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Sciences & Techniques: La psychanalyse dans l'entre-deux-guerres

Publié le 22/02/2012

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psychanalyse
Dès après la première guerre mondiale, la psychanalyse, que plus personne ne pouvait ignorer, connut, selon les pays, des destins différents. Un élément de cette différenciation fut la réponse à la question de savoir si sa pratique devait être réservée à des médecins ou ouverte à des non-médecins... Fin 1910, Freud peut porter un regard satisfait sur le mouvement psychanalytique. Le congrès de Nuremberg, réuni en avril, vient de donner le jour à l'Association psychanalytique internationale (API), garant des créations à venir et de leur coordination. Le monde est en paix. Les grandes nations occidentales poursuivent leur marche triomphale vers le progrès culturel, scientifique et matériel. Vienne figure parmi l'une des cinq ou six grandes capitales mondiales.
psychanalyse

« En ce qui concerne la psychologie, l'opposition sera encore plus vive, et ce jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.

L'hypothèse del'inconscient choque.

La psychologie expérimentale et la psychologie différentielle, qui rêvent d'égaler les succès des sciences exactes, définissent leur méthodologie.

Ainsi les psychologues sont presque tous des hommes de laboratoire sans expérienceclinique; pour eux (et dans le meilleur des cas), la psychanalyse est un art médical dont les observations, jugées floues et sujettes àtous les aléas de l'interprétation, ne méritent guère d'attention.

Jugée "non scientifique", la psychanalyse est exclue de presque tousles espaces universitaires.

Ce n'est qu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale que deux nouvelles disciplines, la psychologieclinique et la psychologie sociale, empruntant à la psychanalyse de nouvelles sources d'inspiration, lui permettent d'entrer en forcedans les universités. Nourri de culture classique, Freud a très tôt enrichi son œuvre de références mythologiques et littéraires.

Avec plusieurs de ses écrits,il a fondé un genre nouveau : l'approche psychanalytique d'œuvres littéraires, théâtrales, picturales, et de la statuaire.

En retour, ilfallut un certain temps pour que les romanciers, les poètes, les dramaturges et autres artistes s'avisent (souvent d'ailleurs au prixd'évidents malentendus) de rechercher des sources d'inspiration dans les idées de Freud.

Une fois amorcé, ce courant d'intérêt pritune grande extension entre les deux guerres, particulièrement en Hongrie, en Russie et en France.

Ainsi, André Breton et lessurréalistes passèrent par une brève période d'enthousiasme en découvrant ce qu'ils croyaient être la psychanalyse. Au cœur de la première théorie freudienne des névroses, avant 1914, se trouve le postulat des traumatismes infantiles, dont l'effetpathogène se manifeste plus tard par les troubles de l'adulte.

Comme il vaut mieux prévenir que guérir, Freud lui-même avance l'idéed'une éducation mieux conduite.

Celle-ci devrait viser à assurer un développement psychique harmonieux, ou tout au moins à éviter leserreurs les plus grossières parfois commises par les parents et les systèmes d'éducation.

L'idée est reprise avec enthousiasme parcertains de ses élèves - notamment le pasteur Pfister, en Suisse - et anime tout un mouvement de rénovation pédagogique "libéral",très actif dans la Russie des années 20. Enfin, le champ de l'ethnologie et de la sociologie doit lui aussi son élargissement à Freud.

Ce dernier comparait volontiers le travail dupsychanalyste à celui de l'archéologue, qui, en mettant à jour les vestiges enfouis et oubliés de civilisations anciennes, permet demieux comprendre les civilisations actuelles.

La psychanalyse ne peut cependant se contenter de remonter dans le passé del'individu, car il reste toujours un "résidu d'inexpliqué".

C'est ce qui pousse Freud à se tourner vers le passé de l'espèce, en s'appuyantsur les données de la préhistoire et de l'ethnologie.

Car l'époque autorise encore à croire que les sociétés "primitives" témoignent, à lafaçon de fossiles, des étapes antérieures du développement de l'humanité.

Ces recherches sont à la base de Totem et Tabou (1913), où Freud développe des thèses qui donnent lieu à de vives controverses.

Ces polémiques stimulent des travaux sur le terrain,notamment ceux de Geza Roheim.

Ceux-ci seront à l'origine d'un important courant latéral, en particulier celui de l'école "culturaliste"développée ultérieurement aux Etats-Unis. Arguments, polémiques, interdits A une psychanalyse souvent fantasmée à la faveur des passions et des préjugés sont opposées toutes sortes d'objections, allant desplus dérisoires aux plus sérieuses. Dérisoires sont les objections sommairement nationalistes, où la France, hélas, se distingue.

Dans le climat de chauvinismeorgueilleux qui règne après la victoire de 1918, on voit fleurir des considérations sur le "génie latin", la "rationalité cartésienne", la"clarté", l'"élégance", la "finesse" et autres caractéristiques de la pensée française, opposées à la "lourdeur", la "confusion",l'"obscurité" germaniques... Les objections morales sont plus virulentes encore, et guère plus sérieuses.

Si les Français y trouvent un argument supplémentairecontre la psychanalyse (cette obscénité, selon certains, ne pouvait fleurir que dans une ville aussi immorale que Vienne), ils n'en ontpas l'apanage.

En Allemagne par exemple, on met en garde contre Freud et les siens qui invitent, dit-on, les malades et toute lasociété à basculer dans la plus basse pornographie.

Toutes ces attaques sont alimentées par les maladresses de néophytesautoproclamés psychanalystes sans formation sérieuse, voire par des procédés publicitaires plus que douteux (tels ceux qu'utiliserontpendant quelque temps des prostituées londoniennes se réclamant de la psychanalyse)... Plus sérieuses semblent être les objections émises par les autorités religieuses.

Elles sont choquées par les positions de Freud,athée convaincu, qui publie en 1927 un essai au titre explicite, L'avenir d'une illusion .

Fait significatif : la psychanalyse a eu pendant longtemps beaucoup moins de succès dans les pays de tradition catholique que dans ceux de tradition protestante. Les batailles politiques viennent aggraver considérablement les choses.

La psychanalyse avait été très tôt saluée comme libératricepar beaucoup de novateurs, voire de révolutionnaires, notamment en Hongrie et au sein de l'URSS naissante.

Cela ne durera pas.

Laprogressive installation du stalinisme conduit à déclarer la psychanalyse "idéaliste", "bourgeoise" et contre-révolutionnaire : lessociétés psychanalytiques et la pratique sont dès lors interdites, les bibliothèques expurgées, etc.

L'ensemble des partiscommunistes s'alignera sur cette position, et la condamnation se fera plus dure encore pendant la "guerre froide".

Au nom dumarxisme, on accusera la psychanalyse de démobiliser les masses en mettant l'accent sur des souffrances individuelles causées enfait par le capitalisme, ou encore d'être au service de l'impérialisme américain...

Le nazisme, qui triomphe en Allemagne en 1933 ets'impose à l'Autriche en mars 1938, condamne quant à lui la psychanalyse comme "science juive" et en interdit la pratique.

A Berlin,on brûle les livres de Freud. D'un autre type, les objections rationalistes et scientifiques ont également pesé d'un grand poids sur cette histoire.

Certaines - qu'ilarrive encore d'entendre aujourd'hui - sont d'une naïveté étonnante.

Prenons par exemple l'accusation d'"irrationalité" : c'estméconnaître que Freud lui-même était un. »

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