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Rousseau et les jésuites !

Publié le 27/02/2008

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rousseau
J'appris que le P. Griffer, jésuite, avait parlé de l'Emile et en avait même rapporté des passages. A l'instant, mon imagination part comme un éclair et me dévoile tout le mystère d'iniquité; j'en vis la marche aussi clairement et aussi sûrement que si elle m'eût été révélée; je me fourrai dans l'esprit que les Jésuites furieux du ton méprisant sur lequel j'avais parlé des collègues s'étaient emparés de mon ouvrage, que c'étaient eux qui en accrochaient l'édition ; qu'instruits par Guérin leur ami de mon état présent et prévoyant ma mort prochaine, dont je ne doutais pas, ils voulaient retarder l'impression jusqu'alors dans le dessein de tronquer, d'altérer mon ouvrage... Il est étonnant quelle foule de faits et de circonstances vint dans mon esprit se calquer sur cette folie et lui donner un air de vraisemblance, que dis-je? et m'y montrer l'évidence et la démonstration. Guérin était totalement dévoué aux Jésuites, je le savais. Je leur attribuai toutes les avances d'amitié qu'il m'avait faites. J'avais toujours senti, malgré le patelinage du M. Berthier, que les Jésuites ne m'aimaient pas, non seulement comme encyclopédiste, mais parce que mes principes de religion étaient beaucoup plus contraires à leurs maximes et à leur crédit que l'incrédulité de mes confrères, puisque le fanatisme athée et le fanatisme dévot se touchant par leur commune intolérance peuvent même se réunir... au lieu que la religion raisonnable et morale ôtant tout pouvoir humain sur les consciences ne laisse plus de ressources aux arbitres de ce pouvoir. Je savais que M. le Chancelier était aussi fort ami des Jésuites. Je craignais que le fils (Malesherbes) intimidé par le père ne se vît forcé d'abandonner l'ouvrage qu'il avait protégé. Je ne voyais partout que les Jésuites sans songer qu'à la veille d'être anéantis... ils avaient autre chose à faire que s'aller tracasser sur l'impression d'un livre où il ne s'agissait pas d'eux... C'est même une objection que M. de Malesherbes eut soin de me faire sitôt qu'il fut instruit de ma vision, mais... je ne voulus jamais croire que les Jésuites fussent en danger et je regardai le bruit qui s'en répandait comme un leurre de leur part pour endormir leurs adversaires. J.-J. Rousseau, Confessions, I, Livre I.L'impression de son ouvrage l'Emile ayant eu du retard Jean-Jacques Rousseau en déduit de noires machinations des Jésuites contre lui. Rousseau, devenu plus raisonnable, fait ici l'autocritique de sa propre argumentation.1. Montrez l'apparence rationnelle de l'argumentation de Jean-Jacques Rousseau. 2. Pourquoi l'argumentation dont Rousseau fait ici l'autocritique est-elle déraisonnable? 3. Caractérisez en un petit exposé personnel la forme de logique qui est présente dans ce discours.

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