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Conceptualisation du référent de la notion d' « acte inhumain »

Publié le 18/01/2024

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« 009_Dissertation-Acte inhumain-Correction-I_2023-2024 1/6 Table des matières I) Conceptualisation du référent de la notion d' « acte inhumain » : correction...................................2 II) Principaux extraits du livre de Gitta SERENY sur lesquels s'est appuyée la conceptualisation du référent de la notion d' « acte inhumain »........................................................................................6 009_Dissertation-Acte inhumain-Correction-I_2023-2024 2/6 I) Conceptualisation du référent de la notion d' « acte inhumain » : correction. Qu'affirme-t-on au juste quand on dit d'un acte qu'il est inhumain ? Comment répondre à cette question sans partir de ce à quoi la notion d' « acte inhumain » fait référence dans le champ de l'expérience humaine ? L'histoire de l'humanité n'abonde-t-elle pas en actes de ce genre ? Dans un livre intitulé Au fond des ténèbres la 5 journaliste et écrivain Gitta SERENY rapporte les entretiens qu'elle eut avec Franz STANGL, un des plus grands meurtriers de masse de l'histoire de l'humanité.

Franz STANGL fut affecté au programme d’euthanasie des handicapés en Allemagne puis nommé en Pologne, où il allait commander les centres d'extermination de Sobibor (entre mars et septembre 1942) puis de Treblinka (jusqu’en août 1943), Treblinka où près de 900 000 Juifs 10 ont été gazés.

Qualifier ce meurtre de masse d' « acte inhumain » est une affirmation dont la vérité semble tellement aller de soi, tellement relever de l'évidence, que la mettre en doute serait propre à révolter la conscience humaine. Toutefois se poser la question « Peut-on dire d'un acte qu'il est inhumain ? » invite non pas à mettre en doute l'existence d'actes inhumains, mais à évaluer les fondements 15 des discours qui en viennent à caractériser certains actes d'« inhumains », et à se demander si ces fondements ont bien l'évidence qu'on leur attribue.

C'est le doute jeté sur l'évidence de ces fondements qui peut entraîner un doute sur l'existence de tels actes.

Mais peut-être faut-il en passer par ces doutes pour échapper à un préjugé qui logerait dans l'attribution à certains actes d'un caractère d'inhumanité et, du même coup, dans la condamnation morale et 20 juridique de tels actes : qui sait si ce préjugé ne serait pas une source de l'inhumanité des actes qu'il condamnerait ? 25 30 35 40 Sur quoi au juste se fonde-t-on quand on qualifie d’ « acte inhumain » le meurtre de masse commis par Franz STANGL ? Qu'est-ce qui dans la nature de ce meurtre conduit à le qualifier d'acte « inhumain » ? Les entretiens de Gitta SERENY avec Franz STANGL peuvent aider à rendre compte de l'attribution d'un caractère inhumain à ce meurtre. Un passage de ces entretiens fait bien éprouver l'expérience que Franz STANGL cherchait à fuir en se tenant debout sur le mur et en voyant ceux qui, sortant nus et agglutinés des baraques de déshabillage, avançaient dans le « couloir », en flot énorme, vers les « douches » où ils allaient être gazés.

La réponse de Franz STANGL, à la question de Gitta SERENY « Pour vous, quel était le pire endroit du camp ? » (L.145), est en effet riche d'enseignements pour conceptualiser le référent de la notion d' « acte inhumain » et d'abord pour commencer de bien sentir ce que l'on nomme inhumanité d'un acte.

Examinons cette réponse. Les baraques de déshabillage, de l'aveu même de Franz STANGL, étaient pour lui « le pire endroit du camp » (L.145) de Treblinka : « C’est une chose que je repoussais du plus profond de moi-même » (LL.146-147), répond-il à Gitta SERENY.

Mais pourquoi repoussait-il du plus profond de lui-même les baraques de déshabillage ? Assurément parce qu'elles étaient le lieu d'une expérience qu'il ne voulait pas vivre, d'une épreuve qui lui était insupportable et qui ne pouvait que faire obstacle à l'exercice de sa fonction en tant que commandant d'un camp d'extermination.

Pour assumer cette fonction qui était la sienne, il lui fallait se délivrer de cette expérience, échapper à cette épreuve, et dans cette échappée consistait précisément ce qui rendait possible l'accomplissement du meurtre de masse. Mais quelle était donc cette expérience de vie, cette épreuve insupportable à 009_Dissertation-Acte inhumain-Correction-I_2023-2024 45 50 55 60 65 70 3/6 laquelle Franz STANGL voulait échapper en repoussant les baraques de déshabillage du plus profond de son être ? Répondre à cette question c'est peut-être commencer de sentir ce qui fonde l'inhumanité d'un acte.

« Je ne pouvais pas les affronter » (L.147), dit-il.

Mais de qui parle-t-il ? De « ceux qui allaient mourir » (L.148) dans le camp dont il était le commandant. Mais de quel affrontement parle-t-il puisque ceux qui allaient mourir étaient de force conduits à leur mort imminente ? Comment la faiblesse et l'impuissance de ceux qui allaient mourir pouvait-elle se dresser contre la volonté et l'action d'un Franz STANGL qui commandait alors le camp d’extermination ? Et pourtant c'est bien son impuissance à subir cet affrontement qui est au cœur du propos de Franz STANGL : de façon paradoxale, au regard du puissant et dans l'affrontement dont il parle, le puissant se définit lui-même comme impuissant face à ceux qui allaient mourir sur ses ordres et ceux qui allaient mourir comme exerçant sur lui une puissance insupportable.

Comment un tel paradoxe est-il possible ? Comment le puissant peut-il être défini par son impuissance et ceux, qui sont impuissants à repousser la violence qu'ils subissent, être définis par une puissance que leur bourreau n'est pas en mesure d'affronter ? Mais quelle est donc cette puissance que, dans les baraques de déshabillage, ceux qui allaient mourir et qui ne pouvaient rien faire contre leur mort imminente – exerçaient sur Franz STANGL ? Comment pouvaient-ils, du fond de leur impuissance, faire obstacle à la volonté et à l'action même de Franz STANGL attelé à la tâche et à la responsabilité de leur extermination ? La puissance de ceux qui allaient mourir consistait à rendre Franz STANGL impuissant à leur mentir : « je ne pouvais pas leur mentir » (LL.147-148), avoue-t-il, alors que le bon déroulement de l'extermination était bâti sur un mensonge, celui de faire passer un camp d'extermination pour un camp de transit afin d'éviter des mouvements désordonnés de panique qui auraient retardé le passage vers les chambres à gaz.

Impuissant à leur mentir, Franz STANGL pouvait encore moins leur parler : « j’ai évité par tous les moyens de parler à ceux qui allaient mourir ; je ne pouvais pas le supporter » (LL.148-149). Mais qu'est-ce donc qui rendait insupportable à Franz STANGL de mentir et de parler à ceux qui, dans les baraques de déshabillage, allaient mourir ? Pour répondre à cette question, il faut se tourner vers ce qui permettait à FRANZ STANGL d'échapper au sentiment de son impuissance à les affronter, à leur mentir, à leur parler.

Comment parvenait-il à cette échappée sans laquelle le meurtre de masse ne pouvait 75 pas, ne pouvait plus s'opérer ? La réponse à cette question est dans ce moment des entretiens où Franz STANGL continue de parler à Gitta SERENY « avec une gravité extrême et avec l’intention évidente d’atteindre une nouvelle vérité en lui-même » (LL.106-107) : « Voyezvous, je les ai rarement perçus comme des individus.

C’était toujours une énorme masse. Quelquefois j’étais debout sur le mur et je les voyais dans le "couloir".

Mais — comment 80 expliquer — ils étaient nus, un flot énorme qui courait conduit à coups de fouet comme… » (LL.107-110).

Le propos de Franz STANGL fait ainsi écho à ce qu'il disait précédemment « d'un ton neutre » (L.89) : « C’était une cargaison.

Une cargaison.

» (L.89) Cette parole est d'importance dans le livre de Gitta SERENY puisqu'elle le commente ainsi : « Sa main s’est levée, puis est retombée en un geste de désespoir.

Nous avions 85 tous deux baissé la voix.

Ce fut un des rares moments où, durant ces semaines d’entretien, il n’a fait aucun effort pour dissimuler son accablement, et son chagrin sans espoir suscitait un instant la sympathie » (LL.89-92). S'échapper de son impuissance face à ceux qui allaient mourir c'était pour Franz STANGL ne plus les voir autrement que comme « une cargaison » (L.89) : on remarquera 009_Dissertation-Acte inhumain-Correction-I_2023-2024 4/6 90 qu'à cette expression « une cargaison », immédiatement et douloureusement répétée par Franz STANGL, font écho deux autres expressions : « une énorme masse » (L.108), « un flot énorme » (L.110).

Pour échapper au sentiment de son impuissance il fallait à Franz STANGL ne plus voir ceux qui allaient mourir que comme une cargaison, une énorme masse, un flot énorme, où donc la pluralité de ceux qui allaient mourir était ainsi fondue dans l'unité d'une 95 masse : masse où disparaissait cette pluralité et qui s'écoulait en un flot vers les chambres à gaz. 100 105 110 115 120 125 130 135 Que fallait-il donc pour que Franz STANGL se délivre du sentiment de son impuissance ? Qu'il cesse de sentir comme une pluralité ceux qui allaient mourir.

Ce qui soulève plusieurs questions : quelle était cette pluralité ? Pourquoi faisait-elle obstacle à.... »

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