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Baruch Spinoza: Sommes-nous libres ou déterminés ?

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Mais venons-en aux choses créées qui, toutes, sont déterminées à exister et à agir selon une manière précise et déterminée. Pour le comprendre clairement, prenons un exemple très simple. Une pierre reçoit d'une cause extérieure qui la pousse une certaine quantité de mouvement, par laquelle elle continuera nécessairement de se mouvoir après l'arrêt de l'impulsion externe. Concevez maintenant, si vous voulez bien, que la pierre, tandis qu'elle continue de se mouvoir, sache et pense qu'elle fait tout l'effort possible pour continuer de se mouvoir. Cette pierre, assurément puisqu'elle n'est consciente que de son effort, [...] croira être libre et ne persévérer dans son mouvement que par la seule raison qu'elle le désire. Telle est cette liberté humaine que tous les hommes se vantent d'avoir et qui consiste en cela seul que les hommes sont conscients de leurs désirs et ignorants des causes qui les déterminent. C'est ainsi qu'un enfant croit désirer librement le lait et un jeune garçon irrité vouloir se venger s'il est irrité, mais fuir s'il est craintif. [...]

« "Mais venons-en aux choses créées qui, toutes, sont déterminées à exister et à agir selon une manière précise et déterminée.

Pour le comprendre clairement, prenons un exemple très simple.

Une pierre reçoit d'une cause extérieure qui la pousse une certaine quantité de mouvement, par laquelle elle continuera nécessairement de se mouvoir après l'arrêt de l'impulsion externe. Concevez maintenant, si vous voulez bien, que la pierre, tandis qu'elle continue de se mouvoir, sache et pense qu'elle fait tout l'effort possible pour continuer de se mouvoir.

Cette pierre, assurément puisqu'elle n'est consciente que de son effort, [...] croira être libre et ne persévérer dans son mouvement que par la seule raison qu'elle le désire.

Telle est cette liberté humaine que tous les hommes se vantent d'avoir et qui consiste en cela seul que les hommes sont conscients de leurs désirs et ignorants des causes qui les déterminent.

C'est ainsi qu'un enfant croit désirer librement le lait et un jeune garçon irrité vouloir se venger s'il est irrité, mais fuir s'il est craintif.

[...]" Baruch Spinoza, Lettre à Schuller » VOCABULAIRE SPINOZISTE Liberté: elle n’est pas un acte de la volonté qui n’est qu’une faculté (entité abstraite, en fait inexistante).

La liberté concrète est l’autonomie d’un individu, atteinte lorsque ses actions ne résultent que de causes internes (celles qui résultent de l’essence même de cet individu, c’est-à-dire de son Désir). Homme: réalité singulière, contingente, constituée par un corps et par l’idée de ce corps (esprit humain). L’existence d’un homme n’est pas logiquement nécessaire mais elle résulte du système des causes naturelles. Cause: tout événement produit un effet et est donc une cause, en même temps qu'il a une cause.

Mais les séries causales n’agissent que dans le cadre de l'Attribut auquel elles appartiennent : les idées produisent des idées et agissent sur des idées (Attribut Pensée), les corps et leurs modifications produisent des modifications et agissent sur les corps (Attribut Étendue). Ce que défend ce texte: Spinoza cherche à montrer dans ce texte que les hommes se trompent quand ils pensent être libres.

« C'est ainsi qu'un enfant croit désirer librement le lait, et un jeune garçon irrité vouloir se venger s'il est irrité, mais fuir s'il est craintif.

» De même un ivrogne, écrit Spinoza à la suite de ce passage, « croit dire par une décision libre ce qu'ensuite il aurait voulu taire ».

Or ils se trompent.

Non seulement la liberté est une illusion, mais Spinoza veut montrer que cette illusion est inévitable. Nous sommes tous, en effet, conscients de poursuivre des fins (désirer le lait, vouloir se venger, le mot « fin » désignant ici le motif ou le but), mais nous attribuons la cause de nos désirs à notre volonté libre.

L'homme, en réalité, est placé dans l'ignorance de tout autre rapport de causalité que celui de l'objet et du désir qu'il suscite en nous.

Les hommes se croient donc libres parce qu'ils ont conscience de leurs désirs, mais ils ne pensent pas « même en rêve, aux causes qui les disposent à désirer et à vouloir, parce qu'ils les ignorent », écrivait déjà Spinoza dans L'Éthique. Pour expliquer les raisons de cette ignorance, l'auteur va ici se livrer à une comparaison : imaginons une pierre qui reçoit d'une cause extérieure une certaine quantité de mouvement, suite à cette « poussée », elle continuera de se mouvoir alors même que cette impulsion extérieure aura cessé.

Cette pierre est comparable à l'homme.

Si elle était douée de conscience, tandis qu'elle continue à se déplacer, elle croirait être libre, et être l'auteur de la poursuite de son déplacement, alors qu'elle est en réalité ignorante de la cause véritable (l'impulsion première qui l'a mise en mouvement). Bien sûr, les pierres ne pensent pas, mais l'homme est pris dans une situation de ce genre, et l'illusion qui en résulte constitue ce qu'il appelle sa liberté : « Telle est cette liberté humaine que tous les hommes se vantent d'avoir » et qui n'est que la conscience de nos désirs doublée de l'ignorance de leurs causes véritables. Quelles sont alors ces causes ? Toutes les causes qui s'enchaînent pour déterminer chacune de mes actions renvoient, en dernière analyse, à un principe que Spinoza appelle en latin conatus, et qui désigne l'effort, la « poussée » (on dirait aujourd'hui : la « pulsion »), par lesquels chaque être tend à continuer à exister et à augmenter sa puissance d'agir. Cette « poussée » n'est pas un choc physique comme dans le cas de la pierre, mais cette énergie qui est le vrai foyer de mon être, cet appétit que j'appelle, lorsque j'en ai conscience, mon désir. Ce à quoi s'oppose cet extrait: Spinoza s'oppose à ceux qui, comme Descartes, posent l'existence d'une volonté libre en l'homme, capable de briser la chaîne des causalités qui déterminent son action.. »

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