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De quel État avons nous besoin ?

Publié le 08/05/2023

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« De quel État avons-nous besoin ? De quel État avons-nous besoin ? La notion d’État évoque un principe stable des choses humaines, par la stabilisation de la recherche et de l’exercice du pouvoir.

Un État au sens large, c’est l’ensemble d’une société dans la mesure où il s’y trouve un pouvoir politique distinct, une différence entre gouvernants et gouvernés.

Weber précise cette définition dans Le Savant et le Politique (1919) : « il faut concevoir l’État comme une communauté humaine qui, dans les limites d’un territoire déterminé … revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence légitime.

» Au sens strict, l’État désigne ce pouvoir politique lui-même, donc une partie seulement de la société, les représentants de la puissance publique souveraine qui ont l’autorité de légiférer et de la gouverner, y compris par la force. Mais qui ne s’est jamais plaint de subir les décisions de ses gouvernants, souhaitant qu’ils aient la sagesse incontestable des philosophes-rois, ceux que Platon place à la tête de sa cité idéale de La République ? Si l’idéal est nécessaire pour mesurer et juger le réel, alors nous avons besoin de penser l’État en idée pour mieux savoir dans quel type d’État bien réel nous voulons vivre. Certes, on peut préférer soutenir qu’on n’a pas du tout besoin d’État car les individus suffisent à se gouverner eux-mêmes dans des communautés à taille humaine : c’est la thèse et parfois la pratique de l’anarchisme politique, à ne pas confondre avec l’anarchie prise au sens ordinaire de chaos social. Pour plaider qu’il correspond bien à des expériences réelles souvent mises en œuvre par de nombreux peuples, l’anarchisme politique s’appuie sur des études historiques et ethnologiques comme celles de l’anthropologue Pierre Clastres, dans La société contre l’État (1974): les Indiens Guayaki, entre autres, organisent sciemment la société pour que le chef n’y ait pas de pouvoir – le chef y joue plutôt un rôle d’assistant social à ses propres frais – de sorte que jamais le pouvoir ne puisse se concentrer aux mains de quelques-uns. Si l’on prend acte en revanche du pouvoir grandissant des États comme une tendance lourde de l’histoire, ne faut-il pas plutôt tenter d’organiser l’apparente nécessité historique de l’État selon nos besoins, les nécessités de notre nature humaine ? Encore faudrait-il savoir de quelle nature humaine nous parlons.

Par rapport à quels besoins et quelle nature faut-il définir l’État ? l’État doit-il se constituer comme le prolongement naturel d’une humanité par essence naturellement bonne, sociable, raisonnable et apte à la politique ? C’est la thèse d’Aristote. Faut-il parler des besoins constitutifs d’un état de nature originel, bien distinct quant à lui de l’état de société, préalable à la fondation de l’État qui se construit alors contre cet état de nature ? Voilà ce que soutient Hobbes. Si l’état de nature propre à l’épanouissement individuel n’a jamais réellement existé, ne faut-il pas plutôt y voir un projet à réaliser, que ce soit avec l’État ou contre lui ? On suivra les penseurs libéraux de l’État de droit et de la démocratie, Montesquieu et Tocqueville. * Pour savoir de quel État nous avons besoin, encore faut-il que l’État existe comme une réalité bien distincte.

Il faudrait définir proprement l’État par la fiction d’une personne juridique douée de l’attribut essentiel de la souveraineté, c’est-à-dire l’autorité suprême, supérieure à toute autre, de la puissance publique.

Or cette définition moderne de l’État souverain ne va pas de soi, car elle implique de distinguer l’autorité de l’État de toute autre autorité légitime à commander en société, qu’elle soit personnelle, familiale, ou religieuse.

Autrement dit, il faut avoir su distinguer la figure impersonnelle de la souveraineté de l’État de celle du roi, du père ou du prêtre : est-ce le cas pour la Cité-État, l’Emp ire ou la Cité de Dieu, quelque besoin ou désir que nous ayons de ces différentes formes d’autorité ? On aimerait avoir besoin de la Cité-État antique telle que la conçoit Aristote dans Politique I, 2 (-IV ème siècle).

L’être humain est par nature « un animal politique », donc destiné à s’épanouir comme citoyen.

La nature qui « ne fait rien en vain », et lui a donné pour cela le privilège de la raison, du logos, pour concevoir le juste et l’injuste, en discuter avec d’autres pour trouver le meilleur gouvernement de la Cité, la constitution dont elle a besoin.

On admirera dans ce tableau de la Cité-État que le besoin politique reste indissociable du besoin moral ou éthique.

C’est seulement dans une communauté politique d’amis et de citoyens vertueux que l’individu peut accomplir en lui les vertus qui font l’excellence de l’humanité, lui-même libre et heureux parce qu’il appartient à une Cité libre et heureuse. Chaque citoyen doit se tenir prêt par son engagement politique quotidien ou bien en tant que soldat à donner sa vie à sa Cité, plus encore qu’à sa famille.

En retour, on peut faire confiance aux gouvernants de la Cité, puisque chacun par ses vertus peut alternativement commander et obéir, gouverner et être De quel État avons-nous besoin ? gouverné par des individus aussi bons que lui.

La Cité-État antique d’Aristote se veut autarcique, autosuffisante, parce qu’elle suffit à combler les besoins naturels de l’être humain et les besoins politiques du citoyen, qui idéalement ne font qu’un. On reconnaîtra avec déplaisir les ombres nombreuses au tableau : la Cité pourrait satisfaire tous les besoins humains d’épanouissement moral et politique : mais ne réserve-t-elle pas ce privilège à l’élite des citoyens nés masculins et libres, en refusant à tous les autres, femmes et esclaves, la reconnaissance du même droit pourtant bien naturel ? Faut-il accepter la prémisse nécessaire à un tel élitisme inégalitaire, à savoir que c’est selon Aristote par nature – et non par le hasard des conventions sociales – que les êtres humains sont, soit destinés à commander comme maîtres, soit à obéir comme serviteurs ? Aristote n’a-t-il pas livré comme un modèle universel l’analyse de la Cité-État dans le lieu grec de sa floraison, alors même qu’elle se fanait sous le soleil de l’État impérial d’Alexandre le Grand – le propre élève d’Aristote ? C’est ainsi l’Empire, à Rome ou en Chine, qui paraît proposer le modèle d’un État universel, visant à englober toute l’humanité civilisée sous ses lois et dans sa paix, la nature humaine étant toujours et partout la même.

Même si l’Empire règne sur des sujets, des individus pourvus de droits par la loi, plutôt que sur des citoyens, qui forment leur propre loi. Un doute plus profond mine tous ces modèles politiques supposés répondre aux besoins de l’humanité, Empire ou Cité-État : les religions universalistes, monothéistes, nous enseignent que la destination suprême de l’être humain se trouve au ciel, auprès de Dieu.

La vérité religieuse représente à tous les êtres humains une fin bien supérieure à toutes les fins terrestres, qu’elles soient celles de la nature ou de la politique.

Par leur âme immortelle vouée à l’éternité, tous les êtres humains doivent placer leur besoin de bonheur et de salut dans une Cité invisible et infinie : c’est selon l’ouvrage éponyme d’Augustin, La Cité de Dieu (426) bien plus étendue dans l’espace et le temps que tous les empires, bien plus digne de sacrifice et d’amour que toutes les Cités-États, et dont les commandements religieux guident l’édification à travers toute l’histoire de l’humanité jusqu’à la fin du monde.

Au regard de la Cité de Dieu, toute Cité des hommes, qu’elle soit grande ou petite, ne constitue qu’une association transitoire régie non par la justice mais par l’utilité et la force : l’Empire de Rome ne vaut pas mieux à cet égard qu’une bande de brigands pourvue d’un chef.

Il convient donc que le pouvoir terrestre de l’État se borne à sa propre tâche, celle d’assurer l’ordre, la paix et la sécurité des corps, et qu’il laisse au pouvoir spirituel de l’Église le soin de guider les âmes vers leur salut.

Avec l’espoir que le progrès spirituel de l’humanité tendra par infusion à moraliser la vie terrestre, la vie politique. L’espoir de paix placé dans la soumission de l’autorité politique à l’autorité religieuse est déçu : dans Le Prince (1532) Machiavel constate leur conflit incessant, qui loin de diminuer la violence, ne cesse de produire le chaos, l’instabilité du pouvoir.

Célèbre pour séparer la politique de toute morale ou religion dans ses conseils pour conquérir le pouvoir, Machiavel pense surtout à la conservation du pouvoir.

L’État devrait s’instituer comme le pouvoir le plus fort et le plus stable, nécessaire aux peuples pour affronter les périls et les défis de leur histoire.

Il faudrait pouvoir définir l’État par la souveraineté, la suprême autorité et puissance, supérieure à toute autre autorité ou puissance dans un territoire et pour un peuple donné, et ne rendant de compte qu’à elle-même et à sa propre loi.

Dans le Léviathan (1651) Hobbes produit la définition de l’État comme entité souveraine, une personne morale produite en commun par la raison des individus dans un pacte d’association,.... »

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