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Sait-on ce qu'on désire quand on est amoureux ?

Publié le 27/02/2008

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En effet, la prêtresse qui enseigne l'amour à Socrate lui rappelle que « la génération est pour un mortel quelque chose d'immortel et d'éternel ». Le désir amoureux est désir d'immortalité à travers l'enfantement au contact du beau. Si le désir amoureux est souffrance, il l'est à deux titres: comme naissant d'un manque douloureux; et parce qu'il est aussi ce trop plein qui demande à se décharger, faisant de l'enfantement cette manière de continuer à vivre éternellement à travers sa progéniture. En ce sens, là où l'amoureux croit désirer cet autre particulier, son désir ne fait qu'exprimer d'une part cette ascension vers l'universel des essences, et d'autre part, ce voeu d'éternité que chacun nourrit en secret: dans les deux cas, l'amoureux se trompe en s'attardant sur la figure de l'autre puisqu'il est en fait en quête d'absolu. II.La cristallisation: l'autre, c'est moi Dans le Rouge et le Noir, Stendhal nous invite à une comparaison: celle entre une branche de rameau recouverte par les crystaux du gel, et la passion amoureuse. Par ce rapprochement, il s'agit de saisir la dynamique intrinsèquement narcissique du désir amoureux. Qu'est-ce que j'aime en l'autre? Certaines qualités, certes, et il serait difficile d'en tirer une liste exhaustive. Soyons plus exact, nous parlerons d'une combinaison d'attributs, de qualités qui le rendent si particulier à mes yeux.

« Cet extrait du Banquet de Platon s'ouvre sur le discours de Diotime, prêtresse (sans doute imaginaire) de Mantinée, qui doit révéler à Socrate les mystères de l'amour.

Le terme « mystère » doit d'ailleurs être pris ici au sens fort carcette scène évoque ce genre d'initiation que les Grecs connaissaient, comme dans les mystères d'Éleusis parexemple, où les initiés parvenaient finalement à une ultime révélation et contemplation mystique après toute unesérie d'étapes préparatoires.

Toutefois, malgré le parallèle sur lequel joue Platon dans cette scène, il ne s'agit pas ici d'une révélation mystique mais d'un mouvement graduel et philosophique (ou « dialectique ») vers l'Idée du Beau,dans toute sa pureté.

Ce mouvement doit nous révéler qu'à son stade ultime, l'amour aboutit à la contemplation decette Idée.

L'amoureux est, en définitive, toujours amoureux du Beau absolu, à travers l'attraction qu'il éprouve pourses incarnations sensibles, que ce soit la beauté des corps, des âmes ou des connaissances, et où il ne perçoitencore que confusément la splendeur de l'Idée qui se révèle dans tout son éclat hors de toute participation à lamatière.

Ces derniers exemples forment d'ailleurs les degrés successifs qui nous rapprochent progressivement del'Idée pure : « la vraie voie de l'amour [...] c'est de partir des beautés sensibles et de monter sans cesse vers cettebeauté surnaturelle en passant comme par échelons d'un beau corps à deux, de deux à tous, puis des beaux corpsaux belles actions, puis des belles actions aux belles sciences ».

L'amoureux qui atteindra cette Idée est donc celuiqui s'affranchira graduellement de sa participation à la singularité des corps sensibles et l'embrassera dans toute sagénéralité, avec à chaque fois plus d'ampleur et à un niveau toujours plus abstrait.

C'est pourquoi l'amour des bellessciences, qui vient après celui des beaux corps est un progrès vers la connaissance de l'Idée, puisque les sciencessont intelligibles et moins incarnées dans la matière que les corps.Le dernier degré de l'amour, celui que peut atteindre par exemple le philosophe, amoureux du Bien et du Beau,puisque son titre signifie précisément « amoureux de la sagesse », est celui où l'on pourra enfin contempler le Beaudans toute sa pureté intelligible.

Cette dernière expression signifie que cette contemplation se fera non pas avecl'oeil mais avec l'esprit ou, comme l'écrivait Platon , avec l'intelligence ou « oeil de l'esprit ».

Il contemplera alors une réalité qui ne possède aucun des caractères de la matière sensible, une « beauté qui ne se présentera pas à sesyeux comme un visage, ni comme des mains, ni comme une forme corporelle ».

Elle ne se présentera pas même «comme un raisonnement, ni comme une science », lesquels, malgré leur abstraction, restent encore trop pris dans ledomaine du sensible auquel ils se réfèrent.

Cette beauté, purement intelligible, nous permet enfin de sortir de larelativité des jugements que ses incarnations sensibles suscitaient auparavant.

Alors que la beauté des corps esttoujours relative à ce à quoi on la compare, comme l'avait montré le dialogue de Platon intitulé Hippias (la beauté d'un humain est relative à celle d'autres humains et inférieure à celle d'une déesse), il se trouve aussi toujours despersonnes pour affirmer laid ce qu'une autre trouvera beau.

Or, la beauté intelligible échappe à cette relativité carelle n'est pas matérielle : « beauté qui n'est point belle par un côté, laide par un autre, belle en un temps, laide enun autre, belle sous un rapport, laide sous un autre, belle en tel lieu, laide en tel autre, belle pour ceux-ci, laide pourceux-là ».

On dira alors qu'elle n'est pas relative mais absolue. II.

La cristallisation: l'autre, c'est moi Dans le Rouge et le Noir , Stendhal nous invite à une comparaison: celle entre une branche de rameau recouverte par les crystaux du gel, et la passion amoureuse.

Par ce rapprochement, il s'agit de saisir la dynamiqueintrinsèquement narcissique du désir amoureux.

Qu'est-ce que j'aime en l'autre? Certaines qualités, certes, et ilserait difficile d'en tirer une liste exhaustive.

Soyons plus exact, nous parlerons d'une combinaison d'attributs, dequalités qui le rendent si particulier à mes yeux.

D'où viennent ses qualités? Stendhal nous propose d'envisagerqu'elles puissent venir tout simplement de nous.

Par un mécanisme de projection, je réduis l'autre à un être unsupport de ce que je voudrais qu'il soit.

Je projette sur lui certaines qualités que je désirerai qu'il ait, je projette surlui ce que je voudrais qu'il soit, je le réinvente à ma façon, le façonne selon mes exigences. Tant et si bien que ce n'est plus l'autre que j'aime, que je désire, mais c'est moi que je désire, que l'aime à traverslui.

En effet, ce qui me plaît en lui n'est rien de moins que cet ensemble de qualités que je projette sur lui: ce quej'aime en lui, c'est moi à travers tous ces attributs que j'ai cristallisé sur lui comme le gel se cristallise sur la branchede rameau.

Je m'aime à travers l'autre. On sait que Narcisse, à force d'admirer son reflet sur la surface de l'eau finit par s'abimer en lui: il sombre et se noiedans l'eau.

De même, l'amoureux ne peut faire perdurer son entreinte avec lui-même à travers l'autre éternellement.L'autre finit bien par se révéler autre, autre que ce qu'il veut qu'il soit: peu à peu la vérité fissure l'édificefantasmatique qu'il a construit autour de lui: il apparaît dans sa vérité.

Le désir amoureux n'est alors quête que de miroir: je me désire sans cesse à travers l'autre, je veux me mirrer en lui: le désire amoureux n'est qu'un désireabsolu et radical de soi.

Preuve en est de ce que nous nommons coup de foudre : je ne connais pas l'autre et déjà je l'aime.

Dans ce cas précisément, le fait de ne pas connaître l'autre est un atout qui me permet de coller sur lui tousles visages que je désire sans jamais une seule fois qu'il vienne me contredire. Sartre: entre désir d'absolu et désir de soi apparaît le désir de l'être III. Dans le Traumatisme de la naissance , Otto Rank nous rappelle que le foetus qui baigne dans le liquide amniotique vit dans un état fusionnel avec la mère, avec le tout pour ainsi dire.

Et la naissance est un traumatisme parcequ'elle nous sépare de ce tout: nous advenons alors comme être humain séparé.

Mais l'humain garde une nostalgiede cet état de complétude, il voudrait redevenir ce tout.

Sartre nous dit que ce désir apparaît en lui sous la formed'un vide (néant d'être) qu'il ne cesse illusoirement et inconsciemment de vouloir combler.

Et c'est bien ainsi quenaît pour la conscience le désir, celui d'être le tout de l'être: en un mot, le désir d'être Dieu. Quoiqu'il en soit, ce néant d'être, ce vide où apparaît le désir est proprement insupportable à l'homme: il voudrait. »

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