence, notre volonté, notre personne dépendent de nous, les biens de la fortune n'en dépendent pas et ne doivent donc pas retenir notre attention.

Pour vivre conformément à la raison, il faut vivre en accord avec la nature.

Il faut éviter la passion, cette « maladie de l'âme », qui est la source de nos erreurs.

Pour être libre, heureux, tout puissant et parfait, il faut être impassible, il faut parvenir à l'ataraxie. Oeuvres principales : Entretiens ou Conversations, Manuel.. »

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