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Déduction et induction

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« Position de la question.

On présente ordinairement la déduction et l'induction comme les deux types fondamentaux du raisonnement.

Cette dualité doit-elle être maintenue ? ou peut-on ramener ces deux types à l'unité ? I.

Définition de la déduction. La déduction est le raisonnement qui va des principes à la conséquence, en entendant par conséquence la conclusion nécessaire.

La déduction peut être, soit formelle (syllogisme et autres inférences formelles), soit constructive (démonstration mathématique). II.

Définition de l'induction. On entend généralement par induction l'induction expérimentale qui va des faits à la loi.

C'est un ensemble complexe de procédés : constatations de faits, analyse et conceptualisation de ces faits, mesures, passage de ces données à l'énoncé de la loi, c'est-à-dire d'une relation générale, etc.

C'est dans ce passage à la loi que réside proprement le processus de l'induction amplifiante. III.

Rapports de la déduction et de l'induction. A.

— On a souvent distingué et même opposé déduction et induction comme deux types de raisonnement foncièrement différents.

— 1° « On définit l'induction, écrit Claude BERNARD (Introd.

à la médecine expérimentale, I, chap.

II, § V), en disant que c'est un procédé de l'esprit qui va du particulier au général, tandis que la déduction serait le procédé inverse qui irait du général au particulier.

» Claude BERNARD repousse avec raison cette distinction.

Elle serait encore moins soutenable aujourd'hui ; car : a) la seconde définition ne conviendrait, à vrai dire, qu'à la déduction formelle, au syllogisme ; mais personne ne définit plus ainsi la déduction mathématique qui, comme l'a montré GOBLOT, va au contraire du spécial au général ; — b) la première définition, celle de l'induction, quoique moins inexacte, est cependant elle aussi discutable ; car l'induction ne part pas, en réalité, du fait particulier comme tel, mais d'une idée du fait, d'un concept, qu'on lui subsiste par abstraction et par analyse, et c'est ce qui permet à l'induction amplifiante de généraliser. 2° II serait moins faux de dire que la déduction est le raisonnement qui convient aux « sciences rationnelles » comme les Mathématiques, tandis que l'induction est, par excellence, le raisonnement des Sciences expérimentales.

Toutefois une telle distinction n'aurait rien de rigoureux.

La déduction a sa place dans les Sciences expérimentales comme en Mathématiques ; on peut même dire qu'elle fait partie de l'ensemble des procédés qui constituent l'induction : c'est ainsi que le physicien déduit de l'hypothèse des conséquences qu'il soumet à vérification.

D'autre part, POINCARE n'a-t-il pas décrit un type d'induction mathématique ? Cl.

Bernard remarque en outre que, «quand les mathématiciens étudient des sujets qu'ils ne connaissent pas, ils induisent comme les physiciens, comme les chimistes ou comme les physiologistes » ; et il cite, à l'appui, ces paroles de Euler : « II est connu que le plus souvent les propriétés des nombres ont d'abord été observées par la seule induction et que c'est ensuite que les mathématiciens se sont appliqués à les établir par des démonstrations solides.

» B.

— Faut-il conclure de là, comme l'a fait Cl.

BERNARD, que l'induction se ramène à la déduction ? L'induction correspondrait, selon lui, à la forme investigative du raisonnement et la déduction à sa forme démonstrative.

Mais, au fond, l'esprit humain raisonnerait toujours de même, par déduction1.

L'induction ne serait ainsi qu'« une déduction provisoire qui réclame la vérification expérimentale ».

Le principe dont elle part est en effet l'hypothèse, elle-même provisoire et conditionnelle, et la conséquence qu'on en tire ne peut être elle aussi que provisoire et conditionnelle.

Là où le mathématicien dit : ce point de départ étant donné, telle conséquence en résulte nécessairement, «le naturaliste [et le physicien] disent : si ce point de départ était juste, tel cas particulier en résulterait comme conséquence ».

C'est seulement lorsque cette conséquence a reçu la confirmation de l'expérience, qu'elle devient — et, avec elle, le principe d'où on l'a tirée — définitive et inconditionnelle. C.

— Cette manière de voir a été adoptée par plus d'un auteur.

Le logicien GOBLOT, dans son Vocabulaire philosophique, définit le raisonnement « l'acte de l'esprit qui aperçoit une relation de principe à conséquence entre une proposition et une ou plusieurs autres, c'est-à-dire qui juge que cette proposition est nécessairement vraie si les autres le sont », définition qui, en toute rigueur, ne conviendrait qu'à la déduction.

« On n'a pas le droit, dit de même A.

LALANDE (Les théories de l'induction, p.

209), de parler d'un raisonnement inductif, parallèle et antithétique au raisonnement déductif.

» Un biologiste contemporain écrit, lui aussi : « II n'y a pas deux méthodes de raisonnement...

L'esprit n'a qu'une manière de raisonner logiquement : c'est la déduction, qui est commune à toutes les Sciences, à toutes les démarches de l'esprit humain » (Etienne WOLFF, dans La Méthode dans les se.

modernes, p.

p.

F.

Le LIONNAIS, p.

145). Ce qu'on peut concéder à cette interprétation, c'est que la déduction est, en quelque sorte, l'idéal du raisonnement, parce que c'est le seul qui présente une parfaite rigueur.

Il nous semble cependant qu'il y a bien une différence de structure entre la « démarche » déductive et la « démarche » inductive.

Si l'on a voulu assimiler complètement les deux types de raisonnement, c'est, ainsi que l'observe D.

ROUSTAN (Déduction et induction, dans La Raison et la vie, p.

97), que l'on n'a voulu considérer que la forme du raisonnement, spécialement de la déduction.

Or il faut aussi « considérer quelle est la direction suivie par l'esprit, d'où il part et où il va ».

De ce point de vue, on apercevra que les deux types de raisonnement parcourent peut-être « la même suite d'intermédiaires, mais en des sens différents ».

La déduction part de concepts et de principes posés à titre d'hypothèses plus ou moins conventionnelles ou de règles opératoires et à l'aide desquels elle construit de nouvelles propositions qui ou bien demeurent dans l'abstrait comme dans l'Axiomatique pure ou bien, comme l'indique Cl.

Bernard, peuvent permettre de retomber sur des faits d'expérience.

L'introduction, au contraire, part de ces faits mêmes ; elle leur substitue des concepts qu'il faut souvent réajuster à l'expérience et avec lesquels elle construit ces propositions générales et plus ou moins probables qu'on appelle des lois.

C'est pourquoi, ainsi que l'indiquait GOBLOT, tandis que, dans la déduction, la généralité de la conclusion (déjà incluse dans les concepts de base) résulte de sa nécessité logique, dans l'induction au contraire, la nécessité résulte de la généralité, toujours quelque peu précaire. Conclusion.

Déduction et induction constituant donc deux démarches de l'esprit analogues, où les concepts jouent un rôle essentiel, mais qui procèdent en sens inverse l'une de l'autre.. »

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