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S'instruire rend-il un homme libre ?

Publié le 15/04/2009

Extrait du document

  • Analyse du sujet

-          Le sujet met en relation deux termes : l’instruction et la liberté. Il nous demande si le premier terme est une condition suffisante pour le second : il suffirait de s’instruire pour devenir libre.

-          L’instruction : de instruere, munir, élever, outiller, armer. L’instruction est donc une acquisition de connaissances qui suppose l’usage de la mémoire. La connaissance de quelque chose augmente notre pouvoir sur cette chose. L’instruction en ce sens est un facteur de l’élévation de notre puissance.

-          Liberté : ce qui n'est pas contraint par autre chose. On doit distinguer le libre vouloir et le libre pouvoir. Le libre vouloir correspond à la liberté de choisir ce que je veux. Le libre pouvoir est la liberté de faire ce que je veux. On peut penser une liberté sans penser l'autre.

  • Problématique

L’acte libre, c’est l’acte qui s’ensuit d’une libre décision de l’esprit. Or, l’esprit ne peut décider que s’il a la connaissance, et en ce sens, il est évident que l’instruction nous rend libre. Elle nous donne en effet le pouvoir de choisir. Réciproquement, l’absence totale de connaissance ne peut que nous faire agir au hasard ou à l’aveugle. On voit donc qu’une liberté sans instruction est impossible. Cependant, la liberté consiste à pouvoir agir sans être contraint. Or, de ce point de vue, l’acte fait dans l’ignorance reste un acte libre, ou volontaire, pour autant qu’il a son origine dans la nature du sujet. De ce point de vue, l’ignorant est tout aussi libre en ce sens qu’il reste le principe des actes qu’il produit. Enfin, l’idée de liberté comme libre décision de l’esprit repose sur une ignorance des causes qui nous déterminent, et la connaissance que fournit l’instruction nous conduit plutôt à refuser cette idée de volonté libre. Dès lors, quel sens faut-il donner à ce concept de liberté : faut-il y voir un effet de l’instruction (la réalité de notre liberté s’acquiert à travers le développement de nos connaissance) ou de l’ignorance (l’idée que nous sommes libre provient d’un manque de connaissance) ?

« - Alors effectivement, à première vue, il pourrait sembler absurde de poser un acte libre sans poser du même coup qu'une conscience ou qu'un esprit (donc un entendement instruit) en est à l'origine.

En réalité,cette manière de voir la liberté comme acte corporel qui s'ensuivrait d'une libre décision de l'espritprésuppose une certaine conception du corps et de l'esprit que l'on doit remettre en question.

En effet,comme le remarque Spinoza dans l' Ethique III, scolie de la proposition II, lorsqu'on dit que telle action du corps a son origine dans l'esprit, qui a du pouvoir sur le corps, on ne fait en réalité qu'avouer qu'on ignore ceque peut le corps.

Car en effet, le corps peut se mouvoir de lui-même (ex.

des somnambules).

En outre onne peut dire par quels moyens l'esprit meut le corps.

Ceci nous conduit alors à admettre que le corps a sespropres appétits ou impulsions, de même que l'esprit a ses décisions.

Mais entre les impulsions du corps et lesdécisions de l'esprit, il n'y a pas une relation causale ou l'esprit serait cause libre du mouvement du corps,mais simplement un seul événement que nous regardons soit comme étant conscient (acte de pensée) soitcomme n'étant pas conscient (impulsion).

La liberté, tant pour le corps que pour l'esprit, ne consiste doncpas tant à être conscient de l'acte, car cette conscience ne change rien à la nature de cet acte, qu'à n'êtrepas empêché par un autre corps d'agir.

Ainsi Spinoza peut-il admettre qu'être libre, c'est agir selon lanécessité de sa nature.

Est libre l'acte qui découle de ma nature, de ce que je suis.

Avoir conscience de ceque je suis et ce que je fais me donne l'illusion que j'ai librement décidé ce que je fais, parce que j'ignore cequi me détermine et que je me voie agir.

L'instruction n'est donc pas une condition de la volonté libre.

Aucontraire, celui qui est instruit (ici sur les causes de mon action) sait ce qui me détermine. - On pourra alors penser aux différentes déterminations inconscientes : les forces psychiques ou pulsions, états de tensions de l'organisme (Freud), la société et les conditions matérielles d'existence (Marx), quiconduisent à une certaine idéologie (« ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence,mais leur existence sociale qui détermine leur conscience »). - Ici donc, la liberté n'est qu'une croyance liée à l'ignorance.

L'instruction ne nous rend donc pas libre, au sens d'une libre volonté.

Au contraire, elle dévoile les mécanismes cachés et les déterminations sous-jacentes qui président à nos choix.

Loin donc d'apporter un degré supplémentaire de liberté, la conscienceici, comme simple expérience de son mouvement, accompagné d'une ignorance de sa cause, ne fait que medonner l'illusion que mon acte est le fruit de ma décision. - Cependant, l'instruction peut jouer un rôle dans le fait que, si la liberté consiste à agir selon ma nature, et non pas à être contraint de l'extérieur, elle peut me permettre de connaître ce qui contraint ma naturepour m'en libérer.

Ainsi, la connaissance des rapports de détermination causaux permettent à celui qui lessubit d'inverser un rapport de domination.

En ce sens, l'instruction nous rend plus libre : elle permet dedévelopper notre nature par la reconnaissance des obstacles extérieurs.

Mais elle ne permet pas de fonderl'idée d'une volonté libre. - En effet, comme le remarque Aristote, il ne suffit pas pour qu'un acte soit dit « volontaire », c'est-à- dire qu'on en impute la responsabilité à un agent, qu'il provienne de la nature de l'agent.

Encore faut-il quel'agent « connaisse les circonstances particulières au sein desquelles son action se produit » ( Ethique à Nicomaque III, 3, 1111a-b).

Alors en un sens certes, une action est libre si elle n'est pas contrainte.

Mais cette liberté est toute négative.

Encore faut-il que l'action soit volontaire.

Ici, la liberté est possible dans lemonde, car elle inclut la connaissance du monde.

En effet, peut-on tenir quelqu'un pour responsable d'unacte si cet acte a été commis par ignorance ? Cela veut donc dire qu'il n'y a pas de liberté sansconnaissance, et donc que la liberté suppose d'agir dans le monde.

Autrement dit, l'instruction, entendu ausens de la connaissance de l'action que l'on commet, est une condition de la responsabilité, donc, de laliberté.

Cette relation est une relation de pensée, qui permet alors à l'homme de choisir son action enconnaissance de cause.

Par l'instruction, l'homme peut choisir et agir pratiquement en utilisant la délibérationet procéder au choix le plus judicieux (Aristote Ethique à Nicomaque ).

Alors certes, l'instruction ne porte peut être que sur les moyens de l'action, et non sur la fin. III- Mais alors, si l'instruction ne nous rend pas plus libre au sens de la libre volonté (faire le choix dubien), mais seulement au sens du libre pouvoir (augmenter sa puissance sur le monde) sommes-nousresponsables de nos choix ? - Mais alors, si nous ne choisissons pas les fins, lesquelles sont données par notre nature, et seulement les moyens, lesquels sont connus pas l'instruction, peut-on encore parler de liberté ? Car, je ne choisit pasma nature, ni ne choisit la capacité que j'ai de choisir les moyens.

Autrement dit, ma capacité d'instructionest elle-même dépendante de ma nature mais aussi des conditions de mon développement (éducation par lafamille pour par la cité à travers les lois).

Une véritable liberté supposerait alors la capacité à s'instruire,aurait pour condition fondamentale l'instruction.

Cette dernière ne peut alors pas porter que sur les moyensde la liberté, mais constitue son essence même. - Dès lors, la liberté n'est plus la simple indépendance à l'égard de l'extériorité, mais l'autonomie, c'est-à- dire la capacité à s'autodéterminer, à être à soi-même sa propre loi.

Ainsi, comme le signale Rousseau, obéirà la loi qu'on s'est prescrite est liberté, car la loi n'est pas une contrainte externe, mais une obligation quel'on choisit de suivre ou non ( Lettres écrites de la montagne , Huitième Lettre).

« On a beau vouloir confondre l'indépendance et la liberté, ces deux choses sont si différentes que même elles s'excluentmutuellement.

Quand chacun fait ce qu'il lui plaît, on fait souvent ce qui déplaît à d'autres, et cela nes'appelle pas un état libre.

La liberté consiste moins à faire sa volonté qu'à n'être pas soumis à celled'autrui...Il n'y a donc point de liberté sans lois ».

En effet, la Loi restreint l'indépendance et permet donc à. »

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