Baruch SPINOZA
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Sujet 2106
Qu'est-ce que la vérité ?
"La première signification donc de Vrai et de Faux semble avoir tiré son origine des
récits ; et l'on a dit vrai un récit quand le fait raconté était réellement arrivé; faux
quand le fait raconté n'était arrivé nulle part.
[Plus tard les Philosophes ont employé
le mot pour désigner l'accord ou le non-accord d'une idée avec son objet ; ainsi, l'on
appelle Idée Vraie celle qui montre une chose comme elle est en elle-même; Fausse
celle qui montre une chose autrement qu'elle n'est en réalité.
Les idées ne sont pas
autre chose en effet que des récits ou des histoires de la nature dans l'esprit:, Et de
là on en est venu à désigner de même par métaphore des choses inertes; ainsi quand
nous disons de l'or vrai ou de l'or faux, comme si l'or qui nous est présenté racontait
quelque chose sur lui-même, ce qui est ou n'est pas en lui."
Baruch Spinoza, Pensées métaphysiques (1663)
VOCABULAIRE SPINOZISTE
Idée: concept conscient, activement formé par l’esprit (et non pas «image muette sur
un tableau»).
Les idées n’agissent que sur les idées.
Homme: réalité singulière, contingente, constituée par un corps et par l’idée de ce
corps (esprit humain).
L’existence d’un homme n’est pas logiquement nécessaire mais
elle résulte du système des causes naturelles.
Esprit: idée du corps constituant « l’esprit humain ».
C’est donc un mode fini de l’Attribut Pensée («Âme»).
Ce que défend ce texte:
Spinoza pose en effet que toute idée, dans la transparence de son immédiateté, peut donner lieu à une proposition qui est
comme contenue «en puissance» dans cette idée.
Mon idée du triangle n'est pas un reflet intellectuel passif d'un triangle réel, car elle peut donner lieu à un énoncé, comme
lorsque j'affirme qu'un triangle se définit précisément comme une figure à trois côtés
Que la vérité soit liée au langage, voilà donc qui ne fait plus aucun doute.
Pourtant il faut signaler un dernier usage des
termes «vrai» et «faux», qui semble bien constituer une extension abusive, ou plutôt une métaphore : «Et de là on en est
venu à désigner de même par métaphore des choses inertes».
Quand nous disons de tel or, par exemple, qu'il est vrai ou faux, ne donnons-nous pas abusivement ces qualificatifs à des
choses qui, en réalité doivent se contenter d'être ou de ne pas être (l'or est ou n'est pas, mais il n'est pas vrai ou faux) ?
Cet exemple pris par Spinoza évoque des expressions plus récentes que nous employons sur le même modèle.
Ainsi, il n'est
pas rare aujourd'hui d'entendre parler d'un «faux tableau», de «faux billets», etc.
On pourra objecter que l'exemple de l'or ne
se distingue pas de celui du triangle qui est aussi une «chose inerte».
Pourtant la différence existe, car jamais nous ne
disons qu'un «triangle est vrai» quand nous en avons l'idée vraie (la bonne représentation).
Or, ici, il s'agit d'évaluer la valeur
d'une expression comme «l'or vrai».
Spinoza parvient pourtant, là aussi, à intégrer cet usage dans sa définition de la vérité.
Lorsque l'on parle de l'or «vrai» ou
«faux», c'est comme si l'or nous racontait quelque chose sur lui-même, ce qui est ou n'est pas en lui, car derrière cette
expression il y a tout un discours implicite qu'on peut facilement restituer, concernant les propriétés de cette matière.
Ainsi
sont sauvées la cohérence et l'unité de ce qu'on appelle le vrai et le faux.
Ce à quoi s'oppose cet extrait:
Spinoza tente de déterminer dans ce texte la signification des adjectifs «vrai» et «faux» en retraçant leur histoire.
Il s'oppose
à un emploi peu rigoureux de ces termes, et à une erreur fréquente dans l'usage courant où l'on confond l'être et le discours,
le réel et le vrai.
C'est dans l'ordre du langage que le vrai et le faux ont un sens, nous dit-il, car c'est par lui et en lui que surgit la question de
la vérité et de la fausseté.
Celles-ci concernent non pas la réalité mais un jugement, une proposition (affirmative ou négative)
portés sur elle.
Spinoza nous rappelle à ce titre que «la première signification donc de Vrai et de Faux semble avoir tiré son origine des
récits; et l'on a dit vrai un récit quand le fait raconté était réellement arrivé; faux, quand le fait raconté n'était arrivé nulle
part».
Toutefois cette définition ne correspond pas exactement à ce que la scolastique (l'enseignement officiel dans les écoles,
du temps de Spinoza) entend par «vérité», puisqu'elle la définit traditionnellement comme l'accord (ou «adéquation») d'une
idée avec son objet.
Dans cette dernière définition, nulle mention n'est faite, en effet, du discours, des propositions et du
langage, mais uniquement des idées de notre esprit et de leur objet.
Spinoza ne remet toutefois pas en cause cette formule et souligne que, dans ce sens, une «idée vraie» nous montre une
chose telle qu'elle est en elle-même, et sa vérité s'éprouve comme une évidence immédiate.
Ainsi l'idée que j'ai du triangle
est-elle vraie quand elle est une image fidèle de cette figure dont parle le géomètre et que je me représente un triangle avec
ses trois côtés.
Mais Spinoza parvient à retrouver dans ce sens la signification originaire qu'il a dégagée par rapport au langage.
En effet,
«les idées ne sont pas autre choses en effet que des récits ou des histoires de la nature dans l'esprit»..
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