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Blaise PASCAL

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L'homme [... ] n'est produit que pour l'infinité. Il est dans l'ignorance au premier âge de sa vie ; mais il s'instruit sans cesse dans son progrès : car il tire avantage non seulement de sa propre expérience, mais encore de celle de ses prédécesseurs, parce qu'il garde toujours dans sa mémoire les connaissances qu'il s'est une fois acquises, et que celles des anciens lui sont toujours présentes dans les livres qu'ils en ont laissés. Et comme il conserve ces connaissances, il peut aussi les augmenter facilement ; de sorte que les hommes sont aujourd'hui en quelque sorte dans le même état où se trouveraient ces anciens philosophes s'ils pouvaient avoir vieilli jusqu'à présent, en ajoutant aux connaissances qu'ils avaient celles que leurs études auraient pu leur acquérir à la faveur de tant de siècles. De là vient que, par une prérogative particulière, non seulement chacun des hommes s'avance de jour en jour dans les sciences, mais que tous les hommes ensemble y font un continuel progrès à mesure que l'univers vieillit, parce que la même chose arrive dans la succession des hommes que dans les âges différents d'un particulier. De sorte que toute la suite des hommes, pendant le cours de tant de siècles, doit être considérée comme un même homme qui subsiste toujours et qui apprend continuellement [... ] Blaise PASCAL

« " L'homme [...

] n'est produit que pour l'infinité.

Il est dans l'ignorance au premier âge de sa vie ; mais il s'instruit sans cesse dans son progrès : car il tire avantage non seulement de sa propre expérience, mais encore de celle de ses prédécesseurs, parce qu'il garde toujours dans sa mémoire les connaissances qu'il s'est une fois acquises, et que celles des anciens lui sont toujours présentes dans les livres qu'ils en ont laissés.

Et comme il conserve ces connaissances, il peut aussi les augmenter facilement ; de sorte que les hommes sont aujourd'hui en quelque sorte dans le même état où se trouveraient ces anciens philosophes s'ils pouvaient avoir vieilli jusqu'à présent, en ajoutant aux connaissances qu'ils avaient celles que leurs études auraient pu leur acquérir à la faveur de tant de siècles.

De là vient que, par une prérogative particulière, non seulement chacun des hommes s'avance de jour en jour dans les sciences, mais que tous les hommes ensemble y font un continuel progrès à mesure que l'univers vieillit, parce que la même chose arrive dans la succession des hommes que dans les âges différents d'un particulier.

De sorte que toute la suite des hommes, pendant le cours de tant de siècles, doit être considérée comme un même homme qui subsiste toujours et qui apprend continuellement [...

]" PASCAL Remarques préliminaires Le thème du progrès, relativement récent dans l'histoire de la pensée occidentale, s'est d'abord affirmé au niveau de la représentation de la connaissance, avant d'être envisagé, par les philosophes du XVIII siècle, pour l'ensemble de la société.

Il n'a pas eu d'emblée une connotation positive (progrès = amélioration) et bien des philosophes (Pascal, Rousseau) l'utilisent dans son sens premier — et neutre — d'avancée dans le temps ou l'espace, développement quantitatif (latin progredior: « je m'avance »).

Le thème du progrès a été associé très tôt à l'idée que les connaissances et l'expérience acquises par une génération sont transmissibles à la génération suivante.

Ce cumul rend possible une amélioration des savoirs etdes savoir-faire et, par le biais de l'éducation, perpétue les acquis culturels en une sorte de « mémoire collective ».

De ce point de vue, le progrès culturel constitue l'envers de l'évolution biologique : alors que cette dernière s'explique non par la reconduction des caractères acquis par chaque génération (cf Jean Rostand, L'Homme) mais par une « pression » sélective du milieu naturel sur l'ensemble des êtres préexistants, l'histoire humaine comme progrès n'est possible que par une transmission de l'acquis, et ce à travers l'éducation.

Le texte de Pascal thématise la notion de progrès comme cumul et dépassement tout à la fois.

S'il semble envisager surtout l'histoire des sciences, il ne manque pas de signaler que cette faculté de « conservation » et d'augmentation des connaissances constitue une donnée distinctive de l'homme (cf.

« prérogative particulière »).

La façon dont la fin du texte met en parallèle le développement graduel de l'humanité et la croissance par étapes de l'individu devra être examinée dans toutes ses implications. Étude ordonnée du texte Objet du texte Une double interrogation semble nourrir le texte : comment concevoir le progrès ? qu'est-ce qui le rend possible ? La thématique du texte • Idée générale : le progrès, saisi comme cumul et dépassement continuel de l'acquis, caractérise l'existence humaine au niveau collectif (« humanité ») comme au niveau individuel. • Développement et thématisation de cette idée : a) la condition première de l'homme : perfectibilité ; b) l'instrument de cette perfectibilité : la transmission de l'acquis (l'éducation comme mémoire collective) ; c) la conservation de l'acquis comme condition du dépassement ; d) illustration du rapport conservation-dépassement : la transmission de l'acquis fait éclater les limites de l'existence individuelle (« anciens philosophes » perpétués) ; e) énoncé du parallélisme individu-humanité et explication de sa signification : l'apprentissage individuel comme réappropriation graduelle de l'acquis collectif ; réciproquement, le progrès collectif comme conséquence de l'éducation individuelle ; f) caractère exclusif et distinctif de cette dialectique du progrès (« prérogative particulière ») qui spécifie l'« homme » ; g) confirmation finale de l'analogie mentionnée. Problématique sous-jacente • Rôle déterminant de l'éducation et de l'apprentissage.

Peu de données innées (« ignorance au premier âge de la vie »). • Rejet de tout dogmatisme en matière de connaissance : à aucun moment, un homme ne peut prétendre parvenir à une théorie absolue, définitive et indépassable.. »

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