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Devoir et nécessité. Obligation et contrainte ?

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« VOCABULAIRE: NÉCESSITÉ: Caractère de ce qui ne peut pas ne pas être.

Une proposition est nécessaire quand elle est rigoureusement démontrée, qu'on ne peut la refuser; synonyme: apodictique; contraire: contingent. DEVOIR: 1) Obligation morale, opposée à obligation juridique; le devoir est une obligation interne au sujet, l'obligation juridique une obligation externe (une contrainte). 2) Le problème sous-jacent consistant à trouver le fondement de cette obligation, Kant fera du devoir un absolu: "Le devoir est la nécessité d'accomplir l'action par pur respect pour la loi." 3) Un devoir: tout ce qui correspond à une obligation morale. Contrainte: n'importe quel obstacle rencontré, entrave d'origine sociale, morale, institutionnelle, psychologique, etc. « Devoir ! Ah je ne puis souffrir ce vilain mot, ce mot odieux ! Il est si pointu, si aigre, si froid.

Devoir, devoir, devoir ! On dirait des coups d'épingle.

» Cette réaction de rejet que suscite le mot « devoir » est exprimée par un personnage d'une pièce d'Ibsen (« Solness le Constructeur »).

Elle est, sans douter, partagée par tous ceux qui assimilent le devoir à l'idée de ce qu'il est nécessaire de faire par opposition à ce qu'on est libre de faire ou de ne pas faire.

Il est vrai que le devoir c'est « ce qui coûte » et qu'il n'y a, selon la formule d'Alain, « jamais d'autre difficulté dans le devoir que de le faire ».

Cependant, l'obligation qui caractérise le devoir est distincte de la nécessité.

S'il y a confusion, c'est parce que le verbe « devoir » a des acceptions différentes.

Dans un jugement comme « Tout homme doit mourir », le verbe « devoir » exprime une nécessité inhérente à la condition humaine.

Il y a là une loi naturelle à laquelle personne ne saurait se soustraire.

En revanche, dans un jugement comme « je dois être bienveillant à l'égard d'autrui », le verbe « devoir » exprime une obligation à laquelle je peux refuser de me soumettre.

Comme le souligne Le Senne, la notion d'obligation est plus complexe que celle de nécessité : « elle suppose notamment la possibilité de désobéir à l'impératif moral, par suite la contingente, qu'au contraire la nécessité exclut : à un homme qui agonise, on n'ordonne pas de vivre.

» (« Introduction à la philosophie »).

Il n'y a, en effet, devoir que lorsque le sujet conserve son libre arbitre.

En ce sens, le « je dois faire » implique que je puisse ne pas le faire.

Il est évident, par exemple, que si je dois obéir par force, je n'ai pas besoin d'obéir par devoir. « Céder à la force est un acte de nécessité, non de volonté ; c'est tout au plus un acte de prudence.

En quel sens pourra-ce être un devoir ? » dit Rousseau.

Qu'un voleur me menace de son arme, je dois par force lui donner mon argent, mais si je pouvais me soustraire à cette contrainte matérielle, me sentirais-je en conscience obligé de le lui donner ? Pris à la lettre, le devoir est toujours obligation, jamais contrainte.

Par une obligation, je suis essentiellement lié à moi-même.

Si, par exemple, je ne dois pas mentir, c'est parce que je reconnais que ce n'est pas bien. Un engagement, un serment, un contrat, une conviction morale inspirée par ma propre conscience engendrent ainsi des obligations.

Tandis qu'une contrainte n'est qu'une force s'exerçant de l'extérieur, m'imposant contre ma propre volonté, ou au moins indépendamment d'elle, des actions dont je ne reconnais nullement la valeur.

L'obligation se distingue de la contrainte en ce que celle-ci n'a d'autre justification que l'usage d'une force employée en vue d'obtenir à coup sûr son effet, sans autre forme de procès.

Si cette force disparaît, l'effet (l'obéissance par exemple) disparaît avec elle.

L'obligation, en revanche, s'enracine dans un fondement, moral, juridique, social, contractuel ou conventionnel, qui la justifie a priori.

Par là, elle me lie à mes propres engagements, explicites ou tacites.

En ce sens, obéir à la force, dit Rousseau, n'est jamais un devoir, parce que la force nue ne fonde aucune obligation ; ce n'est qu‘une contrainte ayant effet sur nous dans la limite seulement où nous n'avons pas encore la force de lui résister ; lorsqu' « il faut obéir par force on n'a pas besoin d'obéir par devoir, et si l'on n'est plus forcé d'obéir, on n'y est plus obligé ».

Ainsi, un peuple soumis à un tyran n'a à son égard aucun devoir au sens propre du mot ; il ne fait que subir des contraintes.

Cette distinction fait apparaître l'un des aspects essentiels du devoir : il est toujours possible d'y désobéir ; néanmoins s'il s'agit d'un authentique devoir, cette désobéissance, contrairement au cas de la pure contrainte, ne le disqualifie en rien, ne lui retirant pas sa valeur de devoir.

S'il était vrai au moment même où je mentirais. Quant à une contrainte légitime, elle est le moyen d'obtenir le respect d'une obligation, dont elle est donc dérivée.

La situation n'est donc pas la même que si on m'imposait gratuitement des règles non seulement sans intérêt pour moi, mais même nuisant à mon existence.

Des principes m'engagent ; ils me lient à moi-même ; ils sont à certains égards l'expression de mon intérêt, donc devraient l'être de ma volonté.

Si je les respecte, je suis en un sens fidèle à moi-même.

Si je ne les respecte pas, on me contraindra à les respecter. Mais une telle contrainte n'est plus contrainte pure ; elle est moyen d'obtenir le respect d'une obligation justifiée par autre chose que la contrainte.

Une obligation n'est donc jamais fondée sur une contrainte ; mais dès qu'elle est légitime, elle justifie qu'on contraigne à la respecter.

Il est donc certain qu'il ne peut, par exemple, y avoir de société sans contraintes.

Mais il faut aussitôt ajouter que, dans. »

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