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Désirer autrui est-ce attenter à sa liberté ?

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« Définition des termes du sujet L'expression « désirer autrui » renvoie généralement au désir amoureux, à la fois sexuel et affectif. Le problème ici posé est celui de l'aliénation de l'autre dans le désir que l'on a de lui : attenter à la liberté de quelqu'un, c'est en effet lui retirer une part de sa puissance d'agir, de juger, bref, d'exercer sa liberté, c'est, en un sens métaphorique, l'emprisonner. Il faut remarquer d'emblée que le sujet porte sur le désir amoureux, non sur l'amour en général – il envisage l'amour uniquement sous l'angle du désir, et il faudra garder cette orientation présente à l'esprit. Une équivalence entre le désir d'autrui et cette atteinte à sa liberté est clairement posée par le sujet : c'est cette équivalence qu'il va falloir examiner et interroger, pour décider de sa pertinence et proposer éventuellement une autre définition du désir d'autrui. On parle souvent du désir amoureux comme désir de possession de l'autre, ce qui s'accorde bien avec les termes du sujet : le problème est que l'objet de cette possession, c'est autrui, que l'on ne peut pas posséder comme on possède un objet dépourvu de conscience : l'attentat à la liberté d'autrui serait-il alors à comprendre comme une sorte de prise de possession détournée de l'autre ? Alors une question se pose, quant à la définition du désir de l'autre : faut-il l'assimiler, d'une manière pessimiste, à l'amour, ou l'envisager séparément du sentiment amoureux ? La réponse à cette question est déterminante pour le sujet : l'amour en effet peut se concevoir comme un don désintéressé, qui ne cherche pas à posséder l'autre mais à faire son bonheur – en aimant, on risquerait alors d'aliéner davantage sa propre liberté que celle de l'autre. Deux voies s'ouvrent donc, qui apparaissent comme radicalement opposées : celle du désir inspiré par l'amour et qui ne chercherait pas à aliéner l'autre, et celle du désir pur, conçu comme aspiration à la possession d'autrui, à son aliénation, à la privation de sa liberté. Problématique Le désir se définit comme un mouvement qui nous porte vers un objet que l'on se représente comme une source de satisfaction.

De plus, à l'inverse de l'amour, qui peut être totalement chaste (l'amour d'un parent pour son enfant par exemple, ou d'un frère pour sa sœur) le désir comporte intrinsèquement une dimension charnelle.

Dès lors, le mouvement qui porter vers un objet parce qu'il peut satisfaire le désir comporte une dimension de consommation, et désirer autrui peut alors signifier le réduire à l'état de chose.

Ce risque est d'autant plus grand que le désir peut se déclencher sur un fond d'égoïsme où l'objet désiré n'est appréhendé qu'en tant qu'il peut satisfaire le sujet désirant. On peut même se demander si le désir vise véritablement une personne ou une chose extérieure, et s'il ne consiste pas en la simple extinction d'une excitation interne au sujet.

Pourtant cette conception du désir suppose que là où il y a appréhension de l'autre en tant qu'objet de satisfaction il ne peut pas y avoir reconnaissance de son altérité et de sa liberté.

Or il se pourrait qu'un désir parvenu à sa pleine maturité soit justement celui qui peut à la fois désirer l'autre partiellement en tant que chose (que simple objet de satisfaction), mais sans jamais perdre de vue qu'il est aussi un sujet libre auquel le respect est dû. I.

Le désir ne peut pas respecter la liberté de l'autre, car le moi désirant est nécessairement tyrannique Si le mouvement du désir nous porte vers un objet que l'on se représente comme une source de satisfaction, cela signifie que dans le désir on se rapporte à l'autre en tant qu'il peut combler une attente.

Pascal distingue deux types d'attentes, qui déterminent deux types de désir.

La charité est le mouvement qui nous porte à aimer Dieu, et qui nous élève par là à un amour désintéressé qui nous permet ensuite d'aimer les autres pour euxmêmes.

Si cela est possible c'est que dans l'amour qu'il a pour Dieu, le moi cesse de s'appréhender comme la chose la plus importante du monde.

Mais dans le désir, c'est-à-dire dans l'amour en tant qu'il a un ancrage charnel, et que Pascal appelle amour de concupiscence, le moi poursuit sa tendance propre qui est de n'aimer que soi et de rapporter tout à soi.

En ce sens l'autre n'est jamais désiré pour ce qu'il est au plus profond de lui-même.

Dans les Pensées, 688 (éditions Lafuma), Pascal fait remarquer que dans l'amour de concupiscence qui rapporte tout à soi, le moi n'aime jamais que les qualités de l'autre, c'est-à-dire sa beauté, voire son intelligence (mais si ces qualités venaient à disparaître l'autre cesserait aussitôt d'être aimé).

L'autre est donc alors désiré comme une chose attractive, mais pas comme une personne que l'on ne peut consommer.

Or désirer l'autre comme une chose c'est ne pas le respecter dans son essentielle liberté.. »

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