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Thomas HOBBES

Publié le 27/02/2008

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L'universalité d'un même nom donné à plusieurs choses est cause que les hommes ont cru que ces choses étaient universelles elles-mêmes, et ont soutenu sérieusement qu'outre Pierre, Jean et le reste des hommes existants qui ont été ou qui seront dans le monde, il devait encore y avoir quelque autre chose que nous appelons l'homme en général ; ils se sont trompés en prenant la dénomination générale ou universelle pour la chose qu'elle signifie. En effet lorsque quelqu'un demande à un peintre de lui faire la peinture d'un homme ou de l'homme en général, il ne lui demande que de choisir tel homme dont il voudra tracer la figure, et celui-ci sera forcé de copier un des hommes qui ont été, qui sont ou qui seront, dont aucun n'est l'homme en général. Mais lorsque quelqu'un demande à ce peintre de lui peindre le Roi ou toute autre personne particulière, il borne le peintre à représenter uniquement la personne dont il a fait choix. Il est donc évident qu'il n'y a rien d'universel que les noms, qui pour cette raison sont appelés indéfinis, parce que nous ne les limitons point nous-mêmes, et que nous laissons à celui qui nous entend la liberté de les appliquer, au lieu qu'un nom particulier est restreint à une seule chose parmi le grand nombre de celles qu'il signifie, comme il arrive lorsque nous disons cet homme en le montrant ou en le désignant sous le nom qui lui est propre. Thomas HOBBES

• Thème : réflexion sur l'essence des noms, à partir d'une étude de la façon dont la langue organise l'expérience vécue et distingue les significations.

• Thèse: l'universalité d'un nom qui se rapporte à une classe de choses ayant des points communs ne signifie en aucun cas que l'universalité existe au sein des choses elles-mêmes.  

 

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« oppose ainsi « universel » à « singulier » en subsumant le second au premier.

Ainsi, Pierre et Jean sont des êtressinguliers mais se rangent tout deux sous la dénomination universelle « homme ».

Il y a donc dans le langage destermes généraux utilisés pour permettre à l'esprit de penser des généralités, c'est-à-dire pour regrouper sous unmême nom des particularités de manière à établir une certaine communauté de nature entre ces individualités.-Hobbes constate qu'il résulte de ce procédé langagier que « les hommes » se sont laissés abuser par le langage enpensant que les termes généraux signifiaient des réalités.

Pour l'auteur, c'est une erreur de confondre un nom avecune chose.

Ainsi, le terme « homme », désigne à la fois Pierre et Jean, ainsi que tous les autres hommes possibles,mais ne constitue nullement une réalité supérieure à cette somme, un objet réel en lui-même.- Hobbes procède avec cet exemple à la critique génétique de la thèse réaliste, c'est-à-dire qu'il explicite leprocessus par lequel se produit l'illusion dont procède la thèse qu'il réfute, celle qui postule l'existence d'une réalitéde l'universalité dans les noms.- Il s'agit pour Hobbes de combattre ici l'illusion « réaliste » (prêter réalité à) par laquelle l'universalité, en faitconstruite par l'opération de dénomination, qui réunit sous un même nom des choses ayant des points communsessentiels, est posée comme existant dans les choses.

Il n'y a pas « autre chose » que le nom, qui procèdeseulement comme un outil de compréhension, et qui permet de donner du sens, mais aucunement de faire naître une« essence », c'est-à-dire un être réel.

2ème partie : En réalité, le langage seul à cette propriété de nous faire accéder à l'universel. - Hobbes poursuit son argumentation en comparant le langage avec la peinture, pour mettre à jour d'une part laspécificité du langage par rapport à la peinture, d'autre part l'artificialité du langage par rapport à la réalité.

Ainsi, ilexplique qu'on ne peut jamais peindre autre chose que des choses particulières, et que l'expression de l'universalitéen peinture ne peut avoir lieu.

On ne peut peindre que « tel ou tel homme », et jamais « l'homme en général ».

Seulle langage peut nous faire accéder à l'universel grâce au terme « homme ».

Mais cela nous prouve en même tempsl'irréalité des universaux, c'est-à-dire des généralités désignées par ces termes, puisqu'on ne peut les représenter.Ces généralités sont inconsistantes et n'existent que dans les noms.- Le peintre qui copie un modèle ne peut jamais copier qu'une réalité particulière, même si, par une illusion propre aulangage, on croit lui faire reproduire l'homme en général.

Par conséquent, l'universalité, pas plus qu'elle n'existe enpeinture, ne trouve de réalité par le langage.

On peut donc en conclure que le langage nous permet de penserl'universalité sans pour autant lui prêter réalité.

L'universalité est seulement une conceptualisation de l'esprit, maisjamais nous ne la rencontrons autre part que dans les dénominations langagières.

3ème partie : Les termes universels ne nous apprennent rien de l'essence de ce qu'il désignent. Hobbes prend part dans ce texte à la querelle des universaux, un débat philosophique qui existe depuis le XIIe siècleet divise les penseurs théorisent sur le langage.

Hobbes prend parti pour la thèse nominaliste qui affirme que lesidées générales sont de purs mots, face aux partisans de la thèse réaliste qui opposent que ces abstractionsexistent en réalité.Pascal, contemporain de Hobbes (XVIIe siècle), se rallie à la thèse nominaliste exposée ici par ce dernier.

PourPascal (De l'esprit géométrique et de l'art de persuader), nommer ne signifie pas définir.

Il explique ainsi qu'unedéfinition donne les qualités de la chose, quand un nom ne fait que désigner cette chose, sans ne rien dire ce sonessence.

Le choix du nom n'est que purement arbitraire puisqu'il n'est utile que pour désigner une chose et n'aaucun rapport avec la chose elle-même.

Cela, le texte de Hobbes nous le fait pressentir avec force lorsqu'il utilisel'exemple des prénoms qui désignent les personnes elles-mêmes.

Quoi de plus arbitraire que de nommer quelqu'un« Pierre » ou « Jean » ? Il est évident que porter un autre nom ne changerait rien à leur personne.

Hobbes voit sathèse confirmée par le fait que les termes généraux qui expriment l'universalité sont appelé « indéfinis » : c'est pourlui la preuve de leur inconsistance réelle et de l'artificialité de l'outillage langagier.

Les noms indéfinis « ne sontpoints limités à nous-même », et « nous laissons à celui qui nous entend la liberté de les appliquer », est justementl'affirmation du caractère arbitraire des désignations nominales.

Si les noms peuvent varier, ne sont pas définis, celasignifie bien qu'il n'y a rien « derrière » ces noms qu'une abstraction, et non un être réel.Pour Pascal, on reconnaît les universaux au fait qu'ils sont indéfinissables.

En prenant comme Hobbes l'exemple duterme « homme », Pascal explique que l'on ne peut le définir, car dès lors qu'on s'y essaie, on ne fait qu'obscurcirl'idée que l'on en a, et on se heurte à une contradiction, celle de chercher à singulariser une idée générale.

On nepeut alors que s'exposer à énoncer des propositions fausses, car leur particularité introduit nécessairement descontradictions avec la généralité du terme.

Pascal remarque, et rejoint ainsi la position de Hobbes, qu'il est inutile dechercher à définir ces termes généraux car ils sont entendus de tous, et chacun sait de quoi il s'agit quand onutilise le terme « homme », même si l'on ne peut en donner une définition fédératrice.

Conclusion : A partir d'une étude de la façon dont la langue organise l'expérience vécue et distingue les significations, Hobbesprocède dans ce texte à une réflexion sur l'essence des noms, et s'interroge sur le statut particulier des termesuniversels, qui désignent des généralités.

Il met en évidence le statut particulier du langage qui seul peut nouspermettre de désigner des choses universelles, alors qu'on ne peut les rencontrer dans la réalité.

L'universalité ne seperçoit pas de manière sensible, on ne peut en faire le portrait comme pour un être ou une chose, et cela suffit àl'auteur pour prouver que les noms peuvent désigner sans impliquer nécessairement l'existence réelle de ce qu'ilsdésignent.

L'universalité, c'est le nom seul qui la fait naître, et elle ne s'étend par conséquent nullement au-delà dulangage.

Le langage prend alors le statut d'un outil qui nous permet de penser des choses abstraites.

Pour renforcer. »

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