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Blaise PASCAL

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C'est une étrange et longue guerre que celle où la violence essaie d'opprimer la vérité. Tous les efforts de la violence ne peuvent affaiblir la vérité, et ne servent qu'à la relever davantage. Toutes les lumières de la vérité ne peuvent rien pour arrêter la violence, et ne font que l'irriter encore plus. Quand la force combat la force, la plus puissante détruit la moindre ; quand l'on oppose les discours aux discours, ceux qui sont véritables et convaincants confondent et dissipent ceux qui n'ont que la vanité et le mensonge ; mais la violence et la vérité ne peuvent rien l'une sur l'autre. Qu'on ne prétende pas de là néanmoins que les choses soient égales : car il y a cette extrême différence, que la violence n'a qu'un cours borné par l'ordre de Dieu, qui en conduit les effets à la gloire de la vérité qu'elle attaque : au lieu que la vérité subsiste éternellement, et triomphe enfin de ses ennemis ; parce qu'elle est éternelle et puissante comme Dieu même. Blaise PASCAL

« PRESENTATION DES "PENSEES" DE PASCAL Pascal (1623-1662) rédige les Pensées durant les dernières années de sa vie ; il collectionne sur de petits papiers les éléments d'une oeuvre à visée apologétique.

Le texte sera publié une première fois de manière posthume par ses proches de l'abbaye de Port Royal, foyer de la pensée janséniste, et ne cessera d'être remanié par des éditions successives (nous choisissons ici le classement établi par Lafuma).

L'oeuvre est originale tant par les aléas éditoriaux qui la caractérisent que par la préoccupation qui l'anime ; on est loin des opuscules scientifiques et de leur argumentation proprement démonstrative.

Grand lecteur de Saint Augustin, Pascal est aussi marqué par la lecture de Montaigne, dont il gardera des leçons de scepticisme.

Mais ici, le scepticisme se réduit en fait à une arme critique censée ébranler ce que l'on croyait sûr, par exemple, la toute-puissance de notre raison à établir le vrai.

De ce point de vue, les Pensées représentent un contrepoint philosophique majeur à la métaphysique cartésienne qui prétend fonder tout l'édifice du savoir, l'existence de Dieu y compris, par l'examen rationnel. " C'est une étrange et longue guerre que celle où la violence essaie d'opprimer la vérité.

Tous les efforts de la violence ne peuvent affaiblir la vérité, et ne servent qu'à la relever davantage.

Toutes les lumières de la vérité ne peuvent rien pour arrêter la violence, et ne font que l'irriter encore plus.

Quand la force combat la force, la plus puissante détruit la moindre ; quand l'on oppose les discours aux discours, ceux qui sont véritables et convaincants confondent et dissipent ceux qui n'ont que la vanité et le mensonge ; mais la violence et la vérité ne peuvent rien l'une sur l'autre.

Qu'on ne prétende pas de là néanmoins que les choses soient égales : car il y a cette extrême différence, que la violence n'a qu'un cours borné par l'ordre de Dieu, qui en conduit les effets à la gloire de la vérité qu'elle attaque : au lieu que la vérité subsiste éternellement, et triomphe enfin de ses ennemis ; parce qu'elle est éternelle et puissante comme Dieu même." PASCAL Introduction N'opposant rien d'autre à ses juges que l'exigence de vérité, Socrate succombe.

Les calomnies, dont il est l'objet de longue date, et les préjugés, qui leur correspondent, l'ont emporté : les hommes politiques sans scrupule, prêts à toutes les violences, triomphent...

Mais l'exemple donné par Socrate, son enseignement, survivent à sa personne.

Et l'exigence de vérité, raison d'être de la philosophie en sa conquête de la lucidité qui doit éclairer l'action, ne prend-elle pas ainsi une revanche décisive ? « Étrange et longue guerre » en effet que celle de la violence et de la vérité...

Il n'est pas rare de constater que les préjugés de tous ordres survivent à leur réfutation rationnelle ; il est aussi assez fréquent que les exigences de la raison soient ou tenues en échec ou cantonnées dans des domaines relativement restreints par rapport à la totalité de l'expérience humaine.

Mais peut-on se contenter de dresser l'amer constat des limites rencontrées partout et en toute époque semble-t-il par l'exigence de vérité ? L'analyse de la signification du conflit séculaire entre vérité et violence pose à la philosophie la question de son propre statut : question dont la mort de Socrate signalait déjà le côté dramatique.

L'étude d'un texte de Pascal va nous permettre d'aborder cette question, et d'en éclairer des aspects décisifs. Étude ordonnée du texte Sur quoi porte précisément le texte proposé ? Sur le conflit séculaire entre violence et vérité.

Pascal précise d'emblée la nature de ce conflit, en parlant d'une guerre, et en assigne même le responsable premier, en écrivant : « la violence essaie d'opprimer la vérité.

» Bref, l'agresseur est bien la violence elle-même, ce qui ne saurait surprendre compte tenu de ce qui la définit : entendue en son sens strict, la violence n'est pas autre chose que l'exercice brut de la force, sans égard pour le droit ni même l'existence d'autrui.

Si l'on parle de la violence des éléments naturels (un ouragan) c'est que la force de la nature s'y manifeste de façon brute, selon son élan propre.

Appliquée aux sociétés humaines, aux relations entre les hommes, elle est le fait de volontés particulières s'imposant à d'autres volontés particulières par la mise en jeu nue et brutale d'un rapport de forces, sans égard ni au droit ni aux exigences morales.

Dans le texte de Pascal, la violence est traitée comme une sorte d'entité, abstraction personnifiée servant à désigner toutes les formes particulières de violence qui agissent dans l'histoire (meurtre, censure, répression, torture, etc.).

Force d'oppression, la violence rencontre sur son passage la vérité, et tente de l'opprimer elle aussi. De quelle façon Pascal aborde-t-il le thème qu'il envisage ? Le conflit ainsi aperçu peut-il avoir vraiment lieu, si l'on reconnaît que les deux termes en présence relèvent de deux ordres tout à fait différents, hétérogènes l'un à l'autre ? Le thème du texte doit donc être précisé, quant à la façon dont il est envisagé, à partir d'une définition de la notion de vérité.

Si la violence est dans les choses, la vérité ne semble pouvoir se situer que dans le discours que l'homme tient sur les choses.

« Le vrai n'est pas un terme transcendantal' » (Spinoza, Pensées métaphysiques).

Est vrai ce qui décrit, ou rapporte, la réalité telle qu'elle est.

Un récit est vrai lorsqu'il raconte les choses telles qu'elles se sont effectivement passées (Spinoza, même référence).

La vérité scientifique est ce. »

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