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Blaise PASCAL

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Quand je m'y suis mis quelquefois, à considérer les diverses agitations des hommes, et les périls et les peines où ils s'exposent, dans la cour, dans la guerre, d'où naissent tant de querelles, de passions, d'entreprises hardies et souvent mauvaises, etc., j'ai découvert que tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos, dans une chambre. Un homme qui a assez de bien pour vivre, s'il savait demeurer chez soi avec plaisir, n'en sortirait pas pour aller sur la mer ou au siège d'une place. On n'achètera une charge * à l'armée si cher, que parce qu'on trouverait insupportable de ne bouger de la ville; et on ne recherche les conversations et les divertissements des jeux que parce qu'on ne peut demeurer chez soi avec plaisir. Mais quand j'ai pensé de plus près, et qu'après avoir trouvé la cause de tous nos malheurs, j'ai voulu découvrir la raison, j'ai trouvé qu'il y en a une bien effective, qui consiste dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable, que rien ne peut nous consoler, lorsque nous y pensons de près. Blaise PASCAL

« PRESENTATION DES "PENSEES" DE PASCAL Pascal (1623-1662) rédige les Pensées durant les dernières années de sa vie ; il collectionne sur de petits papiers les éléments d'une oeuvre à visée apologétique.

Le texte sera publié une première fois de manière posthume par ses proches de l'abbaye de Port Royal, foyer de la pensée janséniste, et ne cessera d'être remanié par des éditions successives (nous choisissons ici le classement établi par Lafuma).

L'oeuvre est originale tant par les aléas éditoriaux qui la caractérisent que par la préoccupation qui l'anime ; on est loin des opuscules scientifiques et de leur argumentation proprement démonstrative.

Grand lecteur de Saint Augustin, Pascal est aussi marqué par la lecture de Montaigne, dont il gardera des leçons de scepticisme.

Mais ici, le scepticisme se réduit en fait à une arme critique censée ébranler ce que l'on croyait sûr, par exemple, la toute-puissance de notre raison à établir le vrai.

De ce point de vue, les Pensées représentent un contrepoint philosophique majeur à la métaphysique cartésienne qui prétend fonder tout l'édifice du savoir, l'existence de Dieu y compris, par l'examen rationnel. "Quand je m'y suis mis quelquefois, à considérer les diverses agitations des hommes, et les périls et les peines où ils s'exposent, dans la cour, dans la guerre, d'où naissent tant de querelles, de passions, d'entreprises hardies et souvent mauvaises, etc., j'ai découvert que tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos, dans une chambre.

Un homme qui a assez de bien pour vivre, s'il savait demeurer chez soi avec plaisir, n'en sortirait pas pour aller sur la mer ou au siège d'une place.

On n'achètera une charge à l'armée si cher, que parce qu'on trouverait insupportable de ne bouger de la ville; et on ne recherche les conversations et les divertissements des jeux que parce qu'on ne peut demeurer chez soi avec plaisir.

Mais quand j'ai pensé de plus près, et qu'après avoir trouvé la cause de tous nos malheurs, j'ai voulu découvrir la raison, j'ai trouvé qu'il y en a une bien effective, qui consiste dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable, que rien ne peut nous consoler, lorsque nous y pensons de près." PASCAL 1) Introduction Ce texte, extrait des Pensées, se rapporte au thème, central chez Pascal, du divertissement, conçu comme ce qui nous détourne de la vue de la condition humaine et de son néant.

Le problème est de savoir comment l'homme est en mesure d'échapper au spectacle de sa misère métaphysique et morale. Quelle est l'idée directrice du texte ? C'est par la fuite, en nous détournant de nous-mêmes, que nous sommes en mesure d'échapper à la vision de notre véritable condition : le divertissement est notre lot car l'homme ne supporte pas de demeurer seul face à lui-même. On saisit l' enjeu du texte : il nous fait gagner une vision très « dure » de la condition humaine; les hommes cherchent plutôt à oublier leur misère existentielle qu'à se mettre à la recherche du vrai bonheur.

C'est par le divertissement qu'ils s'étourdissent: l'activité humaine représente un véritable étourdissement.

L'enjeu nous dirige vers l'intérêt philosophique d'un texte admirable de perspicacité. 2) Étude ordonnée et intérêt philosophique A.

Première partie : « Quand [...] chambre.

» Cette première partie nous expose le fruit d'une découverte : Pascal se tourne vers le spectacle des occupations sérieuses, voire difficiles ou dangereuses, qui sont le lot de l'homme.

Ce sont les mouvements (les « agitations ») irréguliers des hommes qui retiennent son attention comme autant d'entreprises pénibles et engendrant des risques (cf le terme « péril»), des antagonismes (cf le terme « querelles ») et des affections passives de l'âme (cf le terme « passions »).

Ce sont donc des activités que Pascal énumère et dont il cherche la signification.

Quelle est-elle ? Les hommes ne savent pas et ne veulent pas demeurer entre quatre murs (« dans une chambre ») car alors ils sombrent dans l'angoisse.

Donc c'est la solitude qu'ils répudient.

Tel est le sens de ce premier mouvement du texte, dont l' intérêt philosophique est manifeste ; Pascal souligne admirablement ce qui est nôtre : notre impossibilité de rester seuls avec nous-mêmes, enfermés, de telle sorte que le désir des hautes fonctions et activités est enraciné dans cette impossibilité de demeurer enfermés.

Nous refusons d'être dans un repos complet, qui nous est insupportable.

Dangers, risques, etc.

s'originent dans ce refus absolu de la solitude. Mais il reste à donner davantage d'exemples, et c'est ce que Pascal fait dans la suite du texte. B.

Deuxième partie : « Un homme [...] plaisir.

» Ici, les exemples viennent confirmer l'hypothèse de Pascal, l'incapacité de demeurer enfermé chez soi : prenons le. »

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