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Dans quel mesure le temps nous appartient-il?

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« Introduction Rappel du champ dans lequel apparaît la question : le rapport à autrui se pose si l'on admet que l'individu ne possède pas en lui-même la réponse à sa propre identité, et se construit dans sa rencontre avec autrui.

Mais celle-ci peut prendre des formes différentes, selon les points de vue philosophiques. 1 - Autrui comme prise de conscience a) Le conflit avec autrui La pensée de Hegel constitue une première approche de la rencontre avec autrui.

Celle-ci est vécue sur le mode conflictuel : chaque conscience entre en lutte avec l'autre parce qu'elle désire être reconnue. Ce combat qui ne peut être qu'un affrontement à mort n'est cependant pas inutile, puisqu'il est le seul moyen d'accéder à la pleine conscience de soi par la reconnaissance d'autrui. A ce stade, on ne peut parler d'un « enrichissement », mais d'une phase antérieure, qui est la prise de conscience.

Néanmoins, si celle-ci ne se fait que par la négation de l'autre conscience, elle exige sa présence, comme adversaire.

En d'autres termes, c'est en s'opposant à autrui que l'on accède à la conscience de soi.

On retrouve, avec des nuances, une telle perspective dans l'œuvre de Sartre. Sartre : autrui, médiateur entre moi et moi Sur ce thème qui prolonge Hegel. C'est la formule textuelle par laquelle Sartre, dans L'Être et le Néant (3e partie, ch.

I, I), pose que la présence d'autrui est essentielle à la prise de conscience de soi.

Il en fait la démonstration par l'analyse de la honte.

J'ai honte de moi tel que j'apparais à autrui, par exemple si je suis surpris à faire un geste maladroit ou vulgaire.

La honte dans sa structure première est honte devant quelqu'un. Elle est immédiate, non réflexive.

La honte est un frisson immédiat qui me parcourt de la tête aux pieds sans préparation discursive.

L'apparition d'autrui déclenche aussitôt en moi un jugement sur moimême comme objet, car c'est comme objet que j'apparais à autrui.

La honte est, par nature, reconnaissance.

Je reconnais que je suis comme autrui me voit.

La honte est honte de soi devant autrui; ces deux structures sont inséparables.

Ainsi j'ai besoin d'autrui pour saisir à plein toutes les structures de mon être.

Autrui, c'est l'autre, c'est-à-dire le moi qui n'est pas moi et que je ne suis pas. La présence d'autrui explicite le «Je suis je» et le médiateur, c'est-à-dire l'intermédiaire actif, l'autre conscience qui s'oppose à ma conscience, c'est l'autre.

Le fait premier est la pluralité des consciences, qui se réalise sous la forme d'une double et réciproque relation d'exclusion : je ne suis pas autrui et autrui n'est pas moi.

C'est par le fait même d'être moi que j'exclus l'autre comme l'autre est ce qui m'exclut en étant soi. Avec la honte nous sommes en présence d'un de ces exemples-types, qui, comme nous l'avons dit', font preuve.

La même analyse pourrait être faite, comme Sartre lui-même le suggère, sur la fierté ou l'orgueil, et ce serait un bon exercice pour le lecteur de la tenter. Sur cette médiation entre moi et moi par l'autre, Sartre se reconnaît tributaire de Hegel, qui a montré, dans la Phénoménologie de l'Esprit, que la lutte pour la reconnaissance doit avoir pour aboutissement cette certitude : je suis un être pour soi qui n'est pour soi que par un autre.

L'intérêt de la formule de Sartre, c'est qu'elle pose le problème d'autrui en deçà, en quelque sorte, de la question de la connaissance de soi et qu'elle en apparaît comme le fondement. b) L'impasse du conflit Cependant le conflit conduit à la mort ou à la négation de la conscience adverse, enfermant le sujet dans une insoluble contradiction : il ne s'affirme qu'en niant autrui, ce qui le condamne à recommencer indéfiniment sa lutte pour la reconnaissance.

Sartre a remarquablement analysé ce processus dans lequel je prends autrui sous mon regard qui le fige dans des attributs, des caractères qui l'objectivent, tandis qu'il lui est possible d'en faire de même. 2 - Autrui comme différence a) Autrui comme personne La sortie de l'impasse précédente n'est possible que si l'on renonce à l'idée d'un affrontement, et si l'on reconnaît autrui comme personne. Dire qu'autrui est une personne revient à le considérer comme une liberté égale à la mienne, dotée de valeurs, qui est en mesure de communiquer avec ma propre conscience.

Par là même, la conscience fait l'expérience de la différence, mais non, cette fois, comme quelque chose d'insupportable.

Reconnaître mon interlocuteur comme une personne différente, c'est accepter de ne pas réduire l'existence à la seule expérience que j'en ai.

Ce geste rend alors potentiellement possible le dialogue et l'enrichissement mutuel, puisque la conscience n'est pas à elle seule la totalité de l'existence. b) Prendre conscience de sa spécificité L'enrichissement devient alors le résultat d'une confrontation et non d'un affrontement.

Autrui reconnu comme un monde différent peut m'aider à comprendre quelle est ma spécificité, mon originalité.

L'apprentissage de l'enfant constitue une illustration assez complète de ce processus de prise de conscience de soi par dissociation progressive et dialogue avec les autres. 3 - Autrui comme échange a) Le dialogue avec autrui L'enrichissement n'est toutefois réel que si l'on pose comme possible l'échange ou la communication avec autrui.

Chaque personne est un univers qui possède ses règles, ses lois, sa vision ; la possibilité de transmettre tout ou partie de cet univers enrichit autrui puisqu'il accède à un univers jusque-là inconnu.

La médiation de l'Art chez Proust, par exemple, est essentielle puisque c'est elle seule qui me livre la clé de l'univers d'autrui et multiplie ainsi les mondes que je porte en moi.

Le problème est donc de savoir si la communication est possible, et selon quelles médiations. b) Le personnalisme « Je n'existe que dans la mesure où j'existe pour autrui », écrivait E.

Mounier.

Cette phrase résume assez bien le point extrême de ce type de réflexion.

Ici, plus qu'une possibilité d'échange entre les consciences, la rencontre s'avère la condition indispensable à la constitution de l'identité.

Elle est plus qu'un enrichissement, elle est au fondement même de l'existence.. »

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