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Rousseau: «...Je n'imagine pas comment [les hommes] auraient jamais renoncé à leur liberté primitive et quitté la vie naturelle, pour s'imposer sans nécessité l'esclavage, les travaux, les misères inséparables de l'état social.»

Publié le 14/01/2004

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Rousseau: «...Je n'imagine pas comment [les hommes] auraient jamais renoncé à leur liberté primitive et quitté la vie naturelle, pour s'imposer sans nécessité l'esclavage, les travaux, les misères inséparables de l'état social.»
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« paix leur permettant de conserver leurs biens -, et les pauvres tout à y perdre puisqu'ils aliènent leur liberté sanscontrepartie.Pourquoi Rousseau, en 1755, s'en tient-il à cette thèse tout en notant au passage qu'elle ne le satisfait pas et qu'illui faudra revenir sur la question ? Les hypothèses sont diverses, mais l'essentiel est de voir comment le « Contratsocial » et les textes satellites (« Manuscrit de Genève », « Emile », « Lettres écrites de la montagne », « Economiepolitique », « Fragments politiques », « Lettre à Christophe de Beaumont », etc.) une théorie du contrat sont pourlui l'occasion d'élaborer social qui tranche avec tout ce qui précède. Pour Rousseau, l'expression « pacte de soumission » comporte en elle-même une contradiction.

Comment peut-onparler d'un contrat quand, par exemple, à la suite d'une conquête, un roi se rend maître d'un peuple, ou quand unhomme en réduit un autre en esclavage? Un contrat ne peut être établi qu'entre des parties égales et libresd'adhérer ou non à ce pacte.Pourtant, il serait possible d'imaginer une soumission volontaire.

Un peuple, par désir de paix, pourrait se soumettre àun pouvoir fort, aliéner sa souveraineté au profit de sa sécurité.

Un homme pourrait de même, en principe, devenirl'esclave d'un autre homme pour bénéficier de sa protection.Rousseau estime qu'un tel pacte est inconcevable parce que la liberté est un bien « inaliénable » : « Renoncer à saliberté, c'est renoncer à sa qualité d'homme...

» Si je renonce à ma liberté pour me confier à une volonté absolue,cela signifie que je suis prêt à faire tout ce qui me sera commandé, même des actes criminels.

Il n'y a donc pluspour moi de loi morale, plus de devoir, et, en cela, je deviens in-humain.

Et si, acculé à commettre un acte horriblequi révolte ma conscience, je refuse d'obéir, me comportant alors en homme, le pacte est rompu (Livre 1, ch.

4): «Renoncer à sa liberté, c'est renoncer à sa qualité d'homme, aux droits de l'humanité, même à ses devoirs.

Il n'y a nuldédommagement possible pour quiconque renonce à tout.

Une telle renonciation est incompatible avec la nature del'homme et c'est ôter toute moralité à ses actions que d'ôter toute liberté à sa volonté.

Enfu4 c'est une conventionvaine et contradictoire de stipuler, d'une part, une autorité absolue, et de l'autre, une obéissance sans bornes.

» Ce type d'accord ne mérite pas le nom de contrat et il ne lie en rien l'opprimé, du fait qu'il donne tout pouvoir àl'oppresseur :« N'est-il pas clair qu'on n'est engagé à rien envers celui dont on a droit de tout exiger, et cette seule condition,sans équivalent, sans échange, n'entraîne-t-elle pas la nullité de l'acte ? Car quel droit mon esclave aurait-il contremoi, puisque tout ce qu'il a m'appartient et que son droit étant le mien, ce droit de moi contre moi-même est un motqui n'a aucun sens ? »De même qu'un individu ne peut aliéner sa liberté, un peuple ne peut abandonner sa souveraineté aux mains d'unmaître.

Rousseau retrouve ici, ou reprend, un principe déjà énoncé un siècle et demi plus tôt par le jurisconsulteAlthusius (1556-1637): l'autorité politique a sa source dans le peuple et on ne peut la lui enlever sans dissoudre parlà même la société en tant que communauté régie par le droit.Le problème est donc bien de trouver une forme politique qui préserve la liberté de chacun, tout en assurant unordre qui évitera au plus faible d'être à la merci du plus fort.

C'est là qu'intervient l'apport original de Rousseau et ceen quoi il renouvelle la théorie du contrat social.L'autorité politique, selon Rousseau, ne peut se comprendre que si l'on considère que le peuple, tacitement ouexplicitement, établit un contrat avec lui-même.

Ou plutôt, c'est le peuple, en tant que collectivité, en tant quepersonne morale représentant la collectivité et dont émane la volonté générale, qui établit un contrat avec lamultitude des volontés particulières.

D'une façon paradoxale, l'un des participants à cet accord est créé par l'accordlui-même.

En cela, le pacte primitif n'a rien à voir avec d autres types de contrats comme les contrats commerciaux(« Emile », Livre V) : « Pour bien décider toutes les questions semblables, nous aurons soin de nous rappelertoujours que le pacte social est d'une nature particulière et propre à lui seul, en ce que le peuple ne contractequ'avec lui-même, c'est-à-dire le peuple en corps comme souverain avec les particuliers comme sujets.

Condition quifait tout l'artifice et le jeu la machine politique, et qui seule rend légitimes, raisonnables et sans danger desengagements qui sans cela seraient absurdes, tyranniques et sujets aux plus énon abus.

»Un tel contrat permet de retrouver l'indépendance de l'état de nature puisque le citoyen ne dépendra jamais d'unevolonté particulière, mais seulement de la loi: expression d'une volonté générale dont il est partie prenante.Rousseau exprime cette idée dans une belle formule (Livre 1, ch.

8): « L'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite estliberté.

»Le contrat ainsi conçu permet de concilier la liberté et la sécurité.

Parlant de la volonté générale, Rousseau dit «qu'elle doit partir de tous pour s'appliquer à tous ».

Evoquant la question dans « Sur l'économie politique », il montrecomment la soumission à la volonté générale, loin d'être une contrainte, se présente en fait comme une façon derendre les hommes libres: « Par quel art inconcevable a-t-on pu trouver le moyen d'assujettir les hommes pour lesrendre libres ? d'employer au service de l'Etat les biens, les bras, et la vie même de tous ses membres, sans lescontraindre et sans les consulter ? d'enchaîner leur volonté de leur propre aveu ? de faire valoir leur consentementcontre leur refus, et de les forcer à se punir eux-mêmes, quand ils font ce qu'ils n'ont pas voulu ? Comment se peut-il faire qu'ils obéissent et que personne ne commande, qu'ils servent et n'aient point de maître, d'autant plus libresen effet que sous une apparente sujétion, nul ne perd de sa liberté que ce qui peut nuire à celle d'un autre ? Cesprodiges sont l'ouvrage de la loi.

C'est à la loi seule que les hommes doivent la justice et la liberté.

[...] C'est elleaussi que les chefs doivent faire parler quand ils commandent; car sitôt qu'indépendamment des lois, un homme enprétend soumettre un autre à sa volonté privée, il sort à l'instant de l'état civil, et se met vis-à-vis de lui dans lepur état de nature où l'obéissance n'est jamais prescrite que par la nécessité.

»Cette loi, qui doit préserver chacun de l'arbitraire, est bien sûr celle qui émane de la volonté générale.Outre qu'il sert de fondement à une organisation sociale acceptable, le « contrat social » ainsi conçu permet àl'homme, nous l'avons vu, de devenir pleinement homme en développant ce qui était virtuel en lui.

A « l'homme de lanature » peut succéder « l'homme de l'homme ».. »

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