Baruch SPINOZA
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«
VOCABULAIRE SPINOZISTE
Nature: ensemble de la réalité.
Elle est soumise à des lois déterminées, elle ne comporte aucune finalité et elle est infinie.
Totalement
autonome et unique, elle comporte une infinité d’aspects différents dont deux nous sont connus parce qu’ils nous constituent directement ce
sont la Pensée et l’Étendue, Attributs de la substance, qui est Dieu, c’est-à-dire cette Nature même.
Sagesse: attitude sereine de l’homme libre, atteinte par la connaissance philosophique.
Elle est caractérisée par le sentiment d’être, et
d’être éternel, cette conscience d’être étant permanente et active.
Elle est donc joie.
Utile (propre): objet du Désir correspondant réellement à ce Désir, et donc à l’essence de l’individu qui le poursuit.
Il est donc spécifique et
produit un réel accroissement d’être, cohérent et permanent.
Liberté: elle n’est pas un acte d e la volonté qui n’est qu’une faculté (entité abstraite, en fait inexistante).
La liberté concrète est
l’autonomie d’un individu, atteinte lorsque ses actions ne résultent que de causes internes (celles qui résultent de l’essence même de cet
individu, c’est-à-dire de son Désir).
Homme: réalité singulière, contingente, constituée par un corps et par l’idée de ce corps (esprit humain).
L’existence d’un homme n’est
pas logiquement nécessaire mais elle résulte du système des causes naturelles.
Dieu: nom donné par Spinoza à la substance infinie (Être) en tant qu’elle est constituée par un nombre infini d’attributs infinis.
Dieu est
donc la Nature elle-même.
Ce terme (Dieu) est équivalent au terme vérité.
Conatus: l'effort par lequel chaque chose tend à persévérer dans son être.
Il est donc la puissance d’exister (vim existendi) et l’essence
même du Désir.
Désir: mouvement concret fondé sur le conatus et par lequel l’individu poursuit des biens qui accroîtront sa puissance d’exister, c’est-àdire sa perfection et son être.
Un tel accroissement produit la Joie (et ses dérivés) ; sa réduction produit au contraire la Tristesse (et ses
dérivés).
Le Désir est l’essence de l’homme.
Cause: tout événement produit un effet et est donc une cause, en même temps qu'il a une cause.
Mais les séries causales n’agissent que
dans le cadre de l'Attribut auquel elles appartiennent : les idées produisent des idées et agissent sur des idées (Attribut Pensée), les corps
et leurs modifications produisent des modifications et agissent sur les corps (Attribut Étendue).
Appétit (appetitus): identique au Désir (cupiditas) et donc à l’effort pour exister (conatus).
Une intention, chez celui qui parle, fait préférer
Appétit (s’il songe au corps) ou Désir (s’il songe au corps et à l’esprit).
Spinoza entend ruiner une illusion tenace et fort répandue qu'il pose comme la source de toutes les autres : l'illusion de la finalité, par
laquelle l e s h o m m e s supposent que toutes les choses dans la nature agissent comme eux, en vue d'une fin.
Il ne se contente pas de
dénoncer cette opinion mais il cherche à en déterminer l'origine et le développement, à en sonder la puissance, seul moyen d'en venir à
bout.
Car cette illusion n'est pas une simple erreur qu'il suffit de faire apparaître pour la dissiper.
Elle prend sa source dans les désirs
humains qui lui confèrent une force et une positivité redoutables.
Partant d'un constat accessible à tous, à savoir que les hommes naissent ignorants et recherchent l'utile, Spinoza montre l'inévitable genèse
de l'illusion de liberté.
La conscience humaine est telle qu'elle connaît des effets dont elle ignore les causes et elle est conduite à se prendre
elle-même comme cause première des effets qu'elle produit.
Les hommes se croient donc libres et, n'agissant eux-mêmes qu'en vue d'une
fin, ils constituent l'action humaine comme modèle d'explication d e la nature.
Ainsi est m i s e en place progressivement l'idée d'une
organisation téléologique de la nature.
La situation objective de l'homme dans le monde est telle que l'homme ne peut pas n e p a s s e forger des illusions qui, se renforçant et
s'étendant de proche en proche, vont s'organiser en un " délire » finaliste, véritable rationalisation secondaire résistant à tous les démentis
de l'expérience.
Dans ce texte d'un antifinalisme radical', on voit Spinoza opérer en philosophie l'expulsion déjà advenue dans les sciences avec la révolution
galiléenne.
Les considérations finalistes relèvent d'un anthropocentrisme et d'un anthropomorphisme impénitents qui constituent un obstacle
à une explication proprement rationnelle de l'univers.
"Tous les préjugés que j'entreprends de signaler ici dépendent d'un seul : les hommes supposent
communément que toutes les choses naturelles agissent comme eux-mêmes, en vue d'une fin, et bien
plus, ils considèrent comme certain que Dieu lui-même dispose tout en vue d'une certaine fin, car ils
disent que Dieu a fait toutes choses en vue de l'homme, mais il a fait l'homme pour en recevoir un culte
(...).
Il me suffira ici de poser en principe ce qui doit être reconnu par tous : tous les hommes naissent
ignorants des causes des choses et tous ont envie de rechercher ce qui leur est utile, ce dont ils ont
conscience.
D'où il suit en premier lieu que les hommes se croient libres parce qu'ils ont conscience de
leurs volitions et de leur appétit et qu'ils ne pensent pas, même en rêve, aux causes qui les disposent à
désirer et à vouloir parce qu'ils les ignorent (...).
Ils trouvent en eux-mêmes et hors d'eux-mêmes un grand nombre de moyens qui leur servent à se
procurer ce qui leur est utile comme, par exemple, les yeux pour voir, les dents pour mâcher, les herbes et
les animaux pour s'alimenter, le soleil pour s'éclairer, la mer pour nourrir les poissons, etc.
Ils finissent
donc par considérer toutes les choses naturelles comme des moyens pour leur utilité propre.
Et comme ils
savent que ces moyens, ils les ont trouvés, mais ne les ont pas agencés eux-mêmes, ils y ont vu une
raison de croire qu'il y a quelqu'un d'autre qui a agencé ces moyens à leur usage.
Ils ont dû conclure qu'il y
a un ou plusieurs maîtres de la Nature, doués de la liberté humaine, qui ont pris soin de tout pour eux et
qui ont tout fait pour leur convenance (...).
Mais en voulant montrer que «la Nature ne fait rien en vain» (c'est-à-dire qui ne soit à l'usage des
hommes) ils semblent avoir uniquement montré que la Nature et les Dieux délirent aussi bien que les
hommes.
Voyez, je vous prie, où cela conduit! Parmi tant d'avantages qu'offre la Nature, ils ont dû trouver un nombre non négligeable
d'inconvénients, comme les tempêtes, les tremblements de terre, les maladies, etc., et ils ont admis que ces événements avaient pour
origine l'irritation des Dieux devant les offenses que leur avaient faites les hommes ou les fautes commises dans leur culte, et quoique
l'expérience s'inscrivit chaque jour en faux contre cette croyance et montrât par d'infinis exemples que les avantages et les inconvénients,
comme les tempêtes, échoient indistinctement aux pieux et aux impies, ils n'ont pas cependant renoncé à ce préjugé invétéré : il leur a été
en effet plus facile de classer ce fait au rayon des choses inconnues' dont ils ignoraient l'usage et de garder ainsi leur état actuel et inné
d'ignorance que de ruiner toute cette construction et d'en inventer une nouvelle.".
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