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Blaise PASCAL

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Si nous rêvions toutes les nuits la même chose, elle nous affecterait autant que les objets que nous voyons tous les jours. Et si un artisan était sûr de rêver toutes les nuits, douze heures durant, qu'il est roi, je crois qu'il serait presque aussi heureux qu'un roi qui rêverait toutes les nuits, douze heures durant, qu'il serait artisan. Si nous rêvions toutes les nuits que nous sommes poursuivis par des ennemis, et agités par ces fantômes pénibles, et qu'on passât tous les jours en diverses occupations, comme quand on fait voyage, on souffrirait presque autant que si cela était véritable, et on appréhenderait le dormir, comme on appréhende le réveil quand on craint d'entrer dans de tels malheurs en effet. Et en effet il ferait à peu près les mêmes maux que la réalité. Mais parce que les songes sont tous différents, et qu'un même se diversifie, ce qu'on y voit affecte bien moins que ce qu'on voit en veillant, à cause de la continuité, qui n'est pourtant pas si continue et égale qu'elle ne change aussi, mais moins brusquement, si ce n'est rarement, comme quand on voyage ; et alors on dit : "Il me semble que je rêve" ; car la vie est un songe un peu moins inconstant. Blaise PASCAL

« PASCAL : COMMENT DISTINGUER RÊVE ET RÉALITÉ ? Quand nous percevons le monde, comment pouvons-nous savoir que nous ne rêvons pas ? Pouvons-nous être sûr qu'à l'état de veille nous ne sommes pas trompés par des illusions semblables à celles que nous avons en dormant ? Pour Pascal nous ne le pouvons, car les états de veille se distinguent du rêve seulement par l'occurrence plus fréquente de leurs objets et par leur plus grande continuité. « Si nous rêvions toutes les nuits la même chose, elle nous affecterait autant que les objets que nous voyons tous les jours.

Et si un artisan était sûr de rêver toutes les nuits, douze heures durant, qu'il est roi, je crois qu'il serait presque aussi heureux qu'un roi qui rêverait toutes les nuits, douze heures durant, qu'il serait artisan. Si nous rêvions toutes les nuits que nous sommes poursuivis par des ennemis, et agités par ces fantômes pénibles, et qu'on passât tous les jours en diverses occupations, comme quand on fait voyage, on souffrirait presque autant que si cela était véritable, et on appréhenderait le dormir, comme on appréhende le réveil quand on craint d'entrer dans de tels malheurs en effet.

Et en effet il ferait à peu près les mêmes maux que la réalité.

Mais parce que les songes sont tous différents, et qu'un même se diversifie, ce qu'on y voit affecte bien moins que ce qu'on voit en veillant, à cause de la continuité, qui n'est pourtant pas si continue et égale qu'elle ne change aussi, mais moins brusquement, si ce n'est rarement, comme quand on voyage ; et alors on dit : "Il me semble que je rêve" ; car la vie est un songe un peu moins inconstant.

» PASCAL, Pensées, Brunschvicg 386 indications pour la compréhension du texte • Il n'y a pas selon Pascal de différence radicale, de nature, entre le réel et le rêve.

Ainsi s'éloigne-t-il du dogmatisme classique qui donne à l'objet perçu dans l'éveil une réalité en soi et à l'objet du rêve une simple réalité imaginaire, et se rapproche-t-il du scepticisme qui refuse d'attribuer à l'objet de la veille plus de réalité qu'à celui du rêve. • Ce qui distingue la veille du rêve : — l'occurrence plus fréquente des objets de la veille que celle des objets du rêve ; — la discontinuité des « séquences » du rêve et la continuité relative de celles de la vie. • Comparer la thèse de Pascal avec celles : — de Descartes qui distingue la réalité du rêve par la cohérence de l'une et l'incohérence de l'autre ; — de Kant pour qui c'est « l'enchaînement des représentations par la loi de causalité » qui distingue la vie du rêve ; — de Schopenhauer pour qui « les rêves isolés se distinguent de la vie réelle, en ce qu'ils n'entrent pas dans la continuité de l'expérience qui se produit à travers la vie ; et c'est le réveil qui met en lumière cette différence.

Mais si l'enchaînement causal est la forme qui caractérise la veille, chaque rêve pris en soi présente aussi cette même connexion.

Si l'on se place pour juger des choses, à un point de vue supérieur au rêve et à la vie, on ne trouvera dans leur nature intime aucun caractère qui les distingue nettement, et il faudra accorder aux poètes que la vie n'est qu'un long rêve ». ordre des idées 1) Une thèse centrale : Si nos rêves avaient entre eux la même continuité et la même constance que nos états de veille, ils auraient pour nous autant d'importance que ces derniers. 2) Des illustrations de cette thèse - un artisan rêvant constamment qu'il est roi serait aussi heureux qu'un roi rêvant constamment qu'il est artisan ; - si nous faisions régulièrement des cauchemars, nous craindrions autant le rêve que la vie 3) Une conséquence : On ne peut poser une différence de nature entre le rêve et la vie : la vie est simplement « un songe un peu moins inconstant » Introduction : Dans fragment 803 de ses Pensées en édition Lafuma, Pascal opère un rapprochement entre les rêves et la veille afin de montrer qu’ils ne se différencient que par degrés et non par nature.

Le sommeil et la veille sont en effet souvent indiscernables si bien que la vie peut être définie comme un songe.

Le problème du texte est : en quel sens peut-on dire que la vie est un songe ? Sommes-nous jamais certains que nous ne rêvons pas en croyant vivre ? Sa thèse consiste à montrer que si nos rêves étaient plus constants, ils seraient complètement indistincts de la vie telle que nous la percevons.

Pour comprendre son enjeu global dans la pensée de Pascal, il faut se référer au fragment 131 qui démontre la nécessité de la foi : « personne n’a d’assurance, hors de la foi, s’il veille ou s’il dort ».

Cette indiscernabilité relative de la veille et du sommeil se laisse diviser en trois moments : tout d’abord la thèse générale sous forme d’hypothèse puis deux exemples l’un sur la réversibilité des conditions, l’autre montrant la quasi identité. »

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