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Tout désir n'est-il pas désir de soi ?

Publié le 27/02/2008

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Le désir peut être défini comme une force intérieure qui nous pousse à acquérir un objet qui nous manque. Il  existe donc une ambiguïté essentielle au désir. En même temps il a pour objet un être autre que nous même, mais son but est la possession de cet objet et donc la satisfaction de notre propre personne. Le désir est donc à la fois ouverture sur l'autre et retour sur soi. C'est pourquoi nous pouvons nous demandé si, finalement, tout désir n'est pas désir de soi. En effet, nous désirons toujours ce qui nous manque, c'est-à-dire ce que nous ne possédons pas encore et qui est donc autre que nous-même. Le désir semble alors d'abord nous pousser à sortir de nous même, à la recherche de l'autre que nous désirons. Cependant, ce premier mouvement n'est peut-être que superficiel et ne permet pas de définir le désir en son essence: puisque le but du désir est la possession de cet objet, il est finalement moins ouverture à l'autre que retour sur soi par la possession et l‘assimilation de l‘autre. Tout désir ne serait alors que désir de soi au sens où, par le désir, nous cherchons à utiliser l'autre pour nous enrichir et nous conserver nous-même. Doit-on concevoir le désir comme ce par quoi nous sortons de nous-même pour nous ouvrir à l'autre (objet de ce désir), ou bien comme un mouvement égoïste de retour sur nous même, n'ayant pour but que notre propre conservation et satisfaction.

« - Dans son Éthique (partie III, scolie de la proposition IX) Spinoza définit le désir comme un « appétit » qui n'est « rien d'autre que l'essence même del'homme, de la nature de laquelle suit nécessairement sa conservation ».

Ledésir n'est donc pas éveillé par le manque d'un objet, mais il est une forcepremière et fondamentale, dont le but est la conservation du sujet.

Levéritable objet du désir est donc toujours le « soi »: sa conservation et sonépanouissement.

Cela n'est pas contradictoire avec le fait que le désir aitl'autre pour objet immédiat.

En saisissant le désir dans une perspective pluslarge, Spinoza comprend justement le véritable sens de cet ouverture du soivers l'autre.

Je désire l'autre, mais afin de m'entretenir moi-même.

L'ouvertureà l'autre n'est donc qu'un détour qu'utilise le soi pour mieux se récupérer.- Dans la Phénoménologie de l'esprit (livre I, chapitre 4), Hegel nous livre uneconception du désir qui permet bien de comprendre cette situation.

Laconscience s'éprouve d'abord comme vanité face à la plénitude du mondeextérieure.

La seule manière dont elle dispose pour s'affirmer et confirmer sonexistence est d'abord de s'opposer à ce monde.

Elle va donc chercher às'éprouver en altérant et détruisant les objets extérieurs.

C'est cemouvement d'opposition qu'Hegel appelle le « désir »: dans le désir, nousdétruisons un objet afin de nous affirmer nous-même à ses dépends.

Le désirest donc proprement « consommation »: nous consommons lorsque nous utilisons et détruisons une chose afin de nous entretenir nous-même.

Dans le désir, la conscience « consomme la vieuniverselle » afin de s'affirmer elle-même.

Tout désir est donc bien désir de soi, puisque dans le désir c'est en faitl'affirmation de notre propre conscience que nous désirons.

L'objet extérieur n'est que le prétexte à cette affirmationet ne permet pas de définir le véritable sens du désir.- Tout désir participe donc en réalité d'un mouvement qui vise l'entretien et la satisfaction du « soi ».

Cemouvement est proprement ce que nous appelons « l'égoïsme ».

Le moi est foncièrement égoïste, et le désir est laforce qui permet à cet égoïsme d'agir effectivement.

En ce sens, loin de nous ouvrir à l'autre, le désir nous ensépare bien plutôt.

Il est un mouvement de retour de soi sur soi et n'a rapport à l'autre que pour l'utiliser en vue desa propre jouissance.

Or, quand nous jouissons de l'autre, nous réduisons son altérité pour l'assimiler à soi .

Commel'affirme Levinas dans Totalité et infini (section II, partie 1): « La suffisance du jouir scande l'égoïsme ou l'ipséité de l'Ego et du Même.

La jouissance est un retrait en soi, une involution ».

Le désir, loin de mettre en question notresuffisance et de nous porter vers l'autre, est au contraire le mouvement de notre égoïsme qui cherche à ramenerl'autre à soi.

C'est pourquoi nous pouvons bien affirmer que tout désir est désir pour soi, et ce parce qu'il estfondamentalement désir de soi.

Transition: Même si l'objet immédiat du désir est bien l'autre, le sens du désir est à chercher dans un mouvement plusfondamental qui englobe cette ouverture à l'autre dans un retour vers soi.

Tout désir semble donc bien être désir desoi, de sa propre conservation et de son propre épanouissement, au profit duquel nous utilisons et sacrifions l'autre.Cependant, doit-on en conclure que le dépassement de notre égoïsme, nécessaire à la moralité, implique que nousrenoncions au désir? Comment serait-il possible, quel force nous pousserait à l'accomplir, si il n'existait pas en nousun désir de ce dépassement? III) Tout désir n'est pas désir de soi.

La moralité est possible parc qu'il existe en l'homme un désirexceptionnel qui s'excepte de cette définition: le désir d'Absolument autre.

- Le désir comme désir de soi peut recevoir un autre nom « conatus ».

Le conatus est une volonté de persévérerdans son être, d'entretenir le soi et de le satisfaire.

Il n'est pas propre à l'homme mais bien plutôt à la vie: tous lesêtres vivants possèdent un tel élan.

Peut être alors la spécifié de l'homme réside-t-elle dans sa capacité à éprouverun autre type de désir.- C'est ce qu'affirme Levinas dans Totalité et infini (section I, partie A).

Le propre de l'homme est d'éprouver undésir spécifique, qui ne peut pas être réduit au désir de soi: « Le désir métaphysique tend vers l'absolument autre ».

Un désir met donc à mal notre égoïsme foncier: le désir métaphysique.

Il se définit, selon les termes de Levinas, par le désir d'un objet « absolument autre ».

Il faut entendre cette « absolument » comme signe d'unealtérité qui se dérobe toujours à la consommation et ne pourra pas être réduite à soi.

La spécificité de l'homme estdonc de pouvoir dépasser la clôture du soi sur lui-même, justement grâce à ce désir qui vient la fêlée: « Le désirmétaphysique n'aspire pas au retour ».

Il ne s'agit donc plus de ramener l'autre à soi, mais au contraire de subir unvéritable décentrement de sa propre subjectivité.- L'objet de ce désir est l'autre homme.

En effet, comme l'explique Levinas dans Totalité et infini (section III, partie II), autrui n'est pas n'importe quel autre.

Il n'est pas un autre objet, et contrairement aux autres objets il possèdeune altérité absolue par rapport à moi.

Je peux consommer ou posséder des objets, mais je ne peux jamais assimilerl'autre.

Le symbole de cette résistance infinie d'autrui est son visage: « Le visage se refuse à la possession, à mespouvoirs.

» Ainsi le désir qui vise autrui en tant que personne n'est pas un désir qui aurait pour but un retour sur soidans la consommation de l'autre.

Au contraire il est ouverture et décentrement de ma propre subjectivité, au pointqu'il ouvre même la possibilité du sacrifice de soi pour l'autre.

Ce mouvement est donc l'exact opposé de celui duconatus, sacrifice de l'autre au profit de la persistance et de l'entretien de mon propre être.

Finalement, ce quicaractérise notre humanité est l'existence chez l'homme d'un désir spécifique qui n'est pas désir de soi mais del' « Absolument autre »,.

Par ce désir, nous ne sommes plus cloîtrés dans notre « soi » et s'offre à nous la possibilité. »

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