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Autrui: familiarité et étrangeté ?

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« VOCABULAIRE: AMI / AMITIÉ: Lien d'attachement et de sympathie entre deux ou plusieurs personnes, qui ne repose ni sur l'attrait sexuel ni sur la parenté. AUTRE / AUTRUI : 1) Comme Adjectif, différent, dissemblable.

2) comme Nom, toute conscience qui n'est pas moi.

3) Autrui: Tout homme par rapport à moi, alter ego: "Autrui, c'est l'autre, c'est-à-dire ce moi (ego) qui n'est pas moi (alter)." (Sartre).

Les autres hommes, mon prochain.

C'est à la fois l'autre et le même (mon semblable, un moi autre, une personne). La présence d'autrui dans notre existence est ambiguë : il est à la fois lointain et proche.

Cette ambiguïté se retrouve dans la notion même qui le désigne : l'alter ego.

Comme « alter », il est autre que moi et se manifeste donc par sa différence.

Mais, comme « ego », il est celui qui possède quelque chose de commun avec moi.

En ce sens, autrui nous apparaît comme source d'une contradiction vivante.

Il nous sollicite tout autant par sa différence que par sa similitude. La tâche d'être soi n'est pas concevable sans cette ambiguïté puisque nous avons autant besoin d'opposition que de partage pour nous affirmer Comment, à partir d'une telle situation, envisager le rapport à autrui ? Familiarité et distance Nous vivons dans un monde humain, c'est-à-dire que nous coexistons avec d'autres sujets.

Cette multiplicité n'est pas une unité : nous sommes différents en tant qu'êtres vivants et pensants.

Mais, malgré cette différence, autrui se manifeste à nous par un sentiment de familiarité proche de l'évidence.

Erre familier d'une personne signifie justement vivre dans son intimité.

Celui qui est de la même « famille » manifeste avec nous des ressemblances (« un air de famille »).

En ce sens, notre expérience du monde humain n'est pas anonyme et indifférente.

Les autres sujets nous sont plus ou moins proches. Mais, habiter un tel monde c'est toujours attendre d'autrui qu'il se comporte en être humain.

La familiarité de sa présence et de l'humanité qui l'accompagne, ne signifie cependant pas qu'il y ait identité entre nous.

Nulle fusion n'est ici possible : autrui reste toujours à une certaine distance de nous.

Nous pouvons faire effort pour la réduire, mais il n'est pas possible de l'annuler totalement.

Autrui existe donc bien comme cet autre sujet dont j'éprouve la différence à chaque moment de ma vie. La présence angoissante d'autrui Nous pouvons encore vivre en familiarité avec cette distance, parce qu'elle est une donnée de notre expérience des autres.

Mais nous pouvons également éprouver devant elle un sentiment tout autre : celui de l'étrangeté.

La liberté d'autrui est toujours susceptible de produire en moi une angoisse.

Il était ceci ou cela : nous pensions l'avoir saisi dans sa singularité.

Mais, subitement, il se révèle sous un autre visage, que je ne puis reconnaître.

Notre familiarité n'était donc qu'une croyance en son être; autrui n'était pas pour nous l'objet d'une idée claire.

La familiarité n'était qu'un sentiment, non une connaissance de son être.

Pourtant, ne pouvons-nous pas comprendre quelque chose de lui ? Ne voyons-nous pas, par exemple, son visage trahir ses pensées ? Nous ne saisissons en fait qu'un comportement et des signes.

Nous n'entrons pas dans sa conscience.

Il peut nous offrir sa parole ou ses gestes pour signifier sa pensée.

Mais il y a encore une distance infranchissable entre ceux-ci et la manière dont il vit sa propre pensée.

Il est donc comme une surface et une profondeur énigmatique, que nous ne pouvons jamais entièrement pénétrer parce que nous ne pouvons nous mettre à sa place.

La projection imaginaire de nos pensées dans sa vie n'est encore qu'une possibilité imparfaite : nous ne faisons que nous projeter en lui, mais lui nous reste inaccessible.

Faut-il conclure à la nécessaire incomplétude des rapports avec autrui ? La difficile compréhension d'autrui Un « rapport » signifie bien que les éléments sont séparés.

Le rapport à autrui n'est pas concevable comme le rapport à soi-même, ce qui ne signifie pas qu'il y soit totalement étranger.

Autrui a une existence en moi tout aussi réelle que son existence pour lui.

L'accès à sa conscience étant toujours indirect, notre saisie d'autrui prend toujours la forme d'un savoir incomplet.

Quand des signes trahissent sa pensée, nous n'avons cependant aucune certitude sur la vérité de ce qui est ainsi trahi.

« Savoir incomplet » donc, parce que s'attache à lui une énigme à laquelle il nous appartient de donner du sens.

Cela ne signifie pourtant pas qu'il nous soit totalement étranger.

Nous vivons dans le même monde, nous foulons la même terre.

Ce « nous » n'est-il pas une passerelle possible vers autrui ? Le sens du rapport à autrui Puisque nous pensons et vivons avec d'autres, nos gestes, nos paroles, nos pensées ont une destination qui n'a jamais un sens seulement pour nous.

L'intersubjectivité est donc ici fondatrice d'une situation qui nous est commune.

Si nous entretenons une proximité sans égale avec notre être, la présence d'autrui est aussi une possibilité permanente d'orienter notre vie.

Nous faisons alors l'expérience d'un partage, d'une communauté toujours possibles entre les consciences.

La distance qui nous sépare d'autrui ne demande donc pas d'être annulée (ce qui est impossible), ni d'être posée comme une barrière insurmontable.

Elle doit être respectée.

En ce sens, il n'est pas de rapport à autrui qui ne soit, à quelque degré, une expérience morale.

Ce qui est en jeu, dans la multiplicité des rapports qui peuvent nous unir ou nous désunir, c'est la liberté de chacun.

Le problème moral que me pose autrui est celui de savoir ce que je fais de sa liberté avec la mienne et ce qu'il fait de la mienne avec la sienne : devons-nous aimer, haïr, craindre, espérer...

? Autrui nous oblige toujours à agrandir les dimensions de notre être à la hauteur d'une situation qui nous est commune.

Il questionne ainsi de manière fondamentale ma personne, en existant devant et avec moi.. »

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