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« Si les triangles faisaient un Dieu, ils lui donneraient trois côtés » Montesquieu ?

Publié le 05/04/2009

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dieu

 Reprenant à son compte une réflexion de Spinoza, Montesquieu affirme dans Les lettres persanes, que « si les triangles faisaient un Dieu, ils lui donneraient trois côtés «. Le philosophe des lumières épingle ainsi l’anthropomorphisme caractéristique que véhiculent les représentations les plus courantes de Dieu. L’absurdité de la formule est censée provoquer une prise de conscience chez son lecteur et agir sur lui à l’image d’un miroir : en lui renvoyant au visage ses propres prétentions. Une telle critique s’inscrit dans la perspective des lumières et de la prise de conscience de la révolution scientifique de l’âge classique, qui, avec les travaux de Copernic, conduit à la relativisation de la place de l’homme dans l’univers.

 

dieu

« dans sa vie psychique ».

La plupart des choses qui se passent dans l'âme échappent à la conscience. Pour Freud , o a surestimé le rôle de la conscience dans la vie de l'âme, et ainsi on s'est privé des moyens : ¨ De comprendre bon nombre de phénomènes comme les lapsus et les rêves ; ¨ De soigner un certain nombre de maladies, qui ne peuvent s'expliquer que par le conflit psychique qui agite lepatient. Adopter l'hypothèse de l'inconscient permet de comprendre et de guérir, c'est un gain de sens et de pouvoir.

Le butde la psychanalyse est alors de faire en sorte que l'individu, au lieu de subir les forces qu'il ignore et ne contrôle pas, puisse recouvrer sa liberté.En effet, la psychanalyse découvre que « Je est un autre » pour reprendre Rimbaud .

Il y a en moi un autre , un ensemble de forces, un inconscient qui me pousse à agir malgré moi.

Je subis un conflit dont je n'ai pas conscience,qui est souvent la trace d'un choc vécu durant l'enfance.

En ce sens je suis un être passif et agi, qui n'a ni lecontrôle de lui-même, ni de son passé, un être scindé.

Le but de la cure est de faire en sorte que je prenneconscience de ce conflit, que je reprenne la maîtrise de mon histoire.

Au lieu de subir ce que je ne connais pas, jechoisirai en toute conscience.

Au lieu de la « politique de l'autruche » de l'inconscient, il y aura le choix d'un sujet maître de lui-même.Enfin, notre passage est important en ce que Freud y explique les résistances à la psychanalyse.

« Dans le cours des siècles, la science a infligé à l'égoïsme naïf de l'humanité deux graves démentis ».

Avec Copernic , elle a montré à l'homme qu'in n'était pas au centre de l'univers.

Avec Darwin , elle est en train de montrer que l'homme est un animal comme les autres, qu'il y a en lui une origine animale.Ces deux sciences ont blessé l'orgueil humain, ont montré à l'homme que son sentiment de supériorité était naïf eterroné.

C'est pourquoi les thèses de Copernic valut un procès à Galilée , devant l'Inquisition en 1633.

C'est pourquoi les thèses de Darwin sont jugées à l'époque scandaleuse.

Les hommes refusent ce qui les blesse et y opposent une farouche résistance.

Or, continue Freud : « Un troisième démenti sera infligé à la mégalomanie humaine par la recherche psychologique de nos jours qui se propose de montrer au moi qu'il n'est seulement pasmaître dans sa propre maison. » L'individu est pluriel : il n'est pas seulement une conscience maîtresse d'elle-même ; il subit un inconscient qui lepousse à agir malgré lui.

Redécouvrir et explorer cette zone d'ombre en nous, cette force qui nous rend passif, cedéchirement de l'homme reste le principal acquis de la psychanalyse.

Quoique exprimant des réserves légitimes, Montesquieu ne s'est pas pour autant gardé de chercher àconnaître Dieu, en essayant d'en déterminer la forme par des réflexions spéculatives.

C'est avec La Critique de la raison pure que le clivage entre philosophie et théologie va prendre sa forme accomplie ; dès lors que Kant prononce à la raison l'interdiction d'essayer de connaître ce pour quoi elle ne dispose d'aucune intuition sensible.Cela quelques décennies après la prudence exprimée par Montesquieu.

II- La place de l'homme dans l'univers.

La position de Montesquieu témoigne de l'influence des sciences sur la philosophie, comme l'auteur l'écrit à la suite de la citation étudiée, l'homme n'est qu'un atome perdu dans l'univers.

Les lumières intègrent donc ledécentrement copernicien, et la relativisation de la place de l'homme dans l'univers.

La Terre n'est qu'un satelliteparmi d'autres du soleil ; l'homme prend conscience d'un infini cosmique qui le dépasse et le fait s'interroger sur lesens de son existence.

La position de Montesquieu, rappelant l'homme à plus d'humilité, fait donc écho aux réflexions de Pascal surl'infini et la place de l'homme perdu dans l'immensité.

Cette vastitude de l'univers fait prendre conscience à quelqueshommes de la naïveté qu'il y a à imaginer un Dieu anthropomorphe.

A cet égard les successeurs de Montesquieu,Voltaire et Rousseau se montreront moins critiques, c'est moins l'anthropomorphisme que le problème du mal quiconduiront leurs réflexions philosophico-théologiques.

La phrase de Montesquieu, qui procède d'une relecture de Spinoza, témoigne d'une grande modernité etannonce déjà le positivisme du XIXe siècle.

Auguste Comte, chef de file des positivistes déclare que la rationalitédoit remplacer l'âge métaphysique (où les hommes essaient de connaître les choses à l'aide de principeshypothétiques et invérifiables), qui a lui-même succéder à l'âge primitif (où l'homme explique les phénomènes enrecourrant à des entités mystiques).

L'absurdité de la phrase de Montesquieu illustre la revendication implicite d'unprimat de la rationalité.

III- Limites de la critique de Montesquieu. La critique de Montesquieu peut paraître sévère si l'on adopte un point de vue plus social, et finalement plus modeste que celui du philosophe.

En effet, on imagine mal la doxa intégrer les réserves de Montesquieu et s'empêcher d'imaginer un Dieu fait à son image.

La figure de Dieu, si elle éveille la curiosité et l'intelligence duphilosophe, éveille simplement l'espoir chez les gens du peuple.

Le Dieu à figure humaine est peut-être une fictiongrossière, elle n'en est pas moins efficace pour consoler les hommes.

En épinglant l'anthropomorphisme du sens commun, Montesquieu s'interdit de rendre compte de la viereligieuse, laquelle ne se confond pas avec les spéculations des doctes, mais consiste en des rites, des gestes, dontle sens n'est pas tant spéculatif que pratique.

Une religion bâtie autour d'un Dieu absolument inconnu,impersonnifiable, ne cimenterait pas autour d'elle l'espoir d'une communauté.

Les expressions, récurrentes dans lestextes sacrées, de commandement divin ou de paroles divines renforcent l'illusion d'une nature anthropomorphe deDieu.. »

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