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Sciences & Techniques: Histoire naturelle dans la grande Encyclopédie

Publié le 22/02/2012

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En 1751, l'Encyclopédie classe l'histoire naturelle parmi les connaissances relevant de la mémoire - et non de la raison. Mais son approche, ambiguë, varie d'une plume à l'autre. Elle subira, en deux décennies, de profondes transformations. Au vu de la très grande quantité d'articles de l'Encyclopédie consacrés à l'histoire naturelle et à ses branches, telles que la botanique, la lithologie ou la conchyliologie, on ne peut être que surpris du peu d'intérêt que les historiens ont porté au sujet. Que faire, il est vrai, de ces centaines de notices portant sur d'obscures plantes du Brésil ou de Malabar et qui, répertoriées pour l'essentiel sous leurs noms indigènes, ne sont pas identifiables par la plupart des taxonomistes modernes? Ou encore de la proliférante variété de domaines abordés sous la têtière " histoire naturelle " - d'" Abraxas ", " Adhatoda " et " Azoufa " à " Zacchoum ", " Zingnites " ou " Zozataquam "? La dispersion ou l'obscurité de ces écrits font qu'aux yeux d'un lecteur moderne, le point essentiel n'apparaît plus.
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« Diderot, à l'inverse, s'étend longuement sur les caractéristiques des espèces.

Dans chacune de ses notices, les parties de fleurs sontà peu près passées sous silence.

Fidèle aux principes défendus par Daubenton, il se livre à une description détaillée de chaqueespèce : hauteurs, feuilles, saisons de floraison et surtout usages.

Diderot se servira aussi beaucoup des premiers articles pourréitérer le caractère global de son programme.

Prenons les cas des notices " Abada " et " Achanaca ".

Il y fait appel aux voyageurspour obtenir des suppléments d'informations qui permettront de déterminer les usages d'espèces particulières.

Il y oppose aussi lesavoir approfondi auquel peuvent accéder les Européens sur les productions de la nature et les affirmations débridées et non prouvéesdes auteurs anciens et des peuples indigènes. Les articles d'histoire naturelle de Diderot servent aussi à dévoiler l'étendue des erreurs produites dans le passé, à attaquer lasuperstition, et à mettre l'accent sur la valeur de l'observation personnelle dans le progrès de la connaissance.

L'article " AgnusScythicus " est un réquisitoire contre les conséquences délétères de l'autorité à chaque fois qu'elle s'exerce dans le domaine de laconnaissance de la nature.

Les naturalistes du XVIIe siècle prêtaient à l'agneau végétal, cette plante imaginaire qu'ils avaient décrite,l'apparence d'un agneau et de très puissantes propriétés curatives.

Les autorités, et non des moindres, s'étaient succédé pour affirmerson existence, dont Francis Bacon lui-même.

" Ce sont, écrit Diderot , des gens dont les lumieres & la probité ne sont pas suspectes : tout dépose en leur faveur; ils sont crus, & par qui? par les premiers génies de leur tems; & voilà tout d'un coup une nuée detémoignages plus puissans que le leur qui le fortifient, & qui forment pour ceux qui viendront un poids d'autorité auquel ils n'auront ni laforce ni le courage de résister, & l'agneau de Scythie passera pour un être réel. " A travers ces mots, que veut dire Diderot? Que, dans l'affirmation de connaissances, tout philosophe doit respecter un modèle de conduite fait de modestie, de courage et de doute.

A cetégard, les articles d'histoire naturelle, pourtant peu empreints de considérations politiques radicales, renforcent malgré tout leprogramme plus général de l'Encyclopédie : la contestation de l'autorité. Une mouche singulière Dans les volumes plus tardifs, l'approche du chevalier de Jaucourt est différente.

Il pointe chaque espèce à l'intérieur de la littératurenaturaliste secondaire, relevant chaque élément de désaccord et faisant appel à un large éventail de sources mineures.

A la différencede Diderot et de Daubenton, il lui arrive de pencher en faveur d'arguments de théologie naturelle.

Un exemple : l'article qu'il consacre àla Mouche baliste, et pour lequel il s'appuie sur une lettre envoyée par l'abbé Préaux de Lisieux.

Cet abbé y raconte que, se reposantsous un arbre lors d'une chasse aux insectes , il est frappé par un petit projectile lancé par une espèce de libellule.

Il saisit l'insecte avec un mouchoir et le dépose dans un cornet de papier.

Il place dans un autre cornet certains des projectiles, des petits globules vertolive, que la mouche baliste projette par son anus.

Voilà une intéressante énigme de théologie naturelle.

L'abbé pense en effet que cesprojectiles sont en réalité des œufs.

Mais, dès lors, pourquoi la Providence permettrait-elle à cette mouche d'utiliser sa progéniturecomme des armes de jet plutôt que de la chérir avec une tendresse maternelle? " Je ne puis me lasser d'admirer les vues de la nature sur cette mouche singuliere; mais j'avoue que j'ai quelque peine à concilier des desseins qui semblent si opposés ". Malheureusement, les recherches d'histoire naturelle de l'abbé tournent court : " En arrivant chez moi, après quelques heures de chasse, je vis avec un vrai chagrin, que j'avois perdu mes deux cornets .

" Des récits bizarres comme celui-ci ne font pas que nous renseigner sur la pratique des sciences naturelles dans la France du XVIIIe siècle.

Ils nous suggèrent également que le recours auxdesseins de la Providence est plus courant que les grandes œuvres d'histoire naturelle de l'époque, telle celle de Buffon, le donnent àpenser. En un sens l'Encyclopédie témoigne donc de l'éclectisme de l'histoire naturelle au milieu du XVIIIe siècle.

Les articles considérés dansleur ensemble ne présentent pas un message uniforme.

Le gros du matériel est issu de sources plus anciennes, voire des écrits denaturalistes qui, tel Antoine-René Ferchault de Réaumur (1683-1757), sont pourtant d'implacables contempteurs de l'Histoire Naturellebuffonienne.

L'article " Abeille " rédigé par Daubenton et publié en 1751 dans le Mercure de France pour attester de la qualité del'Encyclopédie tout entière, est même totalement inspiré des travaux de Réaumur.

D'un texte à l'autre, la façon dont est décritel'espèce, en tant qu'entité naturelle véritable, varie.

Le doute sur les systèmes et méthodes de classification est général et s'étend, àtravers de nombreuses critiques, au système du naturaliste suédois Charles Linné (1707-1778).

Le Créateur se voit investi de rôles variés, depuis le scepticisme de Daubenton à l'égard du pouvoir de l'homme de reconnaître l'ordre naturel et divin jusqu'auprovidentialisme naïf des collaborateurs isolés. Tous les auteurs s'entendent pourtant sur un point : l'importance considérable de l'histoire naturelle pour le bonheur humain.

Outre queses cabinets de curiosités contribuent aux progrès des arts, ils sont un plaisir pour les yeux, et leur fréquentation associe patriotisme,divertissement, instruction et bon goût.

Comme l'affirme l'article " Histoire naturelle " : " on a trouvé le moyen de racourcir & d'applanir la surface de la terre en faveur des Naturalistes; on a rassemblé des individus de chaque espece d'animaux & de plantes, & deséchantillons des minéraux dans les cabinets d'Histoire naturelle.

On y voit des productions de tous les pays du monde, & pour ainsidire un abregé de la nature entiere. " Des voyageurs en fauteuils peuvent approcher des animaux sauvages et féroces " sans peine & sans crainte ".

Encore n'est-ce pas la seule fonction de ces lieux.

Ils donnent aussi à voir tout ce que la nature dissimule avec art : le travail des entrailles de la terre , la minutieuse architecture des insectes et la conformation interne des animaux.

" Quiconque est animé du desir de s'instruire, doit à cet aspect se trouver heureux de vivre dans un siecle si favorable aux sciences, & il se sentirapénetrer d'une nouvelle ardeur pour l'Histoire de la nature. " Une catégorie trop générale L'attrait universel de l'histoire naturelle proclamé ici est toutefois quelque peu tempéré par les transformations profondes quiinterviennent durant les deux décennies allant de 1750 à 1770.

Dans les volumes publiés après la suppression temporaire de l'œuvreen 1759, le nombre d'articles diminue nettement, quel que soit le sujet traité.

L'analyse corrigée du phénomène révèle pourtant unetendance intéressante.

Alors que dans les subdivisions internes de l'histoire naturelle, telle que l'ichthyologie, la lithologie, la. »

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