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Cartésiens et newtoniens

Publié le 12/03/2022

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dualisme de l’esprit, substance pensante, et de la matière, substance étendue, dualisme auquel la pensée des Lumières n’a pas cessé de se référer, qu’elle le conteste ou qu’elle l’accepte au moins implicitement. Il faut surtout insister sur les conséquences de la réduction de l’essence de la matière à l’étendue géométrique. Tout d’abord, il n’y a aucune analogie entre Dieu et le monde. Est ainsi discréditée une « théologie physique » qui cherche à retrouver la science dans une interprétation littérale du récit biblique, et qui est encore vivace au début du xviiie siècle. L’ironie voltairienne qui la ridiculise est d’origine cartésienne et non newtonienne. Sans doute, la physique cartésienne a-t-elle des principes métaphysiques, mais séparément de la théologie. Rien désormais n’assure plus la compatibilité de la tradition théologique avec une métaphysique qui pourra être diversement interprétée, et même rapprochée d’un panthéisme ou d’un matérialisme. D’autre part, cette métaphysique, devenue plus soucieuse de rendre compte de la science que de la foi, va prendre la forme d’une théorie de la connaissance. Cependant, il n’en résulte pas nécessairement, comme on l’a dit, qu’un humanisme philosophique domine désormais l’esprit des Lumières, et que ce soit l’homme, et non plus Dieu, qui devienne source de vérité et de valeur. Même Cassirer s’arrête à cette simplification tout en reconnaissant qu’elle ne vaudrait guère que pour la France. C’est oublier que, même en France, le propre de la pensée des Lumières est de concevoir une religion naturelle, indépendamment d’une Révélation. A partir de Descartes, il y a unité, uniformité de l’univers. Si l’étendue géométrique en toutes ses dimensions n’a pas de limites, le monde physique est infini, ou plutôt indéfini, car Descartes préfère réserver à Dieu la notion infini. Ainsi se trouve abolie, à partir de Descartes, l’ancienne distinction d’un monde terrestre livré au changement et à la corruption, et d’un monde immuable des deux que même le système de Copernic n’abolissait pas encore. Les Principes de la philosophie de Descartes énoncent cette proposition capitale : « Il n’est pas malaisé d’inférer de tout ceci que la terre et les deux sont faits d’une seule et même matière et que, quand même il y aurait une infinité de mondes, ils ne seraient que de cette matière » (II, 22). Rien donc n’empêche le savant et homme de lettres Fontenelle (1657-1757) de publier en 1686 ses célèbres Entretiens sur la plura-lité des mondes.

« Cartésiens et newtoniens Selon une histoire des idées assez commune, le doute métho­ dique que Descartes limitait à la philosophie, à la métaphysique et aux sciences aurait été étendu progressivement aux institu-, rions civiles et religieuses pour aboutir aux idées révolution­ naires.

En fait, il est difficile de trouver les traces d'une telle extension si l'on distingue nettement ce doute de méthode et le doute sceptique qui s'en tient à la vraisemblance et dont la tradi­tion remonte à l'Antiquité.

Rejeter ce qui n'est que probable, ne s'arrêter qu'à l'évidence, serait�e bien la démarche qui prépare la Révolution ? Tout au plus peut-on remarquer que le doute car­tésien implique la récusation de l'histoire et le refus d'examiner la pluralité des doctrines.

Le doute sceptique d'un Montaigne, d'un Huet, d'un Bayle s'enlise dans le passé et la multiplicité des sectes.

Descartes ne se contente pas de les dédaigner : « On ne saurait rien imaginer de si étrange et de si peu croyable qui n'ait été dit par quelqu'un des philosophes.

» La citation pourrait être de Voltaire, mais celui�i se complaît dans l'examen de l'étrange et du peu croyable, alors que Descartes rompt une fois pour toutes avec le passé. D'ailleurs, le Descartes qui est retenu par la philosophie des Lumières est moins le métaphysicien que le savant.

C'est le mécanisme généralisé, celui de la physique et du système du monde, celui de la théorie des êtres vivants (les « animaux­ machines »), qui caractérise le rationalisme cartésien, ce qui en est accepté, ce qui en est développé, mais aussi ce qui en est refusé au cours du siècle.

Les successeurs de Descartes ont pu perfectionner son mécanisme sans remettre en question, bien au contraire, le modèle qu'il impliquait. Rappelons que le mécanisme cartésien repose sur le fameux. »

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