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Spinoza: L'imagination joue-t-elle un rôle dans la connaissance ?

Publié le 16/03/2006

Extrait du document

spinoza
Car une imagination est une idée qui indique plutôt l'état du Corps humain que la nature du corps extérieur, non distinctement à la vérité, mais confusément ; par où il arrive que l'Âme est dite errer. Quand par exemple nous regardons le soleil, nous imaginons qu'il est distant de nous d'environ deux cents pieds ; en quoi nous nous trompons aussi longtemps que nous ignorons sa vraie distance ; mais, quand elle est connue, l'erreur certes est ôtée, mais non l'imagination, laquelle explique la nature du soleil en tant qu'elle affecte le corps ; et ainsi, bien que connaissant sa vraie distance, nous n'imaginerons pas moins qu'il est proche de nous. [...] Nous n'imaginons pas le soleil proche parce que nous ignorons sa vraie distance, mais parce que l'Âme conçoit la grandeur du soleil d'une façon qui est en rapport avec l'affection venue au Corps de lui. De même, quand les rayons du soleil, tombant sur la surface de l'eau, parviennent à nos yeux après réflexion, nous l'imaginons comme s'il était dans l'eau, encore que sachant le lieu où il est vraiment ; et les autres imaginations par où l'Âme est trompée, qu'elles indiquent l'état naturel du Corps, ou qu'elles indiquent soit un accroissement, soit une diminution de sa puissance d'agir, ne sont pas contraires au vrai et ne s'évanouissent pas par sa présence. Il arrive bien, quand nous avons à faux peur de quelque mal, que la peur s'évanouisse à l'ouïe d'une nouvelle vraie ; mais il arrive aussi, en revanche, quand nous avons peur d'un mal dont la venue est certaine, que la peur s'évanouisse aussi à l'ouïe d'une nouvelle fausse, et ainsi les imaginations ne s'évanouissent pas par la présence du vrai, en tant que vrai, mais parce qu'il s'en offre de plus fortes qui excluent l'existence présente des choses que nous imaginons [...].

- Thème (ce dont il est question) : Il s’agit ici d’un extrait d’un texte de Spinoza qui étudie la manière dont l’imagination influence et modifie ma perception en général, que ce soit celle du monde extérieur ou mes sentiments.

- Problème (ce qui fait question) : Spinoza cherche à savoir si il est possible d’accéder au monde tel qu’il est, au vrai, ou si l’imagination influence toutes nos perceptions – et les conséquences que cela peut avoir.  

- Thèse (proposition philosophique défendue par l’auteur) : Pour Spinoza, le monde n’est jamais perçu tel qu’il est en soi, mais toujours selon une perspective. Autrement dit, ma perception du monde décrit non pas le monde tel qu’il est, mais l’état des forces en moi. Ainsi, mon opinion sur le monde – ou mes sentiments – est guidée non pas par un jugement objectif, mais par des imaginations qui influencent mes perceptions.

- Structure (manière dont est composée le texte) à Si le commentaire est composé, il faut dégager 3 thèmes, 3 manière d’aborder le problème par l’auteur, et dans le corps du commentaire, commenter et développer ces thèmes en s’appuyant sur le texte, sans le suivre linéairement. Si le commentaire est linéaire, il est possible de découper le texte en 2 ou 3 parties, de dégager leur thème, et de les commenter ligne à ligne.

 

spinoza

« Même face à la vérité, ces imaginations dues aux perceptions du corps ne disparaissent pas.

Sil'entendement qui réside dans la partie éternelle de l'esprit est le lieu de la connaissance vraie, il n'en va pas demême pour l'imagination qui réside dans la partie périssable de l'esprit, et qui ne fournit qu'une connaissance dupremier genre.

II/ L'imagination et les forces de l'individu qui les a : [...] Nous n'imaginons pas le soleil proche parce que nous ignorons sa vraie distance, mais parce que l'Âme conçoitla grandeur du soleil d'une façon qui est en rapport avec l'affection venue au Corps de lui.

De même, quand lesrayons du soleil, tombant sur la surface de l'eau, parviennent à nos yeux après réflexion, nous l'imaginons comme s'ilétait dans l'eau, encore que sachant le lieu où il est vraiment ; et les autres imaginations par où l'Âme est trompée,qu'elles indiquent l'état naturel du Corps, ou qu'elles indiquent soit un accroissement, soit une diminution de sapuissance d'agir, ne sont pas contraires au vrai et ne s'évanouissent pas par sa présence. ● Spinoza insiste sur le fait que même la connaissance de la vérité ne peut pas effacer les impressions que le corps reçoit, impressions qui donnent lieu aux imaginations, qui elles-mêmes influencent notre perception du monde.Ainsi, l'individu est structuré de telle sorte que tous les événements du corps trouvent leur résonance dans l'espritpuisque la pensée et l'étendue sont les deux aspects d'un seul et même être : « l'âme conçoit la grandeur du soleilen rapport avec l'affection venue au corps de lui.

».

Spinoza montre en effet le lien qui existe entre l'âme et lecorps, et comment ce dernier influence les conceptions de la première.

L'individu a donc conscience de son corps,mais ce n'est pas une connaissance claire et distincte ; c'est plutôt une idée confuse qui vient d'une consciencedes modifications du corps que l'on appelle aussi affects.

● Spinoza reprend l'exemple du soleil : même si nous savons que le soleil n'est pas dans l'eau, il n'en reste pas moins que lorsque ses rayons se réfléchissent sur l'eau, nous l'imaginons dans l'eau.

Cet exemple évident permetà l'auteur de montrer à quel point même la connaissance de la vérité ne peut rien face aux impressions du corps.Ces dernières sont les plus fortes parce qu'elles sont les plus évidentes.

La connaissance du premier genre a eu devaleur théorique, il faudra purifier l'entendement pour accéder à la connaissance vraie, mais il n'en reste pas moinsque la connaissance débute avec l'expérience.

Pour Spinoza, le savoir est de l'ordre d'un pratique sans qu'il y ait denormes ou une méthode au départ. ● Puis Spinoza généralise son propos : l'âme peut être trompée comme nous venons de le voir par une « imagination [qui] indique l'état naturel du corps », c'est le cas pour le soleil, les perceptions que nous apportentnos sens nous donnent des imaginations qui ne sont que des opinions, et non pas une connaissance vraie.

Maisl'âme peut aussi être trompée par d'autres imaginations qui « indiquent soit un accroissement, soit une diminution desa puissance d'agir ».

En d'autres termes, les choses m'apparaissent non pas telles qu'elles sont, mais telles que jeles perçois selon l'état des forces en moi.

Par exemple, tel caillou me paraîtra lourd un jour où je suis fatigué, etléger un jour où je suis en plaine forme.

Cette imagination, cette opinion que j'ai à propos du poids du caillou varieselon ma puissance d'agir, selon ma force.

Si je suis faible, c'est parce que mon conatus est faible, et je peux de cefait mois agir, et inversement.

Spinoza appelle conatus ma puissance d'agir ; cette dernière peut être faible etm'apporter alors de la tristesse, mais elle peut aussi être forte et m'apporter alors de la joie.

Le conatus visetoujours la joie, mais selon son état, il peut influencer ma perception du monde. Quoi qu'il en soit, connaître le poids exact du caillou ne m'enlève pas l'imagination de lourdeur ou de légèreté que je me fais à propos de lui.

Les imaginations « ne sont pas contraires au vrai et ne s'évanouissent pas par saprésence.

» III/ Ce qui est valable pour la perception du monde l'est aussi pour les sentiments : Il arrive bien, quand nous avons à faux peur de quelque mal, que la peur s'évanouisse à l'ouïe d'une nouvelle vraie ;mais il arrive aussi, en revanche, quand nous avons peur d'un mal dont la venue est certaine, que la peurs'évanouisse aussi à l'ouïe d'une nouvelle fausse, et ainsi les imaginations ne s'évanouissent pas par la présence duvrai, en tant que vrai, mais parce qu'il s'en offre de plus fortes qui excluent l'existence présente des choses quenous imaginons [...]. ● Spinoza étend son raisonnement aux perceptions intérieures par un exemple : les imaginations peuventaussi les influencer, indépendamment de la vérité.

Dans ce paragraphe, il donne une preuve permettrant de montrerque même la connaissance du vrai ne permet pas d'échapper aux imaginations.

Comme nous l'avons dit, ces parceque ces dernières sont plus fortes.

La réalité humaine est certes l'unité d'un corps et d'un esprit, une unitéappréhendée au travers de la conscience, mais cette conscience se situe d'abord dans les méandres obscurs del'expérience quotidienne.

Les imaginations sont tenaces, mais elles ne sont que le premier genre de connaissance.L'esprit peut en effet forger des idées claires et distinctes et accéder par là à la connaissance vraie, mais il fautqu'il y travaille.

C'est dans ce sens que Spinoza distingue trois genres de connaissances.

Si les imaginations ne sontque des connaissances vagues venues de l'expérience quotidienne, il n'en va pas de même pour la connaissance dudeuxième genre qui est une forme de connaissance rationnelle qui requiert une démonstration et un raisonnement.La connaissance du troisième genre est la plus haute, c'est la saisie intuitive – purement intellectuelle - et directede la vérité.

● Spinoza considère que la peur est une passion qui amène la tristesse car elle fait baisser la puissanced'agir du conatus : il faut donc s'en débarrasser.

Or cela n'est possible que si l'on dépasse la connaissance dupremier genre.

En effet, si on reste dans le royaume des imaginations, ces dernières auront toujours plus de forceque la moindre vérité abstraite.

Il faut donc quitter cette sphère de la connaissance pour ne plus y être soumis.Pour cela il faut donc bien examiner les choses.

La connaissance n'est pas une activité dont la méthode constitue. »

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