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Qu'est-ce que imaginer ? Qu'est-ce que penser ? Quelle ressemblance, quelle différence et quels rapports y a-t-il à établir entre ces deux opérations ?

Publié le 19/06/2009

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INTRODUCTION. — PASCAL, dont les réflexions sur le « roseau pensant » nous sont familières et pour qui « pensée fait la grandeur de l'homme », affiche la sévérité commune en son temps à l'égard de l'imagination, « cette partie décevante dans l'homme, cette maîtresse d'erreur et de fausseté (...), cette superbe puissance ennemie de la raison. » (Édit. Brunschvicg, p. 362-363.) Pouvons-nous admettre cette conception ? Y a-t-il entre penser et imaginer l'opposition foncière que croyait le grand siècle ? I. — ANALYSE DE SES OPÉRATIONS Tâchons, tout d'abord, de bien voir ce qu'on entend par « imaginer » et par « penser ». A. - Qu'est-ce que « imaginer » ? a) Si l'on nous demandait : qu'est-ce que l'image ? nous pourrions répondre en rapprochant ce fait mental de la perception : comme cette dernière, l'image constitue mine représentation concrète de l'objet, avec cette différence toutefois : dans la perception, l'objet perçu est présent, et, c'est son action qui nous fait percevoir; l'image, au contraire, suppose l'absence de l'objet ou du moins celle de son action immédiate sur celui qui s'en donne une représentation imaginative. Mais c'est d'« imaginer » qu'il est question, non d'« image ». Or « imaginer » n'est pas synonyme de « voir en image » ce qu'on a vu antérieurement ou même ce qu'on a imaginé. D'une scène dont je fus hier le témoin je ne dis pas que je l'« imagine » : je la « vois. » ou plutôt la « revois ». C'est seulement d'un spectacle que nous n'avons jamais vu que nous disons l'« imaginer » : ainsi, en expédiant à mes parents le télégramme qui annoncera mon succès, j'« imaginerai » les réactions qu'il déclenchera; l'historien « imagine » un drame que les documents d'archives lui permettent de reconstituer... On n' « imagine » même pas ce qu'on revoit en imagination après l'avoir antérieurement « imaginé »; ainsi je n'userai pas du verbe « imaginer » pour désigner le retour à l'esprit d'un rêve d'avenir ou d'un projet de scénario élaboré il y a quelques semaines : je dirai plutôt que « je pense » à des constructions imaginatives; je ne les « imaginais » vraiment qu'à l'époque où je les construisais. « Imaginer » est donc autre chose que « voir en image ».

« ensuite, d'ordinaire, à déterminer les moyens d'en tirer le meilleur parti possible ou d'en éviter les inconvénients lesplus graves.Au second moment, au terme de la pensée qui se fait, penser c'est juger.

Lorsqu'un long moment de réflexion setermine par cet aveu : je ne sais qu'en penser, nous reconnaissons l'échec de la pensée-réflexion ou pensée qui sefait; celle-ci n'a pu aboutir à la pensée-jugement, qui est la pensée faite.

Penser, dans ce sens, c'est croire,admettre comme vrai. II.

— LEURS RAPPORTS Les philosophes prenant le verbe penser au sens strict, c'est avant tout à l'activité mentale ainsi comprise que nousdevons comparer celle qu'exprime le verbe « imaginer ».

Cependant l'emploi de « penser » dans son acception largeétant également légitime, nous ne le passerons pas complètement sous silence. A.

— Ressemblance.Que nous prenions « penser » au sens strict ou au sens large, il présente avec la fonction d'« imaginer » cecaractère commun de ne pas comporter d'exercice actuel des sens.

Qu'il rêve ou qu'il réfléchisse, celui qui pensecomme celui qui imagine ont si peu besoin des données sensorielles qu'ils cherchent plutôt à les réduire le pluspossible ou à s'en abstraire.Si par u penser » nous entendons la pensée qui se fait, la réflexion, on observe aussi une grande ressemblanceentre celui qui pense et celui qui imagine : dans les deux cas, en effet, l'esprit est également actif, s'évertuant àrésoudre des problèmes théoriques ou pratiques qui se posent à lui. B.

— Différence.C'est au contraire par une plus grande activité que « imaginer » se différencie des formes inférieures de la penséeau sens large au mot la rêverie, par exemple, ou le déroulement spontané des souvenirs.

Quand nous imaginons,nous visons plus ou moins explicitement un but; aussi nos fonctions mentales se concentrent-elles vers la solutioncherchée, tandis que dans les états de relâchement mental qui séparent les intervalles de pensée réfléchie elle setraînent au hasard et le plus souvent divaguent.Après cette remarque sur la pensée au sens large, c'est principalement la pensée au sens strict que nous devonsdifférencier du complexus d'opérations que désigne le verbe « imaginer ». a) « Penser », avons-nous dit, c'est étymologiquement peser.

Celui qui pense pèse le pour et le contre.

Il n'admetque des propositions évidentes et soumet à une critique rigoureuse celles dont l'évidence n'apparaît pasimmédiatement.

Il cherche les raisons et prévoit méthodiquement les effets.

Bref, la pensée au sens strict estlog:que et rationnelle.

Au contraire, celui qui « imagine » se situe en marge de la logique et néglige les processusrationnels de la pensée : il combine et juxtapose sans esprit critique; il ne déduit pas logiquement, mais entrevoitglobalement le résultat de ses constructions, et ses vues globales ne constituent pas de véritables synthèses. b) Aussi, tandis que la pensée proprement dite se termine par un jugement qui implique l'adhésion de l'esprit à ce quia été reconnu vrai, le stade auquel se réfère le verbe u imaginer » ne comporte qu'une représentation vis-à-vis delaquelle l'esprit ne prend pas de position nette : il s'y attache comme si elle était vraie, mais sans se prononcer sursa vérité; elle peut déterminer son action, mais automatiquement, agissant comme une force plutôt qu'à la manièredes raisons.De là une autre différence : au lieu que la pensée a une valeur éprouvée, la valeur de ce qu'on « imagine » resteambiguë.

Nos constructions imaginatives peuvent constituer d'heureuses trouvailles ou même des inventionsgéniales, mais le plus souvent elles n'ont de génial que l'apparence et sont à ranger parmi lés associationsfantaisistes ou même absurdes.

La pensée, au contraire, si elle a des apparences plus modestes, reste valable etrésiste aux critiques auxquelles on la soumet. C.

— Interdépendance. Il ne faudrait cependant pas que les différences essentielles que nous venons de relever entre l'activité mentale decelui qui imagine et celle de la pensée proprement dite nous fasse croire à deux processus effectivement distincts :ce n'est que par abstraction que nous parvenons à les distinguer; dans l'activité mentale réelle nous pensons enmême temps que nous imaginons. a) On ne peut pas penser sans imaginer, car la pensée resterait inerte si, devançant les processus rationnels,l'esprit ne procédait à des combinaisons imaginaires sur lesquelles la pensée pourra ensuite exercer son.

pouvoircritique et dans lesquelles elle pourra introduire la logique qui leur fait défaut.

« La pensée rationaliste ne «commence » pas.

Elle rectifie.

Elle régularise.

Elle normalise ».

C'est en « imaginant » que nous commençons et quesans cesse, en marge de la pensée rationnelle, nous préparons pour le moment qui suivra une matière à laquellel'esprit pourra donner une forme rationnelle. b) Inversement, si nous pouvons « imaginer sans penser au sens strict du mot, il n'y a pas sans pensée de travailimaginatif fructueux : celui-ci n'aboutit à ses fins que grâce à la pensée rationnelle qui oriente inconsciemment sesdémarches et contrôle ses constructions. CONCLUSION. - Nous pouvons bien distinguer dans l'activité mentale diverses fonctions.

Mais, en réalité, l'esprit fonctionne comme un tout, et c'est de la collaboration équilibrée de ses fonctions que résultent la facilité et la. »

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