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Tout est-il interprétable ?

Publié le 27/02/2008

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    Problématisation :   Le problème qui se pose d'abord est celui du statut des objets de l'interprétation : peuvent-ils être n'importe quel objet. N'y a-t-il pas au contraire des objets qui se donnent sans plus, sans que soit nécessaire une interprétation, comme les objets de notre perception sensible ? Formulé autrement, notre problème revient à demander : I ? Y a-t-il des objets qui livrent toujours déjà leur signification ? Inversement : II ? Y a-t-il des objets qui résistent à toute interprétation ?     Proposition de plan :   I ? Y a-t-il des objets qui livrent toujours déjà leur signification ?   Husserl donne comme mot d'ordre à la discipline philosophique, ou science s'il est permis de l'appeler ainsi, qu'il invente et nomme phénoménologie : « aux choses mêmes ! ». C'est l'injonction d'un retour aux choses mêmes qui commande son entreprise phénoménologique, amorcée dans les Recherches logiques. Il y a donc possibilité en droit d'accéder aux choses mêmes, mais cet accès est-il toujours interprétatif ou bien un accès direct, intuitif (au sens courant du terme), est-il possible ? Husserl montre que la perception, l'imagination, etc., sont autant de processus qui accèdent aux choses même.

« Il semble alors possible pour tout objet de devenir l'objet d'une interprétation, les interprétations (entendues commerésultats) auxquelles on parvient dépendant toutefois du contexte, c'est-à-dire du tout, au sein duquel oninterprète l'objet.

III – Examen de la radicalisation nietzschéenne.

Nietzsche écrit : « il n'y a pas de faits, il n'y a que des interprétations ».

Ilradicalise par conséquent la thèse que nous venons de défendre selonlaquelle tout peut devenir objet d'interprétation.

Pour Nietzsche en effet, toutest déjà toujours objet d'une interprétation.

Plus encore, tout objetd'interprétation est déjà lui-même une interprétation.

Savoir jusqu'où va le caractère perspectiviste de l'existence, ou mêmesavoir si l'existence possède encore un autre caractère, si uneexistence sans interprétation, sans « raison » ne devient pas de la «déraison », Si, d'autre part, toute existence n'est pas essentiellementinterprétative – c'est ce qui, comme de juste, ne peut pas être décidépar les analyses et les examens de l'intellect les plus assidus et lesplus minutieusement scientifiques : l'esprit humain, durant cetteanalyse, ne pouvait faire autrement que de se voir sous ces formesperspectives et uniquement ainsi.

Il nous est impossible de voir au-delà de l'angle de notre regard : il y a une curiosité sans espoir àvouloir connaître quelles autres espèces d'intellects et de perspectivesil pourrait y avoir, par exemple, s'il y a des êtres qui peuvent concevoirle temps en arrière, ou tour à tour en avant et en arrière (par quoi onobtiendrait une autre direction et une autre conception de la cause et de l'effet).

J'espère, cependant, que nous sommes au moins, de nos jours, assez éloignés de ceridicule manque de modestie de vouloir décréter de notre angle que ce n'est que de cet angle que l'ona le droit d'avoir des perspectives.

Le monde, au contraire, est redevenu pour nous « infini » : en tantque nous ne pouvons pas réfuter la possibilité qu'il contienne des interprétations à l'infini.

Encore unefois le grand frisson nous prend : – mais qui donc aurait envie de diviniser de nouveau,immédiatement, à l'ancienne manière, ce monstre de monde inconnu ? Adorer cet inconnu désormaiscomme le « dieu inconnu » ? Hélas, il y a trop de possibilités non divines d'interprétation qui fontpartie de cet inconnu, trop de diableries, de bêtises, de folies d'interprétation, – sans compter lanôtre, cette interprétation humaine, trop humaine que nous connaissons... • Ce texte de Nietzsche pose la thèse du perspectivisme qui révolutionne notre manière d'envisager le monde.

De quoi s'agit-il plus précisément ? La vision classique - celle de Platon par exemple - envisageait laVérité comme unique et universelle.

A cette unité-unicité du vrai, Nietzsche substitue un nouveau référentiel : il existe sur le monde, une infinité de perspectives, d'interprétations du monde, toutes légitimes etacceptables.

Si le réel dans sa complexité et sa bigarrure est infini, il peut et il doit être infiniment interprété.• On ne saurait échapper au perspectivisme : le réel ne se donne jamais qu'à partir d'une perspective, celle de celui qui l'appréhende et l'interprète.

Le réel dépend donc de la perspective adoptée par son herméneute.

Leréel n'est vu dans et par le point de vue de son interprète.

Dès lors, il ne saurait donc exister de réelindépendant d'une perspective, d'une interprétation, il n'y a pas de réel en soi, un et univoque.

On trouve iciune critique du platonisme qui croit ramener la multiplicité du sensible à l'unité de l'Idée.• Ainsi, tout est interprétation.

Le monde est un texte à déchiffrer et les clefs de lecture en sont multiples.Nietzsche écrira : « L'essence, l'être, sont une réalité perspectiviste et supposent une pluralité.

Au fond, c'est toujours la question : qu'est-ce que c'est pour moi ? [...] Bref, l'essence d'une chose n'est somme toutequ'une opinion sur cette chose.

Ou plutôt la formule cela passe pour est le résidu vrai de la formule : cela est ;c'est le seul cela est.

» (Volonté de puissance, I, § 204).

Dans un monde multiple, il y a plusieurs points de vuepossibles.

La perspective est l'art de faire varier les points de vue, afin d'enrichir le regard porté sur le monde. Le perspectivisme est l'attitude qui consiste à varier les points de vue sur une chose ou sur un événement de façon à varier le sens de ceux-ci et donc l'interprétation qu'on peut en faire et élever ainsi peu à peu la vie àla hauteur d'un événement.

En ce sens, le perspectivisme n'est pas autre chose que l'art appliqué à la culture. Tout comme un artiste interprète une oeuvre, la culture devrait interpréter la vie en faisant entendre, à proposde celle-ci, des mélodies de plus en plus élevées.

Ce n'est pas le cas.

La culture est devenue une foired'empoigne politico-économique.

Moyen de sélection sociale pour les uns, moyen de promotion sociale pour lesautres, image de marque pour les troisièmes ou bien encore placement financier juteux, elle ne se préoccupepas d'interpréter la vie, mais de l'utiliser.

D'où la nécessité de revenir à un véritable sens de la culture.

Celui-cise trouve dans la grande vie de l'esprit de ceux qui, impassibles, affirmatifs et détachés, marchent loin dessentiers battus, loin de l'ombre projetée par les passions vengeresses, face au soleil de la vie. Autrement, et contre Husserl, rien ne livre jamais de soi-même son sens, contrairement à la thèse que nous avons. »

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