En attendant Bojanglès d’Olivier Bourdeaut : « La rencontre entre les parents du narrateur »
Publié le 11/06/2023
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«
Proposition de corrigé de la lecture linéaire n°5 :
« La rencontre entre les parents du narrateur »
Le roman En attendant Bojanglès d’Olivier Bourdeaut raconte la vie d’une famille
composée d’une mère excentrique dont on découvre progressivement la folie, d’un père
très amoureux de sa femme et d’un petit garçon subjugué par ses parents peu
conventionnels, dans une langue inventive, qui rappelle celle de Boris Vian.
Le récit alterne
deux points de vue, celui du fils et celui du père.
Notre texte est extrait du second chapitre et raconte à travers le regard du père, sa
rencontre avec celle qui deviendra sa femme.
Tout en reprenant de nombreux codes du
topos de la rencontre amoureuse, le narrateur les détourne grâce un registre humoristique.
Aussi, nous verrons en quoi ce texte parodie la scène de rencontre amoureuse en nous
intéressant d’abord aux éléments traditionnels de ce topos romanesque puis à leur parodie
humoristique à laquelle se livre le narrateur.
I) La reprise des codes romanesques de la rencontre amoureuse
a- Présentation du cadre, de l’ambiance
Dans les lignes qui précèdent l’extrait, nous avons appris que la scène se déroule lors d’une
réception dans un palace sur la Côte d’Azur ; on retrouve bien là une caractéristique des
cadres de prédilection des rencontres amoureuses, à savoir un lieu prestigieux comme dans
les contes de fées, dont on retrouve les principaux stéréotypes ; les premiers mots du texte
précisent le moment de la rencontre, le « déjeuner », précisé dans le 3ème § comme étant
un « cocktail » (l.17), et l’ambiance qui y règne, à savoir la décontraction, l’insouciance, le
plaisir, comme l’indiquent le champ lexical de ce dernier (« savouré » (l.2) « plaisir fou »
(l.3), « égayer » (l.16) « distraire » (l.15)) ainsi que l’énumération des sujets de
conversation des l.
1 à 2 « « miracles de la vie », « destinée de chacun », « poids de
l’héritage sur l’existence de tous »; la présence d’hyperboles comme « miracle » et
« existence de tous » traduit l’ironie du narrateur et montre en réalité la vanité des propos
tenus, centrés sur la réussite personnelle, vanité qu’explicite la comparaison humoristique
de la fin du 1er §, « des histoires aussi solides qu’un coup de vent », avec le paradoxe entre
l’adjectif « solides » et la métaphore du « coup de vent ».
C’est aussi l’occasion pour le lecteur de découvrir de façon indirecte certains traits du
caractère du narrateur, son imagination débordante et sa sociabilité avec le verbe
« monopoliser l’attention des gens » et son goût pour les boissons alcoolisées avec le
zeugma « avais savouré […] mon cognac aux amandes [et] « ce plaisir fou et égoïste de
monopoliser […] l’attention des gens… », qui contribue toujours au registre humoristique du
texte et dessine sa joie de vivre.
Enfin, le rythme régulier de la dernière partie de la phrase
avec sa rime interne en [an] (« « amandes », « instant », « gens », « vent »), ses
octosyllabes et hexasyllabes (« avec…amandes » 8 / « « ce plaisir fou et égoïste » 8 / « de
monopoliser » 6 / « l’espace d’un instant » 6 / « l’attention des…histoires » 10 / « aussi
solides… » vent » 8), confèrent à l’assemble une harmonie propice à la rencontre.
b- Le portrait des personnages
Deuxième élément incontournable de la rencontre amoureuse : le portrait des
protagonistes.
Le départ du narrateur est interrompu par l’entrée en scène d’un nouveau
personnage (cf.
PSC CCT introduite par « lorsque » et le verbe au PS rejeté en fin de
proposition « se mit à danser ».
L’introduction de ce temps met au second plan les actions
du narrateur relatées à l’imparfait « j’allais », « ne se télescopassent ») et laissent la place
au portrait très visuel qu’il dresse de la jeune femme qui accapare son attention : il
commence par détailler sa tenue, dans un mouvement descendant (tête puis corps) : le
choix des détails suggère à la fois une certaine innocence et une forme d’excentricité: la
répétition de l’adjectif « blanc » pour désigner sa « robe » et son « châle » et le recours à
« légère » qui caractérise non seulement sa robe mais aussi son attitude, comme nous
allons le voir ; la description des accessoires qu’elle porte, avec la métonymie « tête
emplumée », reprise l.
13 par « plumes de sa coiffe » pour désigner son chapeau, ce qui
d’entrée la métamorphose en oiseau, « la fine et longue cigarette non allumée » et « le
châle de lin blanc » que la danse « transform[e] en partenaire de danse vivant » souligne
son originalité par rapport à la société à laquelle était confronté jusque-là le narrateur.
En
effet, la posture suggérée par chacun de ses bras en fait une sorte de pantin désarticulé.
Mais la plus grande partie du portrait est consacré à la danse à laquelle se livre la jeune
femme : tout le passage s’inscrit dans le champ lexical du mouvement : « « danser »,
« frénésie de mouvements », « ondulation », « mouvements cadencés », « remuant »,
« virevoltait », « rythmes » ; ces termes contribuent à la métamorphose animalière de la
jeune femme par le narrateur, mais de façon valorisante : sa coiffure l’apparente à un
oiseau dont elle épouse les mouvements légers ; « l’ondulation de son corps » évoque le
serpent qui hypnotise; puis à l.
14, la double comparaison avec le « cygne » d’un côté
auquel est rapprochée sa « grâce » et le « rapace » de l’autre auquel la rapidité de ses
mouvements l’assimile, met l’accent sur une double personnalité, à la fois fascinante par
l’énergie et l’originalité qu’elle dégage et inquiétante par l’imprévisibilité et l’étrangeté de
son comportement.
Comme la jeune femme ne semble pas remarquer le narrateur dans un premier temps,
seul le portrait de celle-ci nous est donné à voir, par l’intermédiaire du point de vue
interne.
c- Le coup de foudre
Autre emprunt aux codes traditionnels de la rencontre amoureuse est le coup de foudre.
Aussi, les effets de cette rencontre sur le narrateur sont explicites : les expressions « j’étais
resté fasciné », « bouche bée » et « pétrifié » expriment la sidération qu’exerce la jeune
femme sur lui, puisque, contrairement à elle, il se caractérise par le champ lexical de
l’immobilité.
On peut noter, en outre, la valeur hyperbolique de ces termes, qui renvoie
aussi à la tradition littéraire.
Il nous fait part à nouveau de l’impact de cette rencontre au 3e
§, l.
23-24 « je ne sais exactement combien de temps j’étais resté là… » : on retrouve
l’effet de stupeur du 2e §, que traduit la perte de la notion de temps, exprimée par le PQP
« étais resté », l’interrogative indirecte introduite par « combien de temps » et la
machinalité de ses gestes signifiée par le participe présent « tirant sur ma pipe et
m’emparant de chaque verre… », suggérant la perte du contrôle de soi.
Cet effet signifie
immédiatement au lecteur averti le coup de foudre, et rappelle les termes utilisés par Mme
de Lafayette dans son roman LPDC, lors de la scène de rencontre entre le personnage
éponyme et le duc de Nemours « qu’il était difficile de n'être pas surprise de le voir quand
on ne l'avait jamais vu », « il était difficile aussi de voir Mme de Clèves pour la première
fois sans avoir un grand étonnement.
»
Ainsi ce texte présente incontestablement des éléments propres à la scène de
rencontre amoureuse mais la manière dont il les traite montre qu’il s’amuse à les parodier.
II) Une parodie amusée du topos romanesque de la rencontre amoureuse
a) La peinture des invités
Dans le premier §, le narrateur ne fait allusion aux invités de la réception que de façon
indirecte et très vague avec le pronom indéfini pluriel « tous » (l.2) ou l’hypéronyme « des
gens » (l.4).
Ce n’est que dans les 2 paragraphes suivants que l’on découvre le regard
ironique....
»
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