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Valorisation et dévalorisation travail aux diverses époques ?

Publié le 27/02/2008

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travail
Les laudateurs naïfs de toute invention quelle qu'elle soit devraient bien se rendre compte du rôle, en l'occurrence négatif, joué dans cette évolution par l'invention des systèmes d'écriture et de calcul : apparition d'une caste privilégiée de lettrés (scribes), possibilité de quantifier avec précision le travail, la terre, les hommes, de constituer des registres d'impôts et des listes de soldats, d'assurer par-delà les rois et les dynasties qui changent le règne permanent de l'administration. Dans ces conditions, en même temps qu'il devient plus dur et prend les formes que nous lui connaissons, le travail ne pouvait pas ne pas apparaître comme une malédiction. Dans la Bible d'abord, il est présenté comme la conséquence du péché d'Adam, et tout le monde connaît l'anathème célèbre : « A la sueur de ton visage tu mangeras du pain jusqu'à ce que tu retournes au sol, car c'est de lui que tu as été pris » (Genèse, 3, 19). Mais l'antiquité gréco-latine ne le traite pas mieux : le mot travail vient de « tripalium » qui désigne un instrument de torture utilisé pour les esclaves : étymologie significative. De fait, le travail est en quelque sorte mis hors la loi dans la Cité : les esclaves, qui n'ont aucun droit, en accomplissent la part la plus lourde et la plus rebutante; il en rejaillit un discrédit durable sur toute profession «mécanique », exigeât-elle du talent comme la sculpture ou la poterie. L'agriculture seule fait exception, mais encore d'une façon relative, l'«otium» (loisir) consacré à la méditation étant toujours l'objet d'un préjugé favorable face à n'importe quelle forme de «negotium» (activité), mot dont nous avons fait « négoce ».   Il vaut la peine de s'arrêter un instant sur ce phénomène capital, qui continue encore de nous concerner, et constitue un étrange et douloureux paradoxe : le mépris dans lequel tiennent le travail ? et particulièrement ses formes les plus pénibles ? des sociétés qui, à cause de leurs besoins indéfiniment multipliés, en font cependant une énorme consommation. Qu'il en fût ainsi en Grèce et à Rome, l'abjection de la condition servile l'explique probablement en grande partie, comme l'affirme P.M. Schuhl.

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