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SARTRE: L'argument décisif utilisé par le bon sens contre la liberté consiste à nous rappeler notre impuissance.

Publié le 27/02/2008

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L'argument décisif utilisé par le bon sens contre la liberté consiste à nous rappeler notre impuissance. Loin que nous puissions modifier notre situation à notre gré, il semble que nous ne puissions pas nous changer nous-mêmes. Je ne suis « libre » ni d'échapper au sort de ma classe, de ma nation, de ma famille, ni même d'édifier ma puissance ou ma fortune, ni de vaincre mes appétits les plus insignifiants ou mes habitudes. Je nais ouvrier, Français, hérédo-syphilitique ou tuberculeux. L'histoire d'une vie, quelle qu'elle soit, est l'histoire d'un échec. Le coefficient d'adversité des choses est tel qu'il faut des années de patience pour obtenir le plus infime résultat. Encore faut-il « obéir à la nature pour la commander », c'est-à-dire insérer mon action dans les mailles du déterminisme. Bien plus qu'il ne parait « se faire », l'homme semble « être fait » par le climat et la terre, la race et la classe, la langue, l'histoire de la collectivité dont il fait partie, l'hérédité, les circonstances individuelles de son enfance, les habitudes acquises, les grands et les petits événements de sa vie. Cet argument n'a jamais profondément troublé les partisans de la liberté humaine : Descartes, le premier, reconnaissait à la fois que la volonté est infinie et qu'il faut « tâcher à nous vaincre plutôt que la fortune ». C'est qu'il convient ici de faire des distinctions ; beaucoup des faits énoncés par les déterministes ne sauraient être pris en considération. Le coefficient d'adversité des choses, en particulier, ne saurait être un argument contre notre liberté, car c'est par nous, c'est-à-dire par la position préalable d'une fin, que surgit ce coefficient d'adversité. Tel rocher, qui manifeste une résistance profonde si je veux le déplacer, sera, au contraire, une aide précieuse si je veux l'escalader pour contempler le paysage. En lui-même - s'il est même possible d'envisager ce qu'il peut être en lui-même - il est neutre, c'est-à-dire qu'il attend d'être éclairé par une fin pour se manifester comme adversaire ou comme auxiliaire. SARTRE

Ce texte de Jean-Paul Sartre prend la liberté pour thème ; il s’agit en effet d’une discussion autour de la thèse déterministe, c’est-à-dire qui nie la liberté humaine. Cette thèse est attribuée au bon sens, c’est-à-dire qu’elle renvoie à la conception commune que l’on se fait de la condition de l’homme dans le monde et de sa liberté. Cette conception se résume dans la phrase : « L’histoire d’une vie, quelle qu’elle soit, est l’histoire d’un échec. « Le terme d’échec doit se prendre dans le sens très précis d’obstacle : autrement dit, la vie humaine viendrait toujours buter contre des limites, des obstacles, des empêchements, qui sont autant d’arguments contre la liberté ; les hommes seraient ainsi toujours « tenus en échec «, parce que nombre de choses ne dépendent pas d’eux : leur milieu social, leur nationalité, leur santé personnelle, etc.

Or, Sartre entend bien rectifier cette conception, au nom de la liberté elle-même. Pour ce faire, il passe en revue la conception déterministe du sens commun et la confronte à la conception cartésienne de la liberté telle qu’elle s’exprime dans les Méditations métaphysique. C’est sur cette base que Sartre produit le concept de « situation «, notamment grâce à l’exemple du rocher ; l’idée de situation permet ainsi de penser que les choses ne sont pas ce qui nous tient en  échec, mais ce qui oppose un coefficient d’adversité plus ou moins grand à mon action. En somme, c’est en agissant que nous posons ce qui nous fait obstacle ou non et ce n’est pas, à l’inverse, les obstacles qui déterminent l’étendue de notre action.

 

 

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« Or, c'est précisément de cette thèse paradoxale que Sartre fait surgir le concept de « situation » (même si le terme n'apparaît pas dans le texte).

En effet, Sartre ne dit pas que si je suis né tuberculeux (pour prendre l'exemplede la maladie), je pourrais guérir miraculeusement.

L'argument en faveur de la liberté est plus nuancé : il s'agit decomprendre que le milieu dans lequel se trouve l'homme n'est jamais en soi un obstacle ; il « est », c'est tout.

De lamême manière pour le rocher : je le trouve, massif, face à moi.

Or, c'est uniquement mon projet, la fin ou le but queje poursuis, qui l'éclaire d'une certaine manière.

Si je veux déplacer le rocher pour voir le paysage, mon projet me lemontre comme un adversaire insurmontable.

Mais, si je décide de l'escalader pour voir le paysage, à ce moment lerocher est un auxiliaire, qui me permet d'élargir mon panorama. Le milieu, qui soi-disant conditionne l'homme, n'est donc qu'une situation, c'est-à-dire une manière d'être au monde.

Ce sont mes projets qui vont me permettre de tirer avantage de cette situation.

Autrement dit, ce quim'entoure et ce que je suis n'est pas ce qui m'empêche d'agir et me condamne, mais c'est mon action, les projetsque je forme, qui font surgir ce qui peut m'aider ou non à les réaliser.

C'est donc bien en agissant que nous posonsce qui nous fait obstacle ou non et ce n'est pas, inversement, les obstacles qui déterminent l'étendue de notreaction (notamment, en la limitant). La thèse de Sartre éclaire bien le paradoxe de Descartes : il ne s'agit pas de nier que nous naissons toujours dans un milieu qui nous préexiste ; en ce sens, les déterministes ont raison : je dois m'insérer dans les mailles dumonde.

Mais, ce milieu n'est qu'une situation, c'est-à-dire un point d'origine pour mon action et une réserve d'outilset d'obstacles.

À nous de savoir tirer profit des outils à disposition ; à nous également de tourner les obstacles ànotre profit.

SARTRE (Jean-Paul). Né et mort à Paris, en 1905 et 1980. Il fait ses études au lycée Henry IV.

Elève de l'Ecole Normale supérieure de 1924 à 1928, il fut reçu premier àl'agrégation de philosophie, en 1929.

De 1931 à 1944, il fut professeur de lycée.

Il demanda et obtint un congé en1945.

- La pensée de Sartre est influencée par Hegel, Husserl et Heidegger.

Ses premières recherchesphilosophiques ont porté sur l'imaginaire et l'imagination, qui consiste à se rendre présent un objet tenu pour absent.« L'acte d'imagination est un acte magique : c'est une incantation destinée à faire apparaître la chose qu'ondésire.» — La liberté se traduit par le retrait, c'est-à-dire la capacité de voir, dans ce qui est, ce qui n'est pas.

Laconscience, qui est liberté et intentionnalité, est néantisation.

« La néantisation est l'acte par lequel la consciencese libère de l'en-soi en le pensant...

Le pour-soi surgit comme néantisation de l'en-soi.

» Sartre définit ainsi l'en- soi: « Il faut opposer cette formule : l'être en soi est ce qu'il est, à celle qui désigne l'être de la conscience (le pour-soi) : celle-ci en effet a à être ce qu'elle est...

L'être en-soi n'a pas de dedans qui s'opposerait à un dehors...

L'en-soi n'a pas de secret : il est massif.» L'en-soi désigne souvent, pour Sartre, la réalité matérielle.

Sa définition dupour-soi : « Le pour-soi, c'est l'en-soi se perdant comme en-soi, pour se fonder comme conscience.

» — Le pour-soiest une manière pour l'en-soi d'être sur le mode du non-être.

L'existence de la conscience porte témoignage del'existence des choses.

La conscience est fascinée par ce qu'elle connaît :« son être est de n'être pas ce à quoi elleest présente.

» — « Le pour-soi est pour autrui.

» Sartre analyse l'autre et en rend compte par le trouble et larésistance qu'il provoque en nous.

Il définit : « Autrui, c'est l'autre, c'est-à-dire le moi qui n'est pas moi.

» Ladécouverte de l'autre est un conflit, où les deux parties se posent toujours, l'une comme sujet, l'autre comme objet.Il n'y a jamais deux sujets face à face.

« L'enfer, c'est les autres.

» — Son analyse du projet conduit Sartre à posercomme termes synonymes : être et faire.

Pour lui, l'existence précède l'essence.

— Telle est, succinctement etterminologiquement exposée, une doctrine qui est encore en plein accomplissement.. »

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