Devoir de Philosophie

Rousseau versus Pufendorf

Publié le 09/05/2005

Extrait du document

rousseau
Pufendorf dit que, tout de même qu'on transfère son bien à autrui par des conventions et des contrats, on peut aussi se dépouiller de sa liberté en faveur de quelqu'un. C'est là, ce me semble, un fort mauvais raisonnement ; car premièrement le bien que j'aliène me devient une chose tout à fait étrangère, et dont l'abus m'est indifférent, mais il m'importe qu'on n'abuse point de ma liberté, et je ne puis sans me rendre coupable du mal qu'on me forcera de faire, m'exposer à devenir l'instrument du crime. De plus, le droit de propriété n'étant que de convention et d'institution humaine, tout homme peut à son gré disposer de ce qu'il possède : mais il n'en est pas de même des dons essentiels de la nature, tels que la vie et la liberté, dont il est permis à chacun de jouir et dont il est moins douteux qu'on ait droit de se dépouiller. En s'ôtant l'une on dégrade son être ; en s'ôtant l'autre on l'anéantit autant qu'il est en soi ; et comme nul bien temporel ne peut dédommager de l'une et de l'autre, ce serait offenser à la fois la nature et la raison que d'y renoncer à quelque prix que ce fût. J.-J. ROUSSEAU

• Ce texte est d'une grande richesse et met en scène les protagonistes préférés – si l'on peut dire– de Rousseau, à savoir Hobbes et Pufendorf, ainsi que Grotius. Bref, les juristes du droit naturel dont Rousseau reprend en partie les acquis.  • – La théorie du droit naturel : les hommes sont libres et égaux dans l'état de nature. L'autorité politique n'a pas d'origine naturelle : c'est une convention, un « contrat «, consenti ou forcé. Conséquence = l'école du droit naturel ruine la doctrine du droit divin pour qui « il n'est point de pouvoir qui ne vienne de Dieu «.  – Mais Rousseau refuse la conception de Hobbes et la conception de Pufendorf quant à l'état de nature. Pour le premier, cet état est un état de guerre permanent. Pour le second, les hommes à l'état de nature sont doués de raison et sociables et c'est pourquoi ils vont pouvoir sortir de cet état indigne de l'homme.  • Le contrat aura donc un sens différent chez Hobbes, Pufendorf et Rousseau. Dans ce texte Rousseau rejette impérativement la possibilité d'aliéner sa liberté. La liberté est aussi essentielle à l'homme que sa vie. A la définition traditionnelle : « l'homme est un animal raisonnable «, Rousseau préfère « l'homme est un être libre «.  

rousseau

« essentiellement un don de la nature, tout comme la vie.

L'esclavage est donc une violence faite à la nature,une aberration de la raison.

Rousseau s'oppose à ceux qui pensent que la liberté est un droit du citoyen et nonde l'homme (ce que prescrivait la loi romaine et grecque) : « Mais quand on pourrait aliéner sa liberté commeses biens, la différence serait très grande pour les enfants qui ne jouissent des biens du père que partransmission de son droit, au lieu que, la liberté étant un don qu'ils tiennent de la nature en qualité d'hommes,leurs parents n'ont en aucun droit de les en dépouiller ; de sorte que comme pour établir l'esclavage, il a fallufaire violence à la nature, il a fallu la changer pour perpétuer ce droit, et les jurisconsultes qui ont gravementprononcé que l'enfant d'une esclave naîtrait esclave ont décidé en d'autres termes qu'un homme ne naîtraitpas homme.

» (Rousseau, Discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes, seconde partie, suite du texteproposé à l'examen, éd.

Nathan.)Conséquence : Le seul fondement légitime de la souveraineté est un contrat, mais un vrai contrat, dans lequella souveraineté appartient au peuple qui ne se dépouille d'une partie de sa liberté naturelle en faveur de seschefs que sous certaines conditions.Le droit naturel trouve sa source dans l'amour de soi et la pitié, « deux principes antérieurs à la raison » affirmeRousseau qui exclut la notion de sociabilité et de rationalité du droit naturel (idée de Pufendorf).

L'homme, àl'état de nature, ne dispose pas de la droite raison.

Il a la raison, mais en puissance.

Le passage à l'état civilactualisera sa raison.

Rousseau rejoindra Pufendorf et « l'opinion commune ».

La formation de l'État est laconclusion d'un double contrat : « le pacte d'association » qui lie les citoyens entre eux et leur impose desobligations mutuelles, et « le pacte de soumission » ou « pacte de gouvernement », par lequel les citoyens sesoumettent à l'autorité des chefs qu'ils se sont choisis sous certaines conditions.

A partir de là, nous abordonsla troisième question qui découle de ce que nous venons d'expliciter. QUESTION 3 A-t-on le droit de renoncer à sa liberté ?– Cette question pose le problème auquel le texte de Rousseau tente de répondre : la liberté est-elle un bienconstitutif, inaliénable de l'homme et, dans ce cas, peut-on légitimement, volontairement dire non à ce quinous constitue ? Bref, a-t-on le droit de choisir de ne pas être libre ?– La liberté est la valeur suprême de la morale : la plus haute qualité humaine est de ne jamais nuire à autrui.Puisque la liberté est une valeur, cela signifie qu'elle vaut vraiment la peine qu'on vive pour elle, qu'on ladéfende parfois jusqu'à mourir (cf.

la lutte des peuples pour leur indépendance).

On meurt donc pour obtenir ledroit d'être libre.

Ces morts se sont-ils sacrifiés pour rien ?– La liberté est donc une conquête, une valeur dont on prend lentement conscience, et qui reste fragile.

Il n'ya pas de leçons de l'histoire pensait Hegel.

On oublie vite les guerres, les tragédies révolutionnaires, lesdictatures.

On considère souvent qu'être un « homme tranquille » suffit.

Platon disait : « La punition de ceuxqui ne veulent pas s'occuper des affaires publiques, c'est qu'ils acceptent obligatoirement d'être gouvernés,opprimés peut-être, par des gens pires qu'eux-mêmes.

»– Ainsi, renoncer au droit à la liberté serait nier l'histoire de la libération de l'homme, à cet effort, qu'à chaquegénération, il faut améliorer.

Car même s'il s'agit de ma liberté, j'engage par mon choix l'humanité entière.

Jesuis responsable (cf.

Kant et Sartre).

« La paresse et la lâcheté sont les causes qui expliquent qu'un si grandnombre d'hommes, après que la nature les a affranchis depuis longtemps d'une direction étrangère, restentcependant, volontiers, leur vie durant, mineurs, et qu'il soit si facile à d'autres de se poser en tuteurs despremiers.

Il est si aisé d'être mineur ! Si j'ai un livre qui me tient lieu d'entendement, un directeur qui me tientlieu de conscience, un médecin qui décide pour moi du régime qui me convient, etc., je n'ai vraiment pasbesoin de me donner de peine moi-même.

Je n'ai pas besoin de penser, pourvu que je puisse payer; d'autres sechargeront bien pour moi de cette ennuyeuse occupation.

» (Kant) Je n'ai pas le droit de renoncer à la libertécar c'est refuser ma qualité d'homme et nier ma spécificité : la raison.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles