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Un monde sans politique est-il possible ?

Publié le 13/10/2009

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Il semble évident que la scène politique à laquelle nous sommes confrontés tous les jours – avec ses partis, ses élections, ses lois, ses hommes d’Etats, etc. – n’existe pas dans d’autres pays comme la Birmanie, tenue par une junte militaire dictatoriale, ou la Somalie, en proie à une guerre civile qui empêche tout Etat de droit de se constituer. Il n’y aurait donc rien de contradictoire à penser un monde dont la politique serait absente puisqu’elle l’est dans de nombreuses régions du globe. Mais en réalité, même dans ces pays où il n’y a pas de « scène politique, « il y a des êtres humains qui vivent ensemble et des autorités qui tentent de réguler cette communauté. Or c’est cela que l’on peut appeler une activité politique au sens large. Ainsi, il semble qu’il ne puisse y avoir de monde desquels la politique serait absente, car alors ce serait un monde où les hommes ne vivraient pas en commun, ce qui n’a jamais été observé jusque là.

  Néanmoins, le terme de « politique « désigne plus qu’une simple régulation de la vie en commun des hommes. L’économie aussi par exemple met les hommes en relation à travers les échanges de marchandises et ses lois et ses cycles dirigent cette vie en communauté. La politique, elle, renvoie à un gouvernement de la communauté décidé, voulu et pensé. Or si par monde on entend l’ensemble des rapports humains, il n’est certes pas contradictoire de penser un monde qui se passerait de cette activité de gouvernement délibéré, mais où de simples rapports de force militaire, démographiques ou économique réguleraient l’ensemble des rapports entre individus humains. Il semble même que la présence d’une activité politique serait un phénomène épisodique et rare dans l’Histoire, et que la plupart du temps ce soient des rapports non délibérés qui gouvernent les hommes.

  Ainsi, la politique apparaît à la fois comme une activité qui accompagne tout regroupement humain d’une part, et comme une forme très rare de gouvernement de ces regroupements de l’autre. Ce paradoxe ne peut être résolu qu’en affrontant le problème de définir rigoureusement ce qu’est l’activité politique et comment elle se distingue des autres puissances qui modèlent les sociétés humaines.

 

« métabolique en transformant la nature en objet consommable pour satisfaire à mes besoins.

Ce n'est une activité quine comprend les autres hommes que par accident, mais qui se déroule d'abord entre moi et la nature.

Je n'entre enrelation avec les autres individus humains que via les produits de mon activité sur la nature.

De même, lorsque j'ai une activité artistique, je produis une œuvre qui ne sera certes pas consommée, mais qui produit un monde artificiel– et non plus naturel – n'englobant les autres hommes qu'en titre de spectateurs, et non directement.B./ On en arrive à cette conclusion que c'est « l'action, la seule activité qui mette en rapport les hommes, sansl'intermédiaire des objets ni de la matière.

» Or qu'est-ce que l'action ? C'est l'activité politique qui ne se termine pasdans une œuvre, qui ne produit rien de matériel.

Que produit-elle alors ? Un tissu de relations entre hommes qui estproprement un monde humain.

Entrer dans un débat politique sur le mariage homosexuel par exemple, y convaincred'autres individus, faire voter et proclamer une loi, cela ne produit aucune marchandise, aucun objet, mais agitdirectement sur les rapports entre les individus, sur la manière de concevoir la sexualité et la famille, bref sur desrapports inter homines .

Et c'est la somme de ces rapports qui fait un monde. C./ Mais comme le dit Arendt au chapitre V de son ouvrage : « la pluralité humaine, condition fondamentale del'action et de la parole, a le double caractère de l'égalité et de la distinction.

» Si l'on agit réellement, qu'on ne faitpas que produire un effet comme un arbre produit une pomme ou une pierre un éboulement, il faut être un sujethumain qui soit à la fois l'égal des autres sujets humains (« Si les hommes n'étaient pas égaux ils ne pourraient secomprendre les uns les autres, ni comprendre ceux qui les ont précédés ni préparer l'avenir ») mais néanmoinsdifférent d'eux et reconnu comme tel, car une action est toujours singulière et n'est que l'effet d'une causeimpersonnelle si elle peut être réduite à l'identique d'une autre action.

Cette condition de pluralité humaine est trèsrestrictive : elle impose notamment, comme Arendt le développe par la suite, que l'on puisse se révéler par la paroledans le débat publique, que l'on puisse avoir suffisamment de droit pour pouvoir oublier, lorsqu'on parle, notreposition socioéconomique, etc.

La politique à strictement parler est donc bien un phénomène rare, et ce n'est paspour rien que tous les exemples qu'Arendt donne sont tirés de l'histoire antique où la petite taille des Citéspermettait à tous de s'exprimer lors des délibérations.

Mais il reste néanmoins que seule cette activité, aussi raresoit-elle, est à même de produire un vrai monde au sens d'ensemble de relations humaines.

Si elle est absente, nousnous mouvons dans des mondes d'objets, qui nous mettent certes en relation mais indirectement, et donc sanscontrôle sur ces relations.

Un monde sans politique n'est donc pas possible.

Mais on peut douter qu'il y ait des relations qui soient purement politiques d'une part, et d'autres purementéconomiques ou esthétiques.

Toute relation humaine comporte ces différents éléments.

Mais alors, est-ce qu'il n'y apas de la politique dans toute forme de monde ? III./ L'ensemble des relations entre hommes est politique.

A./ Prenons un exemple concret de monde : le monde scolaire ou le monde hospitalier.

Apparemment, ces universrégis par leurs propres règles – leurs « règlements intérieurs » – ne sont pas des mondes politiques, où il y aurait laplace pour des relations et des actions politiques.

Lorsqu'un maître punit son élève, ou lorsqu'un médecin examine unpatient, on a bien affaire à des ordres et des commandements, mais non à des délibérations entre individus égaux etdistincts.

Pourtant, à travers ces relations s'exercent ce que M.

Foucault a nommé, dans son premier cours aucollège de France de 1976 « Il faut défendre la société » , des « micropouvoirs, » c'est-à-dire des formes de gouvernements qui ne s'appliquent pas à une large collectivité à travers de nombreux relais comme c'est le cas dupouvoir souverain, mais d'un individu à un autre sans intermédiaire.B./ Mais si l'on peut dire que de nombreuses relations (parents-enfants, médecin-patient, ouvrier-chef d'atelier,etc.) sont des relations de pouvoir à très petite échelle, peut-on dire pour autant que ces micropouvoirs sont uneforme de relation politique ? Oui, et pour deux raisons.

D'une part parce que « toute relation de pouvoir appelle etentraîne immédiatement une résistance.

» Il ne faut pas croire que les relations entre individus ne sont remises encauses et délibérées qu'au sein d'un cadre politique institutionnel.

Le plus souvent les luttes politiques ont lieu endehors de ce cadre, et passe ni par des mots ni par des théories politiques complexes.

Ainsi par exemple, une desformes les plus systématique de résistance au pouvoir des patrons d'usine au XIXe siècle était la tradition de la« Saint-Lundi » : les ouvriers déclaraient unilatéralement le lundi comme jour férié et le chômait.

On a bien à faire àune forme de lutte dont les tenants et les aboutissants sont politiques, même si elle n'est pas légitimée par unedoctrine politique.

D'autre part, ces micro-relations de pouvoir sont politiques parce que comme le dit Foucault dansla suite de sa leçon elles ont servies de « micromécaniques du pouvoir souverain.

» Autrement dit, il ne faut pass'imaginer que les fous ou les prisonniers ont été enfermés parce que cela satisfaisait le pouvoir souverain pourenfermer et contrôler les ouvriers.

Une telle explication pourrait tout à fait s'appliquer au cas inverse.

Il faut plutôtvoir comment le pouvoir souverain a su tirer des exemples de l'enfermement et de ses techniques de micropouvoirspour les appliquer plus largement par la suite.C./ Ainsi, il ne faut pas cantonner la politique à l'expression d'un pouvoir spécifique, celui du souverain qui s'affirmesur toute la communauté dont il a la charge.

La politique est bien plutôt l'assemblage plus ou moins complexe demilliers de relations de pouvoirs plus ou moins larges, qui chacun sont virtuellement l'objet d'une lutte, d'un conflit,etc.

Si l'on tire les conséquences de cette définition, cela nous amène à élargir très fortement les limites de ce quiest du ressort de la politique.

Ce ne sont pas uniquement les dispositions légales qui font l'objet d'une discussionpolitique : toute forme de rapport humain peut être politisée, c'est-à-dire faire l'objet d'une lutte, d'une mise endélibération.

On doit alors affirmer qu'il ne saurait exister un monde sans politique, à moins d'imaginer un monde sansrelations humaines comme l'état de nature rousseauiste.

L'activité politique semble si fondamentale pour l'être humain qu'il est difficile d'imaginer un monde sans politique.Mais si l'on définit plus rigoureusement cette activité comme le contrôle et la délibération des lois par ceux qui lessubissent, alors la politique apparaît comme un phénomène aussi rare que précieux, produisant un monde qui lui est. »

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