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Thomas Hobbes

Publié le 22/02/2012

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" L'homme est un loup pour l'homme " C'est la formule par laquelle on résume bien souvent la philosophie de Hobbes ou même, parfois, la connaissance que l'on en a. Mais une telle formule, dans son simplisme, n'en révèle pas moins le trait le plus profond de la pensée de Hobbes : c'est une philosophie de l'homme et une philosophie de l'homme méchant. Pour l'Angleterre, le XVIIe siècle est un grand siècle d'agitation politique, où la structure du Royaume est mise à l'épreuve par deux révolutions, une république et dix ou vingt ans de guerre civile. Ces événements suscitent parmi les philosophes des réflexions et des discussions de toute sorte qui, dans le grand courant de confiance en la raison caractéristique de l'époque, tendent à se constituer en une science de la politique. C'est sans doute Thomas Hobbes qui a poussé le plus loin le souci de cette mise en ordre théorique et c'est autour de sa doctrine ou contre elle que se sont ordonnées les pensées politiques des hommes de son temps. Né avant le siècle, en 1588, Hobbes durera presque aussi longtemps que lui ; il mourra en 1679 ; mais son oeuvre philosophique se trouve, pour l'essentiel, concentrée dans la décade décisive du milieu du siècle : les Elements of Law sont écrits en 1640, le De Cive est publié en 1642 et le Leviathan en 1651. Spectateur passionné des événements de son temps, il ne prendra part à aucun d'entre eux. Accueilli comme précepteur dès 1618 dans la famille des comtes de Devonshire, les Cavendish, qui lui accorderont amitié, entretien et sauvegarde pratiquement jusqu'à la fin de ses jours, il mènera toute sa vie une existence protégée. On n'imagine pas vie plus unie, plus exclusivement dévouée à l'étude, plus abstraite des événements de son temps, plus à l'écart de toute action politique. Et les événements importants de sa vie ont bien failli être les deux grands tours d'Europe qu'il fit avec ses élèves, l'un après 1610, l'autre après 1633. Mais c'est assez d'être bon philosophe pour être en prise avec l'histoire de son temps. Quand vient la période des troubles civils, il s'estime en danger en Angleterre et se réfugie en 1640 à Paris, où il demeurera onze ans, jusqu'au moment où Cromwell aura rétabli en Angleterre un régime stable, où la vie en sécurité sera possible de nouveau.
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« Du même coup, tout l'important de l'existence humaine se trouve transféré du passé et du présent vers l'avenir : ledésir cesse d'être le désir d'une jouissance finie pour devenir le désir des conditions de la satisfaction indéfinie dudésir et, en fin de compte, le désir spécifiquement humain du désir lui-même.

Chaque homme est ainsi amené às'apprécier lui-même en fonction de la puissance dont il dispose pour assurer la satisfaction de ses futurs désirs et àla mesurer à proportion de l'idée que lui-même et les autres s'en font : cette opinion sur la puissance, ce prestige,cet honneur, ce rien, devient ainsi l'objet d'une passion humaine fondamentale : la gloire.

Mais ni le désir du désir nil'effort pour la gloire ne vont, dans un monde ouvert sur l'avenir et toujours incertain, toujours menacé, sans lacrainte, seconde passion fondamentale, conseillère inlassable d'une recherche indéfiniment accrue de puissance. Pour conserver sa vie, laisser toujours ouverte la route de son futur désir, assurer sa gloire et apaiser sa crainte,chaque homme consacre toutes ses forces.

Mais, dans cette guerre de tous contre tous, qui constitue proprementl'état de nature, les forces de chacun sont égales à celles de chacun des autres, puisque le plus faible des hommespeut toujours mettre à mort, fût-ce par la ruse, le plus fort d'entre eux.

La guerre naturelle de tous contre tousconstitue donc un champ de forces exactement égales qui s'opposent les unes aux autres dans un équilibrestatistique instable, équivalent à une agitation désordonnée permanente un moderne penserait à une sorted'agitation brownienne.

Dans cet état de guerre sans fin, qui est l'état où règne la mort violente, les hommes viventlibres d'une liberté toute naturelle, puisqu'ils donnent libre cours à leurs passions.

Il n'y a ni juste ni injuste ; ni lascience, ni l'art, ni l'industrie ne peuvent apparaître.

La vie de chaque homme est solitaire, misérable, grossière,bestiale, brève. Mais cet état de guerre sans fin n'est pas pour l'humanité un état nécessaire.

Le propre de l'homme n'est-il pas dese libérer par la parole du doute naturel ? Il dispose, en effet, du pouvoir d'attribuer arbitrairement des noms auxcorps et aux événements, afin d'élaborer un véritable univers du discours au sein duquel la vérité peut semanifester.

Il appartient donc à l'homme d'inventer un ordre mécaniste artificiel plus convenable à ses propres finsd'homme et de le substituer effectivement à l'ordre mécaniste naturel qui ne lui apporte que misère et malheur.

Cefaisant, l'homme se fait lui-même.

C'est l'extraordinaire let us make man du Leviathan, qui préside au calcul et àl'institution effective d'un monde humain habité par des hommes devenus raisonnables : la société civile qui, pourHobbes, se confond avec l'État. Il faut à tout prix, en effet, que l'homme tente de sortir de cette existence de misère, où il n'échappe à la mortviolente que pour retomber dans la crainte qu'elle inspire.

Ce n'est d'ailleurs point à une existence heureuse qu'ilaspire, puisque la félicité, résidant dans le progrès continu d'un désir à un autre, en impliquant l'insatisfaction, exclutle bonheur.

Mais l'homme à la recherche d'un plus grand contentement cherche avant tout à se défendre contre lacrainte et à vivre dans la sécurité et dans la paix.

Il s'agit d'établir par un calcul téléologique, par un raisonnement-pour Hobbes, la raison se ramène à un calcul logique, à un enchaînement de raisons, à une concaténation de mots-les moyens propres à assurer paix et sécurité. La chance du rationalisme hobbien ou son artifice c'est que tout se soit passé comme si les hommes s'étaienteffectivement livrés à un calcul de cette sorte en instituant les sociétés civiles : par un contrat de chacun avecchacun, chaque homme a renoncé à son droit, à son pouvoir de se gouverner lui-même, et l'a remis entre les mainsd'un souverain.

Ainsi la multitude s'est constituée en un peuple, en une personne civile unique, le Commonwealth, etun pouvoir souverain est apparu.

Ce faisant, les hommes ont d'ailleurs accordé leurs passions avec leurs calculsrationnels, car au sein de l'État règne désormais, avec le droit imposé par le souverain, la sécurité, la paix civile etmême la liberté civile, puisque chacun peut accomplir tout ce que les lois lui permettent de faire. Pas plus que dans l'état de nature, il n'y a, dans la cité, ni bien ni mal absolus, ni vices ni vertus naturels.

AvantSpinoza, Hobbes ayant proclamé que, pour l'homme naturel, il n'y a de biens que parce que nous les désirons et demaux que parce que nous les haïssons, et non de désirs et de haines par rapport à des biens et à des mauxpréexistants.

En revanche, dans le Commonwealth, le centre de gravité cesse d'être l'individu et son désird'échapper à la mort violente : les biens et les maux tendent à se situer par rapport au salut de l'État, qui s'identified'ailleurs raisonnablement avec le salut du souverain et que lui seul définit.

Du même coup, le souverain définit lejuste et l'injuste, le bien et le mal, à la fois parce qu'il les détermine par des lois et parce qu'il oblige à les respecterpar sa toute-puissance.

Les biens et les maux, devenus des conventions sociales, acquièrent ainsi, par rapport auxindividus, une objectivité effective.

Par une sorte de renversement, dans l'univers des valeurs civiles, les passionshumaines se trouvent déterminées par des biens et des maux préexistants.

Les vertus et les vices sont identifiésaux passions, c'est-à-dire à des mouvements, et dépouillés de toute signification vertueuse ou vicieuse ; elles nesont par elles-mêmes ni bonnes ni mauvaises, mais on appellera vertu, dans l'État, toute disposition d'esprit tendantà assurer le bien public conformément aux lois.

La loi est la seule mesure des biens et des vertus et la puissanceraisonnable du souverain leur seul garant et leur seule justification.

Pour rendre un homme vertueux, il suffit donc dele rendre prince ou citoyen d'un État dont les lois sont bonnes.

En même temps, prince et citoyen se trouvent prisdans le cadre de lois raisonnables, leurs passions sont soumises à la raison, deviennent vertus, et leurs mouvementssont engrenés dans le mécanisme bien conçu de l'État. Pour que le Commonwealth échappe aux désordres et à la guerre civile, qui est à ses yeux le pire des maux, Hobbesse trouve amené à calculer une société civile dont l'immuable stabilité résultera d'une disproportion mécanisteimpossible à compenser ou à renverser, entre la toute-puissance d'un seul homme, le souverain, et le néant depuissance des citoyens, qu'ils soient considérés chacun en particulier ou tous pris ensemble.

Au modèle naturel del'équilibre des forces humaines en état de guerre, Hobbes propose de substituer un modèle, non moins mécaniste, dudéséquilibre stable des forces humaines en état de paix : c'est la souveraineté absolue d'un seul homme dans l'État.. »

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