Baruch SPINOZA

« Le but final de l'instauration d'un régime politique n'est pas la domination, ni la répression des hommes, ni leur soumission au joug d'un autre.

Ce à quoi l'on a visé par un tel système, c'est à libérer l'individu de la crainte de sorte que chacun vive, autant que possible, en sécurité ; en d'autres termes conserve au plus haut point son droit naturel de vivre et d'accomplir une action (sans nuire ni à soi-même, ni à autrui).

Non, je le répète, le but poursuivi ne saurait être de transformer des hommes raisonnables en bêtes ou en automates ! Ce qu'on a voulu leur donner, c'est, bien plutôt, la pleine latitude de s'acquitter dans une sécurité parfaite des fonctions de leur corps et de leur esprit.

Après quoi, ils seront en mesure de raisonner plus librement, ils ne s'affronteront plus avec les armes de la haine, de la colère, de la ruse et ils se traiteront mutuellement sans injustice.

Bref, le but de l'organisation en société, c'est la liberté ! > QUESTIONS 1.

Dégagez l'idée principale du texte et la structure du raisonnement. 2.

Expliquez : a.

«...

le but poursuivi ne saurait être de transformer des hommes raisonnables en bêtes ou en automates ! » b.

« Après quoi, ils seront en mesure de raisonner plus librement...

» 3.

La liberté est-elle le principal but de la vie en société ? VOCABULAIRE SPINOZISTE Liberté: elle n’est pas un acte de la volonté qui n’est qu’une faculté (entité abstraite, en fait inexistante).

La liberté concrète est l’autonomie d’un individu, atteinte lorsque ses actions ne résultent que de causes internes (celles qui résultent de l’essence même de cet individu, c’est-à-dire de son Désir). Homme: réalité singulière, contingente, constituée par un corps et par l’idée de ce corps (esprit humain). L’existence d’un homme n’est pas logiquement nécessaire mais elle résulte du système des causes naturelles. Esprit: idée du corps constituant « l’esprit humain ».

C’est donc un mode fini de l’Attribut Pensée («Âme»). Droit: possibilité légitime d’accomplir une action.

La puissance de fait des individus définit et légitime leur droit de nature (ou droit naturel), tandis que leur puissance délimitée réciproquement, par les individus contractant un Pacte social, définit le droit civil. Corps: mode fini de l’Attribut Étendue.

Il est composé de parties dont les actions internes et réciproques sont constantes, formant ainsi un Individu stable.

Le corps humain est l’objet de l’idée constituant l’esprit humain. Action adéquate: action découlant de l’essence de l’individu, c’est-à-dire de son Désir et de sa causalité interne. Elle exprime l’autonomie et par conséquent la liberté véritable de cet individu. > QUESTION 1 La thèse du texte est énoncée dans l'exclamation finale : « [...] le but de l'organisation en société, c'est la liberté ! ». Comme à son habitude, Spinoza procède de manière très rigoureuse.

Il commence par réfuter la thèse concurrente (on la nommera « thèse sécuritaire »).

Puis, à partir de « Ce qu'on a voulu leur donner », il expose sa propre thèse.

Le texte est parfaitement encadré par une phrase négative d'une part (Le but final de l'instauration d'un régime politique n'est pas...

»), et par une affirmation d'autre part (« le but de l'organisation en société, c'est...

»).

Et les deux moments se terminent par une exclamation, négative pour la première (« le but poursuivi ne saurait être...

»), et positive pour la seconde (« le but [...], c'est...

»). La structure même du texte montre que Spinoza s'oppose à une opinion commune.

Elle désigne schématiquement la thèse de Hobbes.

Car pour Hobbes, le but de l'Etat est avant tout d'assurer la sécurité des citoyens : préserver leur vie bien sûr, mais aussi leurs biens.

Cela n'est certes pas négligeable pour Spinoza.

Le deuxième paragraphe fait d'ailleurs référence à une « sécurité parfaite ».

Car qui pourrait raisonner librement lorsque sa vie est en danger ? Cependant, la sécurité n'est que le moyen d'une autre fin : la liberté (dernier mot du texte). > QUESTION 2 a.

«...

le but poursuivi ne saurait être de transformer des hommes raisonnables en bêtes ou en automates ! » Cette exclamation vise la « thèse sécuritaire » concurrente.

La question est alors de savoir en quoi la pure recherche de la sécurité est susceptible de ravaler les hommes au rang de bêtes ou d'automates.

Si les hommes sont transformés en bêtes ou en automates, c'est essentiellement parce qu'ils n'exercent pas ce qui les distingue en tant qu'hommes : la raison et la liberté.

Ils délèguent leur pouvoir décisionnel au souverain (Spinoza parle de rapports de « domination », ou. »