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Sciences & Techniques: El Niño, le retour d'une énigme d'eau et de vent

Publié le 22/02/2012

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El Nino, un dérèglement climatique ? On croyait voir l'oeuvre d'une clepsydre dans ses retours périodiques. Las, son irrégularité renvoie encore les climatologues à leurs modèles, et les habitants d'un océan pourtant pacifique à la crainte de son retour. Rappelons-nous l'hiver 1982-1983 et les cataclysmes en série qui l'avaient accompagné. Au Pérou et en Équateur, des régions côtières habituellement désertiques avaient connu des inondations sans pareilles. Au large de ces côtes, les eaux d'ordinaire très peuplées de poissons et d'oiseaux avaient été désertées… De l'autre côté du Pacifique, les archipels indonésiens et philippins n'avaient pas subi leurs coutumières trombes d'eau tropicales. Ces dernières avaient en revanche littéralement lessivé certains atolls du centre-Pacifique. Manquant d'eau, le bush australien, lui, avait été ravagé par le feu. Au nord-est, la Californie avait vu se succéder tempêtes et lames de fond, tandis que le Middlewest n'avait jamais connu hiver si rude, et que, bien plus loin, l'Afrique du Sud avait été frappée de sécheresse.

« De même, la prescription des variations de la température de surface de l'océan dans un modèle de circulation généraleatmosphérique permettait de suivre tout l'événement atmosphérique.

Il fallait donc comprendre l'évolution des échanges à l'interfaceentre mer et air et travailler sur les mécanismes de couplage. On montra vite que le couplage océan-atmosphère générait de l'instabilité.

Une anomalie chaude de température de l'océan, parexemple, entraîne un réchauffement de l'atmosphère par dégagement de chaleur latente.

Il en résulte une anomalie de convection : l'airchauffé accentue l'ascendance atmosphérique au-dessus des régions chaudes de l'océan alors que son affaissement est renforcé àl'est et à l'ouest.

Les vents de surface présents normalement dans la zone de l'anomalie convergent vers elle.

Ils entraînent dans leursillage les eaux chaudes des couches de surface océaniques qui intensifient l'anomalie initiale. De nombreux modèles simples ont exploré les différents aspects de ce couplage.

Ils ont amené les chercheurs vers des niveauxsupérieurs de raisonnement qui permettent d'affiner la description du phénomène au prix d'un accroissement important de sacomplexité.

On a ainsi introduit un déphasage du couplage dû à des effets de déplacements zonaux des masses d'air ou d'eau(mouvements horizontaux ou d'advection).

De la même façon, on a raisonné sur le couplage lui-même : la complexité de la relationentre le signal atmosphérique de surface (l'anomalie de température par exemple) et la structure des couches superficielles de l'océanjoue un rôle non négligeable.

Il reste qu'un grand nombre de configurations théoriques entraînent une amplification du processus. La difficulté rencontrée par les théoriciens n'est pas l'instabilité elle-même, mais sa genèse et son amortissement.

Pour décrire cesétapes, il faut s'appuyer sur des mécanismes maritimes ondulatoires.

Ils expliquent la propagation du signal océanique loin de sesorigines, ainsi que la phase d'amortissement observée lors du retour aux conditions normales. Les ondes océaniques équatoriales sont peu amorties et transportent l'information, provenant de l'anomalie, de part et d'autre del'océan en quelques semaines (de 20 jours à 2 mois).

Leur " signal " est surtout marqué dans la région de la " thermocline "océanique.

Deux modes de propagation sont particulièrement importants : les ondes de Kelvin, qui se déplacent d'ouest en est (avecun maximum le long de l'équateur), et les ondes de Rossby qui se propagent dans le sens contraire (avec un maximum à 5°N et unautre à 5°S). Lorsque l'une de ces ondes intercepte le bord du bassin, elle s'y réfléchit tout en gardant certaines propriétés.

Ainsi, une onde deKelvin, associée à un mouvement d'enfoncement de la thermocline, va repartir en sens inverse sous forme d'une onde de Rossby quiva intensifier cet enfoncement, et inversement. Supposons une anomalie de vent d'ouest dans le Pacifique central.

Ces vents entraînent les eaux de surface vers l'est.

La couchesuperficielle a tendance à s'amincir en amont du coup de vent et à s'enfoncer en aval.

Cet enfoncement s'équilibre vers l'est par uneonde de Kelvin qui se propage rapidement (3 m/s) car dans la partie orientale de l'océan pacifique, la thermocline remonte jusqu'à 50mètres au-dessous de la surface.

L'effet d'entonnoir a tendance à favoriser la propagation des ondes.

De plus, comme l'épaisseur de lacouche supérieure homogène en température y est faible, l'enfoncement de la thermocline créé par le passage de l'onde se répercutedirectement sur la température de surface qui augmente.

Le réchauffement de la surface océanique induit rapidement celui de l'airplacé au-dessus.

Le couplage entre les mouvements de la thermocline et la température de l' atmosphère est ainsi d'autant plus vif que cette zone de séparation est plus superficielle.

C'est la caractéristique de la partie orientale du Pacifique équatorial.

Celle-ci seréchauffe donc globalement. En revanche, vers l'ouest, le coup de vent engendre une remontée de la thermocline.

Il a, en effet, entraîné des eaux chaudes desurface provoquant un " déficit " dans la direction opposée.

La remontée de la thermocline se propage sous la forme d'une onde deRossby.

En se réfléchissant contre les côtes des Philippines ou de la Nouvelle-Guinée, cette onde se transforme en une onde deKelvin.

Mais celle-ci garde la propriété de faire remonter la thermocline et revient sur l'anomalie initiale pour l'éroder.

Dans cette régioncependant, la thermocline est profonde (environ 200 m).

Ces mouvements affectent peu la température de surface de l'océan et doncl'atmosphère. Résumons : si la thermocline est profonde, la température de surface de l'océan évolue de manière indépendante de la dynamiqueocéanique.

C'est le régime caractéristique de la région occidentale de l'océan Pacifique tropical.

Les mouvements de cette zone dediscontinuité thermique accompagnant la propagation des ondes vont s'y produire sans véritable impact sur la circulationatmosphérique.

En revanche, si les eaux froides sont proches de la surface – c'est le cas dans la partie orientale du Pacifique – latempérature superficielle de l'océan est fortement réactive aux variations de profondeur de la thermocline et la circulationatmosphérique en est rapidement affectée.

L'existence de ce contraste est la base du modèle conceptuel que nous venons de décrire,celui de " l'oscillateur retardé ". Prévoir l'anomalie En fin d'année 1986, la première " prévision " basée sur ce modèle indiquait la survenue de conditions " El Nino " : l'hiver 1986-1987connut effectivement le développement d'une anomalie chaude caractéristique.

Dès lors, un effort considérable fut entrepris pourétendre les prévisions : les modèles pouvaient-ils prévoir les autres événements ENSO? A quelle échelle de temps les prévisionsétaient-elles fiables? Quels en étaient les impacts régionaux? L'El Nino suivant, celui de l'hiver 1992-1993, fut aussi annoncé dès l'été 1992.

L'énigme semblait résolue puisque sur la base d'unmodèle simple, on pouvait désormais anticiper l'arrivée de l'anomalie.

Pourquoi continuer à investir dans des approches plus. »

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