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Calculer, est-ce penser ?

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« Définition des termes du sujet: PENSÉE: Faculté de connaître, de comprendre, de juger, de raisonner, qui est censée caractériser l'homme, par opposition à l'animal.

Synonyme d'entendement, de raison. PENSER: Exercer une activité proprement intellectuelle ou rationnelle; juger; exercer son esprit sur la matière de la connaissance; unir des représentations dans une conscience. La pensée est-elle un calcul ? Qu'est-ce que calculer ? C 'est exécuter une procédure réglée, passant par des étapes et conduisant à un résultat.

Cela suffit-il à définir une pensée ? La référence à Leibniz est importante.

Il s'inscrit dans une tradition de penseurs (Lulle, Hobbes, C ondillac...) qui valorisent le calcul et veulent y voir l'équivalent de la pensée.

C e courant philosophique entend traiter les idées à la façon des nombres et à l'aide d'opérations.

A insi, pour Hobbes, la raison "n'est que le calcul (c'est-à-dire l'addition et la soustraction) des conséquences des dénominations générales [les mots] dont nous avons convenu pour noter et signifier nos pensées" (Léviathan, chap.

5).

Plus concrètement, on peut rechercher dans la polémique autour de l'informatique et de l'intelligence artificielle des arguments pour montrer à quel point un calcul peut prendre la place de la pensée, et en quoi une telle conception est limitée.

Les ordinateurs, qui calculent, ne sont jamais que des machines.

A -t-on réussi avec eux à mécaniser la pensée ? P ensent-ils vraiment ? C omprennent-ils la signification de ce qu'ils calculent ? À cet égard, peut-on dire que le calculable coïncide avec le pensable ? On peut interpréter le calcul comme un simple jeu de symboles (jeu réglé par les règles de calcul) dénués de toute signification.

M ais peut-on pour autant priver la pensée de signification ? Introduction À première vue, il peut nous sembler évident que calculer, c'est penser : le prestige des mathématiques nous incline même souvent à croire que faire des opérations sur les nombres constitue l'activité supérieure de l'esprit humain. Toutefois, les machines aussi calculent, elles calculent même mieux, plus rapidement et plus sûrement que le meilleur des mathématiciens.

Or dirons-nous que ces machines qui calculent pensent ? Notre réponse, ici, devient fort hésitante : spontanément, nous répugnons à considérer que nos calculatrices et nos ordinateurs pensent, réservant la pensée aux êtres humains. Le problème se pose donc de savoir si calculer, c'est réellement penser.

Mais, si calculer c'est effectivement penser, le calcul est-il une forme particulière de la pensée ? ou bien est-il la forme de toute pensée, en ce sens que penser serait calculer, que la pensée en général serait réductible à la pensée calculatrice ? Les machines me peuvent pas penser Les théories classiques refusent aux machines la capacité de penser.

Ainsi, dans son « Éloge de Descartes », Alain écrit : « Descartes est un de ceux qui ont refusé de supposer quelque pensée enfermée dans la chose.

A ristote croyait qu'un astre se conduit lui-même d'après des pensées ; c'est la théologie étendue à tout.

Descartes a résolu d'économiser ces suppositions, qui sont plus obscures que ce qu'il s'agit d'expliquer (Éléments de seulement l'enfant peut calculer, mais même une machine.

Pascal, en 1645, présente au chancelier Séguier sa fameuse machine arithmétique (« les machines actuelles, même les plus extraordinaires, ne sont que des perfectionnements » de celle-ci, note Grateloup dans « Informatique et enseignement philosophique », Cahiers philosophiques, n°10, mars 1982, CNDP).

Et P ascal expliquait qu'elle était « en état de faire, [...] sans aucun travail d'esprit, les opérations de toutes les parties de l'arithmétique » (Pensées et Opuscules, Hachette, 1980). A insi le calcul, opération intellectuelle, activité de la pensée, peut être accompli par une machine, dont les opérations ne sont que des mouvements mécaniques ou électroniques. AUTOmatiser le calcul Pour expliquer que la machine, qui ne pense pas, puisse faire des opérations qui sont celles de l'intelligence, il faut d'abord remarquer que la pensée qui calcule peut élaborer des automatismes intellectuels qui soulagent la réflexion proprement dite.

Une telle élaboration n'est d'ailleurs pas spécifique à l'action intellectuelle.

Toute activité volontaire répétée constitue des habitudes.

On a tort de réduire celles-ci à des routines qui interdisent l'exercice de notre liberté : les habitudes peuvent être non seulement libératrices (l'habitude de lire libère l'intelligence du travail de déchiffrage qui mobilise toute son attention), mais elles sont aussi comme l'incarnation de la volonté libre, la liberté de la pensée devenue effective, jusque dans des mouvements sans conscience (cf.

les techniques du sportif au terme de son entraînement, mais aussi celles du calcul mental). D'autre part, la mécanisation des raisonnements du calcul s'appuie sur l'écriture (et ses différentes transformations).

Le calcul, opération mathématique, est d'abord issu de la pensée mathématique.

Celle-ci est exposée dans un discours fait de symboles spécifiques issus des langues naturelles (français, anglais, etc.).

C es symboles sont des représentations conventionnelles dont les traces sont faites pour durer.

Il devient alors tout à fait possible d'opérer sur ces traces sans tenir compte de leur contenu sémantique, de leur signification.

Loin d'être un « cerveau » électronique ou une « machine qui pense », le calculateur est alors un outil qui combine, selon des règles spécifiques, parfaitement définies, des traces (sous quelque forme qu'elles se présentent) sans considération du sens que l'esprit peut leur donner lorsqu'il les pose ou qu'il analyse le résultat des opérations. CONCLUSION Bien que le calcul et le raisonnement formalisé soient des formes de pensées (si les machines peuvent calculer, c'est qu'elles ont été pensées pour le faire), la pensée n'est pas réductible à la pensée calculatrice.

Penser, c'est aussi penser qu'on pense, prendre conscience de sa pensée, mais aussi imaginer, inventer, rêver – y compris rêver à une machine qui nous libérerait des inquiétudes que fait naître la pensée ! « La Raison n'est que le calcul (c'est-à-dire l'addition et la soustraction) des conséquences des dénominations générales dont nous avons convenu pour noter et signifier nos pensées.

» Hobbes, Léviathan, 1651. « La rationalité est de plus en plus assimilée "more mathematico" à la faculté de quantifier.

A ussi justement que cela rende compte du primat d'une science de la nature triomphante, aussi peu cela réside-t-il dans le concept de la ratio en soi.

» Adorno, Dialectique négative, 1966. On n'a que trop tendance à réduire, more mathematico, « suivant la tradition mathématique » la raison à la raison mathématique, qui porte non sur les qualités, mais sur les quantités.

Or, d'après Adorno, le concept de ratio (« raison» en latin) s'applique d'abord à nos jugements, à nos actions, à nos oeuvres d'art — lesquels ne sont guère quantifiables.. »

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