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RUSSELL: la vérité des faits

Publié le 24/03/2005

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Il semble assez évident que, s'il n'y avait pas de croyance, il ne pourrait y avoir rien de faux ni rien de vrai, dans le sens où le vrai est un corrélatif du faux. Si nous imaginons un monde uniquement matériel, il n'y aurait là aucune place pour le faux et bien qu'il dût contenir ce qu'on peut appeler « des faits », il ne contiendrait pas de vérités dans le sens où le vrai est une entité du même ordre que le faux. En réalité, le vrai et le faux sont des propriétés que possèdent les croyances et les affirmations ; par conséquent, dans un monde purement matériel qui ne contiendrait ni croyances, ni affirmations, il n'y aurait place, ni pour le vrai, ni pour le faux. Mais, comme nous venons de le remarquer, on peut observer que la conformité ou la non-conformité d'une croyance à la vérité dépend toujours de quelque chose qui est extérieur à la croyance même. Si je crois que Charles 1er d'Angleterre est mort sur l'échafaud, je crois à quelque chose de vrai, non par suite d'une qualité intrinsèque de ma croyance, qualité qui pourrait être découverte simplement en analysant ma croyance, mais à cause d'un événement historique qui s'est passé il y a plus de trois siècles. Si je crois que Charles 1er est mort dans son lit, l'objet de ma croyance est faux ; la force d'une telle croyance ou le soin pris pour la former ne peuvent empêcher l'objet d'être faux, encore une fois à cause de ce qui s'est passé en 1649 et non à cause d'une qualité intrinsèque de ma croyance. Ainsi, bien que la vérité ou la fausseté soient des propriétés de la croyance, ces propriétés dépendent des rapports existant entre les croyances et les autres choses et non d'une qualité intérieure des croyances. RUSSELL

En toute sincérité, une personne peut énoncer une proposition fausse : sa bonne foi ne saurait être mise en cause. Mais son erreur provient de la non-correspondance entre ce qu'elle formule et les faits auxquels se réfère sa proposition. Lorsqu'on confond les concepts de vérité et de réalité, on sous-entend que la vérité est une qualité du monde lui-même, que l'esprit n'aurait qu'à reproduire. Mais en lui-même, le monde n'est ni vrai ni faux : il est simplement là. C'est pourquoi la vérité ou la fausseté d'un jugement en désignant un aspect ne vient ni de lui, ni de l'adhésion de l'esprit à son propre jugement, que Russell nomme « croyance « : dans chaque cas, c'est le rapport entre la croyance et les faits qui lui sont extérieurs qui doit être examiné.  

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« première), comme résultat d'une réflexion que je croyais bonne.

C'est donc que sa fausseté ne dépend ni de saforme, ni de la puissance d'adhésion qu'elle peut entraîner, mais uniquement de sa non-coïncidence avecl'événement dont elle prétend rendre compte. [III.

Les croyances et les faits] L'exemple utilisé par Russell suggère déjà que vérifier la vérité d'une croyance n'est pas forcément facile : il faut aumoins, dans le cas de Charles 1er, avoir une connaissance des « faits » historiques, faire confiance aux historienseux-mêmes, etc.

Or, cette difficulté n'est pas propre aux faits passés : on la constate aussi bien lorsque lacroyance se réfère à un fait présent, car dans tous les cas se pose un problème de correspondance entre levocabulaire utilisé dans le jugement ou la croyance et les faits auxquels il se réfère.

Ainsi, pour vérifier la vérité dela croyance selon laquelle « l'eau bout à cent degrés », il faut évidemment que le mot « eau » désigne toujours lemême liquide, et que le mot « degrés » se réfère à un système de graduation de la température claire, mentidentifié, mais il faut aussi que soit précisément défini le « fait » que l'on nomme « ébullition » et que soit constituéela possibilité de mesurer l'élévation de la température (intervention d'un thermomètre, même élémentaire).On constate alors que la question de la vérité concerne aussi la mise au point du « langage » qui se réfère aux «faits ».

Lorsque le langage en question paraît privé de référents empiriques (les « faits »), la croyance semble devoirêtre indécidable : il en irait ainsi, tout particulièrement, en métaphysique, puisque les concepts de cette dernière(l'âme, Dieu, la liberté, pour nous en tenir à ceux que Kant y considère comme fondamentaux) semblent bien ne pascorrespondre à des « faits ».

Le point de vue de Russell semble devoir mener à une critique de la métaphysique.Quant aux jugements mathématiques, comment les qualifier de vrais ou de faux ? On admet en général que lesnotions mathématiques n'ont pas de référents empiriques : un triangle existe en raison de sa définition, mais on n'aaucune chance de le rencontrer dans le monde des « faits », pas plus qu'un 5.

À moins d'admettre précisément quecette existence purement conceptuelle ou définitionnelle permet aux « croyances » mathématiques de disposerd'une vérité pouvant se déduire de leur constitution interne, et définie par leur cohérence logique.

Une autresolution raviverait une conception assez platonicienne, en affirmant que les notions mathématiques sont dotéesd'une existence telle que nous ne pouvons à leur propos élaborer de croyances qui ne leur correspondent pas. [Conclusion] Le texte de Russell concerne en priorité la vérité des croyances ou propositions empiriques, mais on constate que,sans même lui donner des prolongements excessifs, ce qu'il énonce débouche sur la question concernant les autresvérités possibles, métaphysiques ou « formelles » (logico-mathématiques).

Si la référence aux « faits » semblefournir d'abord un critère simple, on peut s'apercevoir facilement que la « coïncidence » entre une proposition et sesréférents est loin d'être une donnée constante du langage, et qu'elle doit en fait être soigneusement élaborée.. »

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