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Rhinocéros - Acte II, tableau 2 - Ionesco « La rhinocérisation de Jean »

Publié le 15/06/2023

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« Rhinocéros - Acte II, tableau 2 - Ionesco « La rhinocérisation de Jean » Introduction : Rhinocéros est une pièce d'Eugène Ionesco (1909 - 1994), publiée en France en 1959 et jouée pour la première fois en France en janvier 1960.

Œuvre emblématique de ce et auteur et du théâtre de l'absurde, Rhinocéros est une métaphore tragique et comique de la montée des totalitarismes à l'aube de la Seconde Guerre mondiale, elle montre les dangers du conformisme qui, en laissant disparaitre la pensée individuelle, favorise la mise en place de régimes totalitaires. Dans Rhinocéros, le personnage principal est un homme nommé Bérenger.

Il vit dans une ville où tous les habitants commencent à se transformer en rhinocéros sans que l'on comprenne pourquoi.

Bérenger est le seul à réagir humainement, et à s'affoler face à la métamorphose alors que tous ses proches succombent à la "rhinocérite", lui va décider de résister. Dans le passage étudié, le tableau 2 de l'Acte II, Bérenger, pris de remord du fait de sa dispute avec Jean la veille, lui rend visite car celui ci est malade.

Jean se trouve en proie à un violent mal de tête, sa peau verdit à vue d'œil, sa voix devient rauque.

Il tient des propos étranges, presqu'à l'opposé de ceux qu'il tenait la veille.

Cet extrait met en scène la métamorphose progressive de Jean en rhinocéros.

Cette transformation apparaît tout à la fois ridicule et étrangement fantastique. Plan d'analyse linéaire : -1er mouvement : l.1 à 20 : « Brrr… J'aime les changements » : Le dialogue impossible entre Béranger et Jean crée rapidement un moment de tension. -2ème mouvement : l.21 à 48 : « De telles affirmations venant de votre part… Je te piétinerai ! » : La situation progresse rapidement, de la farce à la monstruosité. Problématique : En quoi cette scène est-elle une farce tragique ? 1er mouvement (l.1 à l.20) : UN MOMENT DE TENSION Bérenger s'est rendu chez Jean pour se réconcilier avec lui : ils viennent de se disputer au sujet des rhinocéros d'Asie et d'Afrique.

on attend donc une scène de réconciliation et de pardon réciproque… a) Une conversation étrange qui se dérègle… Au début de la scène, la métamorphose de Jean vient juste de commencer : il a mal à la tête mais il tient des propos que l'on reconnaît.

Mais rapidement on note une discordance entre la politesse de Bérenger "mon cher Jean" et ses appels répétés à la réflexion ("pensée", ""humanisme", "comprendre",…) face au ton autoritaire de Jean. Jean se déplace beaucoup, il fait de nombreux va-et-vient entre la chambre et la salle de bain comme l'indiquent les didascalies.

L'occupation de l'espace de Jean s'oppose à la passivité de Bérenger qui reste tapi dans un coin de la pièce et qui parle sans bouger.

Ce jeu théâtral de l'occupation de l'espace reflète le pouvoir des 2 personnages, ainsi Jean a beaucoup plus de force et de pouvoir que son ami car il occupe l'espace.

[au théâtre, celui qui occupe l'espace a le pouvoir] b) L'affrontement verbal. Les deux personnages éprouvent de plus en plus de difficultés à communiquer.

A la politesse de Bérenger, s'oppose la dureté de Jean ("Vous êtes un vieux sentimental ridicule"). L'analyse des pronoms personnels permet de constater que les 2 amis divergent assez rapidement dans leur discours.

En effet le nous, que Béranger utilisait au début du tableau 2 et qui englobait les 2 personnages, est remplacé par une confrontation entre le "je" et le "vous" : "Je vous connais trop bien", "je n'ai pas vos préjugés". Le dialogue est marqué par une forte tension.

Les répliques s'enchaînent rapidement avec une reprise du dernier mot utilisé : "l'humanisme…" - "L'humanisme est périmé !" ; "Des clichés ! Vous me racontez des bêtises" - "Des bêtises !". Face aux propos de Jean, Bérenger est totalement impuissant, il ne parvient pas à aller au bout de ses arguments comme l'indique l'utilisation des points de suspension : - soit parce qu'il est interrompu par Jean "Car vous le savez aussi bien que moi, l'homme…". - soit par ce qu'il ne développe pas son idée : "Enfin tout de même, l'esprit…). Par ailleurs, il existe un décalage entre l'état de Jean et la réaction de Bérenger, qui ne semble pas prendre conscience de la gravité de la situation.

En effet aux barrissements de Jean qui traduisent la gravité de son état, Béranger reste dans le déni : "Je suis étonné de vous entendre dire cela".

La détérioration progressive du langage de Jean rend également son discours inintelligible pour Bérenger qui finit par lui annoncer clairement : "Je ne vous comprend pas.

Vous articulez mal." c) Face à la raison, la rhétorique totalitaire. Bérenger en appelle plusieurs fois à la raison de Jean ("Car, vous le savez aussi bien que moi, l'homme…").

Il se fait d'emblée plus conciliant, en témoigne ses interrogations puis ses inquiétudes face aux propose virulents de son interlocuteur ("Je suis étonné de vous entendre dire cela, mon cher Jean ! Perdez-vous la tête ?".

Bérenger souhaite clairement raisonner Jean en s'appuyant sur la logique et la persuasion ("Je veux dire l'être humain, l'humanisme").

Il se fait alors le défenseur de la morale, c'est-à-dire, ce qui permet de distinguer le bien et le mal, ce qu'il est juste ou non de faire pour le bien commun. Jean, quant à lui fait appel à une rhétorique totalitaire et autoritariste qui balaie les arguments de Bérenger en leur opposant des affirmations brutales et figées, il impose ses idées sous forme de slogans : "L'humanisme est périmé !". Il reprend des formules toute faites, par automatisme, sans réfléchir.

L'idée d'utiliser la raison et l'esprit est rejetée et traitée comme absurde : "Des clichés ! Vous me racontez des bêtises !". Conclusion partielle : Cet échange vif entre Bérenger et Jean est à la fois comique et tragique, puisqu'il accompagne la métamorphose de Jean.

Ce dernier perd la capacité d'interprétation, il renie ce qu'il défendait la veille, il comprend tout au pied de la lettre et ne discerne plus le sens second des mots (le jeu de mots sur la "loi de la jungle" est très drôle).

Pourtant, Bérenger semble refuser de voir ce qui apparaît comme une évidence au spectateur : le « rhinocérisme » s'est emparé de Jean, et ses tentatives désespérées pour raisonner Jean font sourire le spectateur. 2ème mouvement (l.21 à l.48) : La métamorphose complète, la farce devient grotesque et inquiétante. a) Une métamorphose fortement théâtralisée. La mise en scène de la métamorphose complète repose sur l'utilisation de la salle de bain et un jeu d'acteurs désormais en mouvement permanent.

En effet, Jean poursuit ses va-et-vient entre la chambre et la salle de bain, et désormais le lecteur observe la présence de nombreux verbes de mouvement et d'action : "se précipite", ""jette", "fonce"… Jean ne tient plus en place, il devient violent dans ses gestes. Bérenger se déplace également plusieurs fois et envisage même la fuite ("fait mine de fuir vers la porte de gauche"). A la fin de l'extrait, le spectateur n'a donc que les voix des acteurs ("de la salle de bain") et les déclarations descriptives de Bérenger ("vous êtes.... »

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