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Blaise PASCAL

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Justice, force. Il est juste que ce qui est juste soit suivi ; il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi. La justice sans la force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique. La justice sans force est contredite, parce qu'il y a toujours des méchants. La force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et pour cela faire que ce qui est juste soit fort ou que ce qui est fort soit juste. La justice est sujette à dispute. La force est très reconnaissable et sans dispute. Aussi on n'a pu donner la force à la justice, parce que la force a contredit la justice et a dit qu'elle était injuste, et a dit que c'était elle qui était juste. Et ainsi ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fut juste. Blaise PASCAL

« Justice, force. Il est juste que ce qui est juste soit suivi ; il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi. La justice sans la force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique. La justice sans force est contredite, parce qu'il y a toujours des méchants.

La force sans la justice est accusée.

Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et pour cela faire que ce qui est juste soit fort ou que ce qui est fort soit juste. La justice est sujette à dispute.

La force est très reconnaissable et sans dispute.

Aussi on n'a pu donner la force à la justice, parce que la force a contredit la justice et a dit qu'elle était injuste, et a dit que c'était elle qui était juste. Et ainsi ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fut juste. La justice et la force sont-elles irrémédiablement séparées ou peuventelles s'accorder en se prêtant un appui mutuel? Voilà la question à laquelle répond ce texte, en montrant la confusion profonde que la force introduit délibérément et à son seul profit entre les deux notions. 1.

Les principes : justice et force sont radicalement dissemblables (lignes 1 à 6, jusqu'à « ...

ce qui est fort soit juste »). A.

Justice et force ne sont pas respectées de la même façon : dans les faits, il est possible de ne pas se conformer à la justice.

Mais cela est injuste, cela contrevient à des normes éthiques.

Au contraire, il est impossible de résister à la force, la soumission est « nécessaire » (ligne 1), car la force est précisément une capacité de contrainte.

Respecter la première résulte d'un choix, d'une décision libre.

Se soumettre à la seconde est inévitable. B.

Pas de justice sans force et pas de force sans justice : sans l'appui de la force, la justice est incapable de se réaliser.

Elle reste à l'état de principe, de « voeu pieu » et n'existe pas véritablement.

En effet, elle est toujours en butte à ses adversaires, les « méchants », qui usent, eux, de la force (ligne 3) et ont le dessus, étant donnée la faiblesse de la justice.

Réciproquement, la force sans justice est « tyrannique » (ligne 2).

On conteste alors sa légitimité.

La justice sans force est inexistante, et la force sans justice n'est plus qu'une insupportable violence. C.

Séparées l'une de l'autre, ces deux notions sont incomplètes et imparfaites.

La conséquence de ce constat est, en principe, évidente : « Il faut donc mettre ensemble la justice et la force » (lignes 4 et 5).

Autrement dit, il convient, d'un même mouvement, de pallier la faiblesse de la justice sans force et de rectifier la force dépourvue de justice. Toutefois, est-il possible d'unifier ces deux termes sans que l'un fasse disparaître l'autre ? 2.

Les faits : la justice et la force sont réunies sous la bannière de la force. A.

Une justice sans visibilité : Pascal présente ici une différence entre force et justice qui prépare leur réunion ultime.

La justice peut être « contredite » (ligne 3), parce qu'elle n'est pas identifiable en elle-même.

Pour se faire reconnaître et triompher, elle aurait besoin de la force, qui est, elle, « reconnaissable » (ligne 7), puisqu'elle est, par définition, capable de s'imposer. B.

La supériorité de la force : face à une justice incapable de se faire reconnaître comme telle, la force peut revendiquer pour elle-même le nom de justice et le dénier à la justice véritable.

La force a non seulement la capacité de contraindre physiquement, mais aussi de discréditer son opposé.

Elle peut éviter d'être « accusée » (ligne 4), parce qu'elle peut appeler « tyrannique » la justice réelle.

Ce qui n'était qu'une simple différence dans les principes devient une opposition radicale dans les faits : force et justice ne sont pas seulement distinctes, elles sont antagonistes. C.

En conséquence, force et justice sont apparemment réunies : la force se proclame elle-même juste, et qualifie la justice réelle d'injuste.

On assiste en réalité à la confiscation du terme de « justice » par la force et à la disparition corrélative de la justice véritable.

Il n'y a plus de norme extérieure à ce qu'impose la force dans les faits : les textes de lois et le droit ne sont que le reflet de ce qu'impose la violence et non pas l'expression de la justice ou de l'équité.

Le droit se réduit au fait, car, entre force et justice, le combat est trop inégal. Discussion.. »

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