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En quoi le plaisir est-il condamnable?

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« Développement L'idée générale est donnée dans le premier hémistiche, « Le tout est de tout dire ».

Le poète, qui a dépassé la cinquantaine, reste fidèle à son idéal dont on trouve la source dans F affirmation de Victor Hugo : ...

mon âme, que le Dieu que j'adore, Mil au centre de tout comme un écho sonore. Mais une idée s'impose : la poésie n'est pas le propre du poète ; elle est sur les lèvres de tous les hommes.

C'est au poète de savoir la cueillir là où elle se trouve pour servir l'humanité, car « la poésie n'est pas un objet d'art » mais un objet utilitaire. Et une autre source apparaît aussitôt : la notion de poésie « unanimiste ». Elle est dans la nature ; c'est ce que suggère rémunération de la deuxième strophe où le poète oppose la ville et la campagne, le printemps et l'hiver, le froid et la chaleur.

Cela est exprimé soit avec les mots propres et les plus simples, soit par des images évocatrices, le « duvet » pour le printemps, la « rouille » pour l'hiver. La poésie n'est pas moins dans l'homme avec ses passions et ses désespoirs, avec tout ce qu'il a connu et vécu, les différentes étapes de sa vie, ses « saisons », avec ce qui permet de mieux le comprendre, ce qu'il voulait être et ce qu'il fut, ses sacrifices et ses efforts.

C'est ce que traduit dans une suggestive synthèse le vers si riche de sens : Son espoir et son sang son histoire et sa peine. Mais à l'individu, Éluard oppose la foule, « immense, divisée », la foule avec toutes ses distinctions sociales, ses compartiments, qui heurtent les conceptions intimes de celui qui a partagé avec ses camarades, ses compagnons de luttes, les mêmes dangers et les mêmes efforts.

Alors, ces distinctions, comparables à ces « sections » que l'on voit dans les cimetières, ont été abolies : la foule a dépassé « son ombre impure », elle a brisé tout ce qui l'étouffait, le mur du silence, de la haine et de la délation ; ainsi a-t-elle vaincu ceux qui se croyaient ses maîtres.

Ici, Éluard songe aux années de luttes qu'il ne peut oublier, qu'il ne cherche pas à oublier. Mais il ne pense pas moins à cette foule dont il vient, en quelques mots, d'évoquer chaque homme en détail.

Et dans cet ensemble, cet unisson, il reconnaît, comme le chef dans un orchestre, la voix de chaque famille.

Il se demande, plus loin, dans le même poème, s'il aura « assez de mots pour liquider la haine » ; ici, par deux très profondes images qui s'opposent et se complètent, il évoque l'union des membres d'une même famille qui se donnent la main, comme dans une forêt les feuilles se mélangent sur la branche, se heurtent en tombant et se rencontrent dans leur chute pour se fondre dans le même humus.

Ainsi, dans la nature, le fleuve et la rosée, ce qu'il y a de plus constant dans son cours et de plus impalpable dans sa fragilité éphémère, vont nourrir la terre et ses récoltes.

Alors, par là même, on atteindra à cet idéal de fraternité et de justice qui assure le bonheur. Mais pour parvenir à cette réalisation, à cette réussite, le poète doit pouvoir et savoir « tout dire ». Pouvoir tout dire : après des années de silence forcé, après ces bâillons posés sur les lèvres et ces menaces de perpétuelle censure, les temps sont revenus où l'on peut à nouveau parler librement.

Un autre tourment, un autre scrupule, s'empare alors du poète : il doute de lui-même et de son pouvoir d'expression.

Il fait l'inventaire de son langage et se reproche un vocabulaire trop pauvre.

Il ne se reproche pas moins de « manquer de temps » ou « d'audace ».

Il rêve...

Et pour évoquer cette licence accordée à l'esprit, il trouve cette profonde métaphore : « Je dévide au hasard mes images.

» D'autres s'en vanteraient.

Lui s'en fait le reproche, s'accusant d'avoir mal vécu : J'ai mal vécu et mal appris à parler clair. Ce « et » prend ici un rapport de cause à effet.

C'est parce qu'il a, pense-t-il, insuffisamment appris à s'exprimer, à se faire comprendre de tous, qu'il n'a pas bien vécu.

Cette confession s'explique par le fait qu'Éluard considère la poésie comme la plus haute expression de l'homme, et fuit du poète un homme qui partage les souffrances et les intérêts de tous : ce poème le dit assez clairement! Cette confession ne s'explique pas moins par le fait que pour Eluard « le poète est celui qui inspire bien plus i lu pire ».

Et il parle de ces « grandes marges blanches », des « marges de silence » où le lecteur écrit tout ce qu'il veut. Pour parvenir à ce but, il ne doit avoir dans un poème « rien de rare, rien de divin ».

Éluard ne connaît rien de plus affreux que « le langage poétisé, des mots trop jolis gracieusement liés à d'autres perles ».

Il n'emploie donc que des termes courants, un humble vocabulaire, mais, par ce don de poésie, il sublime les mots et en fait des images qui nous restituent sa pensée et nous permettent de l'entendre comme si elle surgissait du plus profond de nousmêmes. C'est pourquoi, de même, il honnit « l'assemblage plus ou moins heureux, plus ou moins savant des voyelles, des consonnes, des syllabes, des mots ».

Il renonce donc aux supercheries ou aux trompeuses sorcelleries de la rime.

Il l'évoque quelquefois, « personnalité-planté », il parsème son écriture de quelques assonances, mais tout est dans le rythme du vers, dans cette sorte d'élan intérieur qui épouse l'élan des sentiments.

C'est pourquoi cet alexandrin est presque « classique », si l'on peut dire.

Il est beaucoup moins « disloqué » que le « grand niais » d'alexandrin dont parlait Hugo ; c'est dans sa rigueur même qu'il prend sa force et son envol, ce qui ne l'empêche pas d'adopter le mouvement ternaire (v.

4) ou de s'adoucir sur l'imprécision d'une syllabe muette là où on attend une césure bien nette (v.

11 et 14).

Là encore, le plus simplement et le plus naturellement, Éluard reste fidèle à son idéal de « parler une langue musicale qui n'ait que faire des tambours, des violons, des rythmes et des rimes du terrible concert pour oreilles d'ânes ». Conclusion Entre les grands éclats du siècle précédent et l'hermétisme trop recherché des néo-symbolistes, Éluard a trouvé, pour atteindre à son idéal, une langue bien à lui, celle qu'il voudrait toujours plus riche, celle qu'il a définie dans cette phrase : « Il nous faut peu de mots pour exprimer l'essentiel, il nous faut tous les mots pour le rendre réel.

». »

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