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Blaise PASCAL

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Je ne puis faire mieux entendre la conduite qu'on doit garder pour les démonstrations convaincantes, qu'en expliquant celle que la géométrie observe. Mais il faut auparavant que je donne l' idée d' une méthode encore plus éminente et plus accomplie, mais où les hommes ne seraient jamais arrivés : car ce qui passe la géométrie nous surpasse ; et néanmoins il est nécessaire d'en dire quelque chose, quoiqu'il soit impossible de le pratiquer. Cette véritable méthode, qui formerait les démonstrations dans la plus haute excellence, s'il était possible d'y arriver, consisterait en deux choses principales : l'une, de n'employer aucun terme dont on n'eût auparavant expliqué nettement le sens ; l' autre, de n'avancer jamais aucune proposition qu'on ne démontrât par des vérités déjà connues ; c'est-à-dire, en un mot, à définir tous les termes et à prouver toutes les propositions... Certainement cette méthode serait belle, mais elle est absolument impossible : car il est évident que les premiers termes qu' on voudrait définir en supposeraient de précédents pour servir à leur explication, et que de même les premières propositions qu'on voudrait prouver en supposeraient d'autres qui les précédassent ; et ainsi il est clair qu'on n'arriverait jamais aux premières. Blaise PASCAL

« " Je ne puis faire mieux entendre la conduite qu'on doit garder pour les démonstrations convaincantes, qu'en expliquant celle que la géométrie observe.

Mais il faut auparavant que je donne l' idée d' une méthode encore plus éminente et plus accomplie, mais où les hommes ne seraient jamais arrivés : car ce qui passe la géométrie nous surpasse ; et néanmoins il est nécessaire d'en dire quelque chose, quoiqu'il soit impossible de le pratiquer. Cette véritable méthode, qui formerait les démonstrations dans la plus haute excellence, s'il était possible d'y arriver, consisterait en deux choses principales : l'une, de n'employer aucun terme dont on n'eût auparavant expliqué nettement le sens ; l' autre, de n'avancer jamais aucune proposition qu'on ne démontrât par des vérités déjà connues ; c'est-à-dire, en un mot, à définir tous les termes et à prouver toutes les propositions... Certainement cette méthode serait belle, mais elle est absolument impossible : car il est évident que les premiers termes qu' on voudrait définir en supposeraient de précédents pour servir à leur explication, et que de même les premières propositions qu'on voudrait prouver en supposeraient d'autres qui les précédassent ; et ainsi il est clair qu'on n'arriverait jamais aux premières.

" PASCAL Les mathématiques sont un système de déductions rigoureuses, mais elles sont un système hypothético-déductif, c'est-à-dire qu'elles se fondent sur un ensemble d'axiomes, par définition indémontrables.

Aussi Pascal en conclut-il que, tout en pouvant fournir le meilleur modèle pour les sciences, elles ne constituent pas une méthode parfaite, laquelle est d'ailleurs inaccessible à l'esprit humain. Articulation des idées Une observation : la méthode géométrique ne constitue pas une méthode parfaite. Caractéristiques de cette méthode parfaite (non possédées par la géométrie) : — tous les termes doivent être définis (or la géométrie a besoin d'un métalangage) ; — toutes les propositions doivent être démontrées (or la géométrie a des postulats). Impossibilité d'une telle méthode ; elle implique une régression à l'infini puisque : — les termes doivent toujours être définis par d'autres termes ; — pour être démontrées, les propositions impliquent d'autres propositions antérieures. Commentaire Introduction : Blaise Pascal, né en 1923 et mort en 1662, fut un savant dans son acception antique, c’est-à-dire complet et multidisciplinaire.

D’abord mathématicien et physicien, sa curiosité pour la connaissance le porte nécessairement à la philosophie, et par ailleurs à la morale et à la théologie.

La contribution majeure de Pascal à la philosophie des mathématiques est De l’Esprit géométrique, écrit originellement comme une préface d’un manuel d’Éléments de géométrie en 1657 et publié finalement un siècle après sa mort.

Pascal y examine les possibilités de découvrir la vérité, argumentant que l’idéal pour une semblable méthode serait de se fonder sur les propositions dont la vérité est déjà établie.

Dans cet extrait, tiré de la section I, Pascal expose sa conception d’une telle méthode, qui conduirait à la démonstration parfaite, et serait calquée sur la méthode utilisée en géométrie.

L’originalité de ce texte réside dans le style utilisé par le philosophe, qui expose sa théorie comme un rêve irréalisable, mettant ainsi en évidence l’impossibilité d’accéder à la connaissance. 1ère partie : Comment accéder à la connaissance ? La pédagogie de Pascal. -Pascal se place dans une démarche prescriptive et didactique.

Le but de ce texte est d’indiquer une « conduite » à garder, afin de tenir une « démonstration convaincante ».

L’objet de ce passage est donc de répondre à la problématique fondamentale de la philosophie : comment accéder à la connaissance ? L’auteur s’emploie donc à initier une « méthode » pour atteindre la vérité. -On peut noter pourtant que jamais Pascal ne parle de « vérité » ni même de « savoir » ou de « connaissance », mais toujours seulement de « démonstration ».

Ainsi, il pose le terme sans revenir sur sa définition et place cette notion comme l’objectif ultime présupposé.

Pascal cherche dans ce texte le moyen d’obtenir une « démonstration convaincante », en sous-entendant qu’une telle démonstration nous conduit à découvrir des vérités.. »

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