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Sommes-nous libres ou le devenons-nous ?

Publié le 27/02/2008

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La question de la liberté, si chère à tous les hommes, est un débat permanent : il s'agit de savoir si nous sommes libres. Quelles peuvent être les causes de notre liberté ? Comment un homme peut-il affirmer être libre ? Sommes-nous libres ou le devenons-nous ? La liberté peut-elle être innée, acquise ou, au contraire, est-elle le fruit, le résultat d'un combat, d'un processus d'obtention de la liberté ? Le sujet présuppose que la liberté est accessible, la question étant de déterminer comment y accéder. Qui, parvenu au sommet d'une montagne suite à une longue ascension, ou, navigant sur les flots, seul sur son embarcation au milieu d'une mer infinie, n'a jamais été tenté de crier « je suis libre ! », étant intimement persuadé de l'être ? Cette sensation profonde de liberté est-elle une certitude, recevable par tout être doué de raison, ou une simple conviction ? Est-elle vraie ou purement vraisemblable ? Il faut tout d'abord savoir ce que nous appelons communément liberté. Au sens général, la liberté se définit comme absence de contrainte, une contrainte étant un obstacle, extérieur à nous, qui nous pousse à agir contre notre gré, notre volonté. Ainsi, la liberté serait d'agir selon sa volonté, de ne faire que ce que l'on choisit de faire, d'accomplir ses moindres désirs, de ne pas être déterminé. Il suffirait donc de suivre ce que Descartes définit comme le libre-arbitre, l'accomplissement de sa volonté. Cependant, si nous ignorons les causes qui déterminent notre volonté, ne sommes-nous pas nous-mêmes déterminés, par l'intermédiaire de notre volonté, par des déterminismes de toutes sortes qui nous échappent ? De ce point de vue, la liberté s'acquiérerait par la connaissance des causes qui nous déterminent. Comment connaître ces causes, et ainsi devenir libre ? Qui désigne-t-on par « nous » ? La liberté est-elle accessible à tous ? Une fois atteinte, est-il nécessaire de continuer le combat pour la liberté : l'obtention de la liberté est-elle un état permanent ou, au contraire, reste-t-elle toujours incertaine, contingente, remise en cause ?

« SUPPLEMENT: L'homme est né libre et partout il est dans les fers(Rousseau). La formule de Rousseau est marquante en ce qu'elle énonce magistralementun paradoxe : l'homme est naturellement libre, il naît libre, mais il est toujourspolitiquement et socialement asservi.

Saisir l'enjeu de cette phrase contraintà la replacer dans son contexte, et à comprendre qu'elle inscrit Rousseaudans la lignée du « droit naturel », qui s'inscrit contre les théoriciens du «droit divin ».Dire que « l'homme est né libre » est répondre à une phrase de Bossuet(1627-1704) : « Les hommes naissent tous sujets ».

Bossuet affirmait quecette sujétion de l'homme est naturelle dans un ouvrage dont le titre est unprogramme et un manifeste : La politique tirée des propres paroles del'Ecriture sainte ».Depuis le XVI ième, la théorie politique voit s'affronter deux courants ; lathéorie du droit divin, voire de la monarchie de droit divin, dont Bossuet estun représentant, et la théorie dite du « droit naturel » à laquelle Rousseau serallie.La théorie du droit divin se fonde sur un passage de la Bible, et plusprécisément sur ce passage de l' « Epîtres aux Romains » de Saint Paul :« Que toute âme soit soumise aux puissances supérieures, car il n'y a point de puissance qui ne vienne de Dieu et celles qui existent ont ètè instituées par lui.

Ainsi qui résiste à la puissance,résiste à l'ordre de Dieu [...].

Il est nécessaire d'être soumis non seulement par crainte, mais encore par l'obligationde conscience ».Toute autorité politique vient de Dieu, et donc qu'il existe aucun droit de résistance face aux autorités en place, quin'ont de compte à rendre qu'à la divinité.

Quel que soit le régime, on lui doit une obéissance inconditionnelle.Ce courant s'est vu concurrencé par un autre, (né avec la Réforme de Luther et la contestation des autoritéspolitiques et religieuses), qui affirme, comme le fera Rousseau, que l'homme est naturellement libre, qu'il anaturellement droit de se gouverner lui-même, de décider lui-même ses actions.

La conséquence majeure est que lepouvoir, l'Etat, l'autorité, sont donc des créations volontaires, artificielles, des hommes.

Rousseau et sesprédécesseurs admettent que l'homme est naturellement libre et indépendant, et donc que les hommes décidentvolontairement, et dans un but précis, de se soumettre à une autorité commune qu'ils ont eux-mêmes créée.Un auteur partisan du droit divin, Ramsay (1686-1743), décrit les principes de ses adversaires et les points surlesquels portent le désaccord des deux courants :« Rien n'est plus faux que cette idée des amateurs d'indépendance que toute autorité réside originairement dans lepeuple, et qu'elle vient de la cession que chacun fait, à un ou plusieurs magistrats de son droit inhérent à segouverner soi-même.

Cette idée n'est fondée que sur la fausse supposition que chaque homme est né pour soi, horsde toute société, est le seul objet de ses soins et sa règle à lui-même ; qu'il naît absolument son maître, et libre dese gouverner comme il veut.

»Ce qu'admet l'école du droit naturel, et que rejettent les partisans du droit divin, ce sont toutes les conséquencesde « L'homme est né libre » : chaque homme étant libre et indépendant des autres, mu par son propre intérêt, touteautorité s'exerçant sur un groupe d'hommes a été créée par eux volontairement, et donc le pouvoir résideoriginairement en chacun de nous ; dans le peuple.

On retrouve ici les fondements de notre démocratie.Mais reste à expliquer comment il peut se faire que, naturellement libre, l'homme soit « partout dans les fers ».Rousseau poursuit : « Comment ce changement s'est-il fait ? Je l'ignore.

Qu'est-ce qui peut le rendre légitime ? Jecrois pouvoir résoudre cette question.

»L'effort théorique de Rousseau et de ses prédécesseurs ne consiste pas à rechercher comment, historiquement, leshommes ont pu devenir esclaves ou asservis.

La question n'est pas une question de fait à trancher rationnellement ;qu'est-ce qu'une autorité légitime ? Qu'a-t-on le droit d'exiger de moi ? Si je suis naturellement libre, à qui ai-jepromis d'obéir, dans quel but, dans quelle limite ?Si l'on arrive à ce paradoxe d'un homme libre vivant dans les fers, si l'on voit un ordre social injuste, ou des guerresciviles, c'est que les fondements politiques ne sont pas assurés, c'est qu'on a construit des Etats sur du sable ou dela boue.

On ne peut donc s'appuyer sur la pratique des hommes pour savoir quelle est la forme légitime de l'Etat, carcomme le déclare Hobbes dans le « Léviathan », un siècle avent le « Contrat social » :« De toute manière, un argument tiré de la pratique des hommes est sans valeur [...] En effet, même si en tous lesendroits du monde les hommes établissaient sur le sable les fondations de leurs maisons, on ne pourrait inférer de làqu'il doit en être ainsi.

L'art d'établir et de maintenir les républiques repose, comme l'arithmétique et la géométrie,sur des règles déterminées ; et non comme le jeu de paume sur la seule pratique.

»Il s'agit de droit et non de fait.En réalité, ce que tentent Hobbes puis Locke et Rousseau dans l'ordre de la politique, est semblable à ce qu'a tentéDescartes dans l'ordre de la métaphysique : jeter les fondements d'une science, quitte à contester toute latradition, et à récuser l'histoire.« L'homme est né libre et partout il est dans les fers », ce paradoxe exige que l'on sache comment le passage de laliberté naturelle à l'obéissance politique est légitime.

Résoudre ce problème consiste à discerner ce que veutvraiment l'homme, en vivant en société, qu'il en ait clairement conscience ou pas.

Il faut déterminer pourquoi nous,qui avons naturellement le droit de décider de nos propres actions, acceptons d'obéir à des lois communes, à unpouvoir commun.Or, déclare Rousseau : « Les philosophes qui ont examiné les fondements de la société ont tous senti la nécessité. »

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