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la république de platon

Publié le 04/01/2025

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« La République, livres IV-VII Platon Les Belles Lettres, Paris, 1933 Exporté de Wikisource le 14 octobre 2024 1 LIVRE IV I Ici Adimante, prenant la parole à son tour : « Que répondras-tu, Socrate, dit-il, Objection : si l’on t’objecte que tu ne rends pas tes ces gardiens guerriers fort heureux, et cela par leur ne seront pas faute, puisqu’ils sont en réalité les heureux.

Réponse. maîtres de l’État et qu’ils ne jouissent d’aucun avantage de la société, comme les gouverneurs des autres États qui ont des terres, se bâtissent de belles et spacieuses maisons qu’ils meublent à l’avenant, offrent aux dieux des sacrifices en leur nom, exercent l’hospitalité et possèdent ces biens dont tu parlais tout à l’heure, l’or et l’argent, et en général tous les biens en usage chez les favoris de la fortune [1].

Vraiment, dira-t-on, ils sont dans la cité comme des auxiliaires salariés, n’ayant rien à faire que de monter la garde. Oui, dis-je, et de plus ils ne gagnent que leur nourriture, sans y ajouter aucune solde, comme les autres mercenaires, en sorte qu’ils ne pourront même pas faire un voyage à l’étranger pour leur agrément personnel, ni payer des courtisanes, ni dépenser à leur fantaisie pour d’autres plaisirs, comme le font les gens qui passent pour des heureux. Voilà, sans compter bien d’autres, des points que tu as laissés de côté dans ton accusation. Eh bien ! ajoute-les-y. Et maintenant tu veux savoir ce que j’ai à répliquer ? Oui. Nous n’avons, dis-je, qu’à suivre notre route, et nous trouverons ce qu’il faut répondre.

Nous dirons en effet qu’il n’y aurait rien d’étonnant 2 à ce que cette condition même de nos guerriers fût très heureuse, mais qu’au reste notre but, en fondant un État, n’est pas de rendre une classe unique de citoyens particulièrement heureuse, mais d’assurer le plus grand bonheur possible à l’État tout entier, parce que nous avons cru que c’est dans un État de ce genre que la justice se découvrirait le mieux, de même que l’injustice dans l’État le plus vicieux, et que cette découverte nous mettrait à même de trancher la question qui nous occupe depuis longtemps.

Or à présent, c’est l’État heureux, du moins nous le croyons, que nous voulons former, sans faire acception de personne ; car nous voulons le bonheur, non de quelques-uns, mais de tous ; aussitôt après nous examinerons l’État contraire.

Si nous étions occupés à peindre une statue et que quelqu’un s’approchât et nous blâmât de ne pas appliquer les plus belles couleurs aux plus belles parties du corps, et cela parce que nous aurions peint les yeux, qui en sont le plus bel ornement, non en vermillon, mais en noir, nous serions, je crois, dans le vrai en lui répondant : « Ô surprenant critique, ne t’imagine pas que nous devions peindre des yeux si beaux qu’ils ne soient plus des yeux, non plus d’ailleurs que toute autre partie ; considère plutôt si, donnant à chaque partie la couleur qui lui convient, nous rendons l’ensemble parfait.

C’est la même chose ici ; ne nous fais donc pas attacher à la condition des gardiens une félicité qui fera d’eux tout autre chose que des gardiens.

Nous pourrions tout aussi bien revêtir les laboureurs de robes traînantes, les couvrir d’or et leur permettre de ne travailler la terre que pour leur plaisir ; coucher aussi nos potiers sur des lits, les faire boire à la ronde et banqueter devant leur feu, leur roue à côté d’eux, avec la liberté de travailler quand il leur plairait.

Nous pourrions donner à tous les autres un bonheur du même genre, afin que la cité tout entière soit heureuse.

Mais garde-toi de nous y engager ; car, si nous t’écoutions, le laboureur ne serait plus laboureur, ni le potier, potier, et personne ne restant dans sa condition, il n’y aurait plus d’État.

Au reste ce désordre aurait des conséquences moins graves chez les artisans que chez les guerriers ; car que des cordonniers deviennent mauvais, qu’ils se gâtent et se donnent pour cordonniers, alors qu’ils ne le sont pas, il n’y a là rien de grave pour 3 l’État ; mais que les gardiens des lois et de l’État ne le soient que de nom, tu vois bien qu’ils entraînent l’État tout entier à une ruine irrémédiable, et que d’autre part c’est d’eux seuls que dépendent et sa bonne organisation et son bonheur.

» Nous formons, nous, des gardiens véritables, absolument incapables de faire du mal à l’État ; si au contraire notre contradicteur fait d’eux des sortes de laboureurs et d’heureux convives en fête, au lieu de citoyens en fonction, c’est qu’il a en vue autre chose qu’un État.

Ainsi voyons si, en instituant les gardiens, nous voulons leur donner la plus grande part possible de bonheur, ou s’il faut, ayant égard à la cité tout entière, viser au bonheur général et engager soit par la force, soit par la persuasion, nos auxiliaires et nos gardiens, ainsi que tous les autres citoyens, à remplir le mieux possible les fonctions qui leur sont propres, et quand l’État tout entier fleurira sous une sage administration, laisser chaque classe prendre la part de bonheur que la nature lui assigne. II Voilà, dit-il, ce que j’appelle bien parler. Et maintenant, repris-je, voici une autre remarque apparentée à la précédente. Il faut empêcher Voyons si tu la trouveras juste. le développement de la richesse et de la pauvreté. De quoi s’agit-il ? D’examiner si les deux choses que voici ne gâtent pas les artisans au point de les rendre mauvais. Quelles sont-elles ? La richesse, répondis-je, et la pauvreté [2]. Comment ? Voici : si un potier devient riche, crois-tu qu’il voudra encore s’appliquer à son métier ? Non, dit-il. 4 Ne deviendra-t-il pas de jour en jour plus paresseux et plus négligent [3] ? Beaucoup plus. Et par conséquent plus mauvais potier ? Oui aussi, beaucoup plus, dit-il. D’autre part si la pauvreté lui ôte le moyen de se procurer des outils ou tout autre objet nécessaire à son métier, il fabriquera des articles de moindre qualité, et, s’il montre à travailler à ses fils ou à d’autres, il n’en fera que des ouvriers inférieurs. Il n’en peut être autrement. Ainsi la pauvreté et la richesse rabaissent également la valeur des ouvrages et celle des artisans eux-mêmes. Il y a apparence. Nous avons trouvé, semble-t-il, une nouvelle tâche pour nos gardiens, c’est d’empêcher par tous les moyens que ces deux maux ne se glissent à leur insu dans la cité. Quels maux ? La richesse, répondis-je, et la pauvreté ; car l’une engendre la mollesse, l’oisiveté et le goût des nouveautés, et l’autre, avec ce même goût des nouveautés, la bassesse et l’envie de mal faire. C’est très juste, dit-il.

Cependant il y a un point qui mérite réflexion, Socrate : La guerre. comment notre État, s’il n’a pas amassé d’argent, pourra-t-il faire la guerre, surtout s’il est forcé de la soutenir contre un État puissant et riche ? Il est vrai, répondis-je, qu’il aura de la peine à tenir tête à un seul État ; mais à deux États comme ceux dont tu parles, il en aura moins. Que dis-tu là ? s’écria-t-il. 5 Tout d’abord, dis-je, s’il faut en venir aux mains, n’est-ce pas des hommes riches que nos gens, athlètes voués à la guerre, auront à combattre ? J’en conviens, dit-il. Mais quoi ! Adimante, repris-je ; un seul boxeur parfaitement entraîné à la lutte n’est-il pas pour toi de taille à tenir tête à deux adversaires ignorants de la boxe, et de plus riches et chargés de graisse ? Non sans doute, répondit-il, du moins à tous les deux à la fois. Pas même, repris-je, s’il pouvait se dérober par la fuite pour se retourner ensuite et frapper chaque fois celui qui le suivrait de plus près, et s’il renouvelait cette manœuvre plusieurs fois sous la chaleur suffocante du soleil ? Un tel homme ne pourrait-il pas dompter même plus de deux adversaires comme ceux-là ? Assurément, dit-il, ce ne serait pas merveille. Et crois-tu que les riches ne soient pas plus habiles et plus exercés à la lutte qu’à la guerre ? Je n’en doute pas, dit-il. Il est donc vraisemblable que nos athlètes tiendront facilement tête à des adversaires deux ou trois fois plus nombreux qu’eux. Je te l’accorde, dit-il ; car il me semble que tu as raison. Et si, envoyant une ambassade dans un des deux États, ils disaient, ce qui d’ailleurs serait la vérité : « Nous ne faisons aucun usage de l’or ni de l’argent : cela nous est défendu ; à vous, non ; mettez-vous donc de notre côté, et les biens de l’adversaire sont à vous, » crois-tu que ceux qui s’entendraient faire de telles offres choisiraient de faire la guerre à des chiens durs et maigres plutôt que de se joindre aux chiens contre des moutons gras et tendres ? Je ne le crois pas ;.... »

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