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En quoi suis-je concerné par autrui ?

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« L'autre, c'est ce qui est étranger à moi-même, ce qui n'est pas moi.

Mais généralement nous privilégions sous le nom d'autrui les seuls êtres humains parce que je sens, je présuppose qu'ils partagent avec moi une façon d'être, de voir le monde que le reste des choses n'a pas.

Pourtant, l'homme semble naître et n'exister que dans la solitude de sa conscience.

Autrui est toujours inaccessible et je ne puis connaître et vivre qu'avec moi-même.

Pourtant, l'homme ne vit pas seul, il est confronté en permanence à d'autres personnes.

L'existence la plus quotidienne n'en finit pas de nous mettre en contact avec l'altérité.

Ne suis-je pas concerné par autrui parce qu'il partage le même monde que moi ? La conscience est solitaire et égoïste - La réflexion classique ne prend pas en compte l'existence et la dimension d'autrui.

Ceci est particulièrement net chez Descartes.

En effet, à travers le cogito, la pensée ne se prend elle-même comme objet de réflexion.

Dans le "je pense, je suis", l'individu est dans la solitude et ne peut être assuré fondamentalement que de son existence. - De plus, autrui et moi-même ne pouvons nous rapprocher.

Sartre affirmait ainsi : « Entre autrui et moi-même, il y a un néant de séparation.

» - De plus, l'homme cherche sa propre voie dans la vie, sans véritablement prendre en considération autrui qui cherche lui-aussi son bonheur dans l'existence.

Schopenhauer disait ainsi que chaque homme se pense comme le centre du monde, puisque le monde n'existe que par sa conscience. - Stuart Mill explique ainsi que ni l'état, ni les individus n'ont le droit d'intervenir dans ce qui constitue la vie propre d'un être.

« Sur lui-même, sur son corps et son esprit, l'individu est souverain » Je partage le même monde avec autrui - L'homme même s'il cherche de manière solitaire son bonheur est confronté en permanence avec autrui.

La vie solitaire sur une île déserte est un mythe.

L'homme partage ainsi son monde avec celui des autres pour accéder à une conception objective. « le monde lui-même est un seul et même monde auquel nous avons, nous tous accès d'une manière principielle grâce à l'expérience, sur lequel, nous tous, nous pouvons tomber d'accord par l' « échange » de nos expériences »( Husserl) - Sartre dira ainsi que l'existence d'autrui, son intrusion dans le monde transforme le monde que je percevais par ma conscience comme mon champ de possible.

Mais dès qu'autrui paraît le monde apparaît comme le domaine de sa liberté et le monde se donne comme sa possibilité. J'ai honte de ce que je suis.

La honte réalise donc une relation intime de moi avec moi : j'ai découvert par la honte un aspect de mon être.

Et pourtant, bien que certaines formes complexes et dérivées de la honte puissent apparaître sur le plan réflexif, la honte n'est pas originellement un phénomène de réflexion.

En effet, quels que soient les résultats que l'on puisse obtenir dans la solitude par la pratique religieuse de la honte, la honte dans sa structure première est honte devant quelqu'un.

Je viens de faire un geste maladroit ou vulgaire : ce geste colle à moi, je ne le juge ni ne le blâme, je le vis simplement, je le réalise sur le mode du pour-soi.

Mais voici tout à coup que je lève la tête : quelqu'un était là et m'a vu.

Je réalise tout à coup la vulgarité de mon geste et j'ai honte.

Il est certain que ma honte n'est pas réflexive, car la présence d'autrui à ma conscience, fût-ce à la manière d'un catalyseur, est incompatible avec l'attitude réflexive : dans le champ de ma réflexion, je ne puis jamais rencontrer que la conscience qui est mienne.

Or autrui est le médiateur indispensable entre moi et moimême : j'ai honte de moi tel que j'apparais à autrui.

Et, par l'apparition même d'autrui, je suis mis en mesure de porter un jugement sur moimême comme sur un objet, car c'est comme objet que j'apparais à autrui.

Mais pourtant cet objet apparu à autrui, ce n'est pas une vaine image dans l'esprit d'un autre.

Cette image en effet serait entièrement imputable à autrui et ne saurait me « toucher ».

Je pourrais ressentir de l'agacement, de la colère en face d'elle, comme devant un mauvais portrait de moi, qui me prête une laideur ou une bassesse d'expression que je n'ai pas ; mais je ne saurais être atteint jusqu'aux moelles : la honte est, par nature, reconnaissance.

Je reconnais que je suis comme autrui me voit.

SARTRE Tout ce texte tend à préserver l'originalité de la honte en supprimant deux malentendus. Le premier malentendu est celui de la réflexivité.

En effet, j'ai honte de moi.

Il semble donc que je prenne conscience de moi comme ayant accompli un acte blâmable, et que la honte soit conséquence ou modalité de la conscience de moi comme fautif à mes yeux.

Je serais juge de moi-même en cette conscience réflexive.

Or Sartre veut montrer le contraire : la honte ne se produit pas dans le rapport intime de moi à moi-même, elle est honte de moi devant autrui.

C'est parce que je suis vu que j'ai honte de moi : le regard d'autrui est la condition de la honte de moi-même.

Or il n'est pas donné dans ma pure conscience réflexive.

Certes, la honte est en ma conscience, mais elle implique que j'aie conscience de moi non pas seulement tel que je m'apparais à moi-même, mais tel que j'apparais à autrui.

Le second malentendu ferait du regard d'autrui la source de l'opinion qu'il a de moi.

La honte ne serait qu'une tristesse qu'elle causerait en moi si elle m'était défavorable.

Mais alors, soit que j'en craigne les. »

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