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SARTRE et La Honte.

Publié le 30/10/2009

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SARTRE et La Honte.

« (...) La honte dans sa structure première est honte devant quelqu'un. Je viens de faire un geste maladroit ou vulgaire : ce geste colle à moi, je ne le juge ni ne le blâme, je le vis simplement (...). Mais voici tout à coup que je lève la tête : quelqu'un était là et m'a vu. Je réalise tout à coup toute la vulgarité de mon geste et j'ai honte. (...) J'ai honte de moi tel que j'apparais à autrui. Et, par l'apparition même d'autrui, je suis mis en mesure de porter un jugement sur moi-même comme sur un objet, car c'est comme objet que j'apparais à autrui. Mais pourtant cet objet apparu à autrui, ce n'est pas une vaine image dans l'esprit d'un autre. Cette image en effet serait entièrement imputable à autrui et ne saurait me « toucher «. Je pourrais ressentir de l'agacement, de la colère en face d'elle, comme devant un mauvais portrait de moi, qui me prête une laideur ou une bassesse d'expression que je n'ai pas; mais je ne saurais être atteint jusqu'aux moelles : la honte est, par nature, reconnaissance. Je reconnais que je suis comme autrui me voit. « Sartre, L'Être et le Néant.

Quelle est l'idée générale du texte? Sartre nous y fait découvrir, à travers l'analyse du concept de honte, la caractéristique générale de notre être comme être-pour-autrui. Ce qui définit l'altérité humaine, c'est la notion de reconnaissance, c'est-à-dire l'action par laquelle j'admets la présence d'autrui et par laquelle je lui donne une valeur fondatrice.  En mettant le concept de reconnaissance au centre même de la relation intersubjective, Sartre admet implicitement qu'au plus profond de cette relation se situe un élément conflictuel, ce qui n'est pas sans poser problème, et nous apparaît même comme le problème essentiel posé par ces lignes.  Voici l'organisation du texte. Après la première proposition (La honte... devant quelqu'un), Sartre, dans les lignes suivantes (Je viens... vis simplement) souligne la nature d'un phénomène psychique réalisé sur le simple mode du « Pour-soi « (Il est exempt de toute tonalité ou signification affectives). Par opposition à ce vécu simplement pour-soi, toute la suite du texte, pas à pas, met en valeur phénoménologiquement la dynamique affective de la honte comme « pour autrui «. De « Mais voici « à « tel que j'apparais à autrui «, Sartre dégage le phénomène de l'apparition. Dans la ligne suivante, il exprime le thème de « l'objectivité «, de la constitution comme « objet «. Toute la fin du paragraphe, de « Mais pourtant « jusqu'à « je n'ai pas «, différencie l'objet que je suis devant autrui d'une simple image. Ainsi, par trois étapes successives (Apparition. Objet. Différence de l'objet et de l'image), Sartre dresse une phénoménologie de l'expérience d'autrui.  La dernière phrase (Mais je... me voit) met à jour le concept de reconnaissance comme interne à la honte. Nous avons enfin la conclusion (provisoire) de l'exposé.   

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« C'est à travers un exemple que Sartre me fait saisir le surgissement d'autrui.

En opposition avec la situationprécédente, où autrui était absent, voici que, brusquement et soudainement, autrui apparaît dans mon champ et semanifeste comme regard : autrui me voit et me fait être sous son regard.

Or, ici, autrui me regardant engendre lesentiment de honte, tout à l'heure inexistant.

Mon geste « bas » et « sans élévation » parvient brutalement àl'existence.

En somme, le geste vulgaire acquiert soudainement une consistance et un être, une réalité : tout àl'heure sans Être, mon geste désormais existe.

La honte, elle aussi, existe désormais comme sentiment.

C'est dansma manifestation pour autrui, dans mon aspect extérieur pour l'autre, que je nais au sentiment de mon indignité etde mon insuffisance.

C'est la manière dont je me présente à autrui qui engendre mon humiliation.

Autrui, c'est-à-direle Moi qui n'est pas Moi, me fait brutalement acquérir une existence dans son regard et sous son regard.b) Et, par l'apparition...

c'est comme objet que j'apparais à autrui.Dans ce deuxième « sous-paragraphe », Sartre dégage la racine du sentiment de honte qui se manifeste en moi :cette racine, c'est le jugement d'objectivité que je porte sur moi-même à partir du moment où se présentifie leregard d'autrui.

Autrui apparaît dans mon champ d'existence : du même coup, je me saisis comme objectivité sousce regard d'autrui.

Qu'est-ce qu'un objet? Ce terme vient du latin objectum, ce qui est placé devant, de objicere,jeter devant. L'étymologie est ici bien significative.

Par le regard, je suis jeté devant autrui, placé devant lui, je deviens unechose affectant les sens et la vue.

Ainsi me voici, par le regard, transformé en un objet, c'est-à-dire en une sortede « chose solide », en une réalité se donnant directement aux sens.

Ô maléfices du regard ! Il a transformé lepour-soi et la conscience en un en-soi, en une réalité objective.

Désormais je m'évalue en tant qu'objet, j'énonce unjugement sur moi-même comme si j'étais une réalité objective! c) Mais pourtant cet objet...

que je n'ai pas. La phénoménologie de notre être-pour-autrui et de la honte doit conduire à une réelle distinction de l'objet que jesuis pour autrui et de l'image dans l'esprit de l'autre.

Si je suis objet, cet objet-pour-autrui doit être distingué del'image, du simple reflet immobile de moi-même dans la conscience d'autrui.

Une image, un portrait statique de moi-même en autrui, une reproduction affaiblie, ne comporteraient pas de charge affective puissante.

L'objet que je suisn'est pas une simple image, mais le produit d'un travail spirituel par lequel j'acquiesce à ce que je suis devant autrui.L'objet, ce n'est pas mon reflet passif, c'est moi m'inclinant devant un sujet tout puissant.

Notons ici que le termed'image véhicule pour Sartre, dans cette partie du texte, une connotation très passive.

Mais il est visible que lephilosophe veut seulement mettre en évidence que mon apparition pour autrui est non pas un reflet, mais le fruitd'une lutte, dans la mesure où elle m'atteint de façon puissante.

Mon objet pour autrui, c'est bien autre chose qu'unpâle reflet de moi-même : c'est mon pour-soi traîné devant autrui, qui s'empare de ma présence et de ma libretranscendance.Mais je...

comme autrui me voit.Ainsi, nous savons maintenant ce qu'est mon sentiment d'humiliation, ce qu'est ma honte.

Elle ne me renvoie pas àquelque pâle image de moi-même.

Elle me renvoie à mon existence objectivée par tous les maléfices d'autrui, àl'action par laquelle j'admets la présence d'autrui et lui accorde une valeur positive et fondatrice.

Dans la honte, jereconnais autrui, c'est-à-dire admets sa supériorité, sa possibilité de me juger et de me transcender.

Dans la honte,j'accepte bien autre chose qu'une pâle image de moi-même : je dis que je suis comme autrui me voit, qu'il luiappartient de me juger et de dépasser ma liberté.

Ainsi l'opération de ma reconnaissance (au sens fort du terme)est constitutive de mon sentiment de honte et de mon humiliation.

Je reconnais pour maître cet autrui qui meregarde et me juge.

J'en fais le « souverain ». Intérêt philosophique du texte L'intérêt philosophique de ce texte est (au moins) double.

Il permet, à travers l'expérience de la honte, de saisirl'existence du pour-autrui comme constitutive de mon être dans le monde (A).

Il permet de bien comprendre lanotion de reconnaissance, comme notion centrale (B). A) L'être-pour-autrui. Ce que Sartre, à la suite de Hegel, met magistralement en évidence dans ce texte, c'est l'irruption du pour-autruidans la conscience et son rôle dans la constitution de nos projets et de nos choix dans le monde.

Si la philosophieclassique n'a guère souligné le rôle fondateur d'autrui dans la genèse du pour-soi, par contre la réflexion moderne, etce depuis le XIXe siècle (Hegel) a bien saisi qu'autrui n'est pas extérieur à ma conscience, mais qu'il donne un senset une valeur à mes projets et à mes actes.

Tant qu'autrui ne se manifeste pas dans mon champ existentiel, mesactes « collent » en quelque sorte à moi.

Lorsqu'un autrui fait irruption dans mon univers, voici que mes projetsprennent un sens par rapport à autrui et en fonction d'autrui.

Autrui me crée et me fonde.

L'intérêt philosophique dutexte est évident dans cette perspective.

Sartre y analyse judicieusement la présence d'autrui, et la honte-devant-autrui.Notons que Sartre, dans ces lignes, met bien en évidence le rôle du regard.

Quand autrui me regarde, il m'objective.C'est dans le regard et par lui qu'autrui se fait le médiateur entre moi et moi-même.

Ces analyses, célèbres, sontvraies, dans une large mesure : le regard d'autrui est certainement constitutif d'une partie de mon être au monde. B) Le concept de reconnaissance. Ce concept, avant Sartre, a bien été analysé et creusé par Hegel dans la Phénoménologie de l'Esprit.

Hegel a décrit,. »

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